Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 112

Le mardi 18 avril 2023
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 18 avril 2023

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les droits de la personne en Turquie

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour remercier Mesut Kacmaz, Meral Kacmaz, Murat Acar et Candan Acar, quatre Turco-Canadiens victimes de torture qui ont eu le courage de me raconter leurs histoires le mois dernier à Ottawa.

En septembre 2017, les enseignants Mesut et Meral Kacmaz et leurs deux enfants ont été enlevés illégalement au Pakistan et emmenés en Turquie, où ils ont été détenus arbitrairement et torturés. Murat Acar était un radiologiste et sa femme, Candan, une enseignante. Avec leurs deux enfants, ils ont été enlevés illégalement à Bahreïn et envoyés en Turquie en octobre 2016, où ils ont eux aussi été détenus arbitrairement et torturés. Ces deux familles ont cherché refuge au Canada après avoir échappé à la persécution en Turquie et elles sont maintenant fières de considérer le Canada comme leur patrie.

Lorsque nous nous sommes rencontrés le mois dernier, nous avons discuté de la demande de sanctions ciblées que ces quatre Turco-Canadiens ont présentée à Affaires mondiales. Ils souhaitent que le gouvernement du Canada impose des sanctions ciblées à l’endroit de 12 représentants turcs qu’ils ont identifiés comme étant responsables des graves violations des droits de la personne commis contre eux et contre leur ami Gökhan Açıkkollu, qui a été torturé à mort dans une prison turque à peu près au même moment.

Chers collègues, la situation des droits de la personne en Turquie est déplorable. Ce qui est arrivé à ces Canadiens n’est qu’un exemple d’une escalade grave et inquiétante des violations des droits de la personne en Turquie. Depuis 2016, le gouvernement turc a incarcéré plus de 300 000 personnes, dont des milliers de procureurs et de juges, et a fermé plus de 2 000 institutions et 131 médias. La Turquie a incarcéré un si grand nombre de journalistes qu’elle a été pendant un certain temps en tête des pays qui emprisonnent le plus grand nombre de journalistes.

Il y a des preuves que les détenus sont torturés et violés, et des centaines d’entre eux sont morts en prison. Les instances des Nations unies, comme le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire et le Comité des droits de l’Homme de l’ONU, ont constaté à plusieurs reprises que les autorités turques étaient responsables de graves violations des droits de la personne dans ce contexte.

Étant donné que l’impunité règne dans ce pays et que les forces de l’ordre turques ne sont manifestement pas disposées à sanctionner les responsables, il incombe à la communauté internationale, et notamment au Canada, de demander des comptes aux responsables de graves violations des droits de la personne, et ce, d’autant plus, chers collègues, que le régime d’Erdogan compte maintenant des victimes canadiennes. Il est de notre devoir de faire notre possible pour que les auteurs des crimes dont ils ont été victimes soient punis.

Je vous remercie.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Maxime Gagnon, d’Émilie Bouchard Labonté et de Saoud Messaoudi. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Petitclerc.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Défi sportif AlterGo

Félicitations à l’occasion de son quarantième anniversaire

L’honorable Chantal Petitclerc : Chers collègues, c’est un grand bonheur pour moi, aujourd’hui, de vous parler d’un événement incroyable qui débutera la semaine prochaine, le Défi sportif AlterGo.

Ce grand événement, qui se déroulera du 21 au 30 avril dans le Grand Montréal, célèbre cette année son 40e anniversaire. J’ai le bonheur d’y participer à titre de porte-parole depuis plus de 20 ans, alors qu’auparavant, j’y participais en tant qu’athlète.

(1410)

D’envergure internationale, le Défi sportif AlterGo est le seul événement à rassembler, depuis 1984, des athlètes d’élite et de la relève, de toute limitation fonctionnelle. Cet événement favorise la transmission des connaissances, la consolidation des compétences et l’amélioration de l’expertise en matière d’accueil d’événements sportifs adaptés. Chaque année, le Défi sportif AlterGo permet de sensibiliser la population à l’importance de l’inclusion des personnes en situation de handicap.

Aujourd’hui, chers collègues, j’aimerais d’abord rendre hommage à la fondatrice du Défi sportif AlterGo, Monique Lefebvre, qui a créé il y a 40 ans un événement mettant de l’avant des athlètes de toute limitation. Pour Monique, l’inclusion et l’accessibilité ont toujours été des priorités.

J’aimerais aussi saluer nos invités : Maxime Gagnon, président-directeur général, Émilie Bouchard Labonté, directrice des communications, et Saoud Messaoudi, qui participera la semaine prochaine au Défi sportif AlterGo et qui est ici à titre d’athlète ambassadeur. Merci de votre travail dévoué et surtout, merci de votre passion.

Je souhaite bonne chance aux 6 000 athlètes provenant de 28 pays qui seront en action la semaine prochaine. Il ne faut pas oublier les participants qui représenteront le Canada à la Coupe du monde de World Boccia — Montréal 2023, et qui tenteront de se tailler une place aux Jeux paralympiques de Paris en 2024.

En cette Semaine de l’action bénévole, je dis un énorme merci aux 1 000 bénévoles dévoués qui rendent possible la tenue de cet événement sportif unique et exceptionnel. Sans eux, le Défi sportif AlterGo n’existerait pas et n’aurait certainement pas le succès qu’il a aujourd’hui. Enfin, à toute l’équipe du défi sportif, des leaders inspirants, je dirais même à ma belle famille du défi sportif, merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Gemma et Sarah Yates-Howorth. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Bovey.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Gemma Yates-Howorth

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, ce fut pour moi un honneur d’inviter Gemma Yates-Howorth à rédiger le guide intitulé Se lancer dans l’embauche en toute confiance : guide à l’intention des personnes handicapées pour l’embauche d’aidants.

En 2019, nous avons adopté la Loi canadienne sur l’accessibilité, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles. Le projet de loi C-22, Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées, est étudié présentement par le Comité des affaires sociales. La société doit s’occuper des besoins, des droits et de l’indépendance des personnes handicapées et des personnes sourdes. Trouver des aidants est l’un des enjeux critiques pour les personnes handicapées. J’espère que ce guide sera utile à ceux qui embauchent des aidants ou qui vivent avec des aidants.

J’ai constaté le soin que Gemma porte à l’embauche des aidants dont elle a besoin depuis de nombreuses années et sa façon d’évaluer ses besoins et de trouver un équilibre avec les intérêts et les compétences des personnes qu’elle embauche. J’ai vu à quel point elle est chaleureuse dans ses interactions avec toutes ces personnes. La qualité de vie, l’estime de soi et l’engagement communautaire sont essentiels pour qu’une personne puisse vivre des expériences positives.

J’ai demandé à Gemma de décrire ses principes et ses pratiques d’embauche, mais également de raconter ce qu’elle pouvait de son histoire personnelle. C’est ce qu’elle a fait. Les points de vue personnels et universels exprimés par Gemma sont prescients. Grâce à sa détermination, elle a accompli beaucoup de choses au cours de sa vie, même si elle a toujours vécu avec une paralysie cérébrale. Après avoir terminé ses études secondaires, elle a obtenu un baccalauréat en gestion des loisirs et développement communautaire à l’Université du Manitoba. Elle a fait du bénévolat au centre St. Amant de Winnipeg, une résidence pour personnes handicapées ayant un besoin d’assistance élevé. De plus, elle a divers contrats avec l’association de la paralysie cérébrale du Manitoba.

Chers collègues, vivre en fauteuil roulant est un immense défi, et pourtant, Gemma découvre et explore des parties de sa ville et la diversité de cette dernière comme peu d’entre nous le font. Sa créativité et son habileté avec les technologies sont évidentes dans toute son œuvre. Dans tout ce qu’elle fait, elle reconnaît toujours avec gratitude l’assistance de ses soignants et l’enrichissement qu’elle tire de la diversité de leurs vécus, de leurs professions et de leurs cultures.

J’espère que ce guide, dont on vient tout juste d’achever la traduction et qui sera bientôt publié sur mon site Web, avec ses conseils concernant la définition de ses besoins, la publication de l’offre d’emploi, l’évaluation des candidats, l’entrevue, l’embauche, la formation et la résolution des inévitables problèmes, permettra à d’autres d’élargir leur monde d’indépendance et de découvrir de nouveaux endroits et de nouveaux intérêts. Comme je l’ai dit, maintenant qu’il est traduit, le guide sera bientôt publié sur mon site Web et nous le distribuerons aux organismes qui aimeraient le publier sur leur propre site Web. Gemma, je vous remercie, ainsi que toutes les personnes qui ont collaboré avec vous.

Des voix : Bravo!

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mario Richard et d’André Clermont. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Boisvenu.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La tuerie de Portapique—Le soutien aux familles des victimes

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, il y a trois ans, les 18 et 19 avril 2020 auront marqué à jamais la communauté de Portapique, en Nouvelle-Écosse, alors que 23 personnes, dont un enfant à naître, ont été brutalement assassinées par un individu déguisé en policier en fonction. Une cavale meurtrière s’est poursuivie sur deux longues journées au cours desquelles il aura visé certaines des victimes, alors que d’autres auront été choisies au hasard sur sa route.

Cette tuerie de masse est la pire à être survenue au Canada et encore aujourd’hui, toutes les familles des victimes se questionnent sur les causes de ce terrible drame et sur ce qui aurait dû être fait pour l’éviter.

Le 30 mars dernier à Truro, en Nouvelle-Écosse, avec mon collègue M. Stephen Ellis, le député de la circonscription où s’est déroulé le drame, ainsi qu’avec les familles des victimes, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Tim Houston, le premier ministre Justin Trudeau et deux de ses ministres, j’ai assisté au dépôt du rapport de la Commission des pertes massives, qui a été créée pour faire la lumière sur ce terrible drame.

J’ai eu le privilège d’échanger avec plusieurs proches des victimes, et leur douleur, leur peine et leur colère sont encore très vives. Les familles des victimes avaient besoin d’être écoutées et réconfortées, et j’ai trouvé inacceptable que le premier ministre Trudeau soit passé en coup de vent dans la salle où se déroulait l’événement sans adresser un seul mot aux familles, alors qu’il avait déclaré publiquement il y a trois ans qu’il serait là pour elles.

Pourtant, trois ans après le vol tragique de toutes ces vies, les familles des victimes attendent toujours que le gouvernement fédéral réponde présent. Le seul commentaire que le premier ministre a livré à toute vitesse aux médias, à la suite du dépôt du rapport, a été celui-ci : « On va prendre le temps de bien digérer et absorber toutes ces recommandations, toutes ces conclusions. » Pour moi et pour mon collègue, rencontrer les familles présentes était notre priorité, et c’est pour elles que je porte fièrement aujourd’hui cette épinglette qui commémore la mémoire de leurs proches assassinés.

Je suis encore choqué d’avoir appris par les familles des victimes qu’à la suite de la tuerie, elles ont dû assumer seules toutes les dépenses liées à leurs traitements et au deuil de leurs proches ou, pour certaines d’entre elles, les dépenses liées à leur déménagement parce que le meurtre avait eu lieu dans leur maison. Les familles n’ont reçu aucune aide de la part du gouvernement, ce qui a eu pour effet de les victimiser une seconde fois.

Pourquoi le gouvernement fédéral s’est-il empressé de dédommager rapidement les personnes touchées par la tempête Fiona qui a frappé la région de l’Atlantique, alors qu’il a abandonné les familles des victimes de cette tuerie? Cela est incompréhensible et inacceptable.

Les familles des victimes font preuve d’une grande résilience, mais elles démontrent à la fois leur réalisme et leur pessimisme quant à la suite des choses. Bien que les familles cultivent un certain espoir relativement aux nombreuses recommandations contenues dans le rapport, surtout celles liées à la violence conjugale et au travail de la Gendarmerie royale du Canada, elles soulèvent cependant plusieurs questions. Qui sera responsable du suivi des recommandations? Qui évaluera les résultats découlant du rapport?

Aujourd’hui, je tiens à remercier les familles des témoignages poignants qu’elles ont livrés dans l’espoir que leur douleur soit écoutée et comprise. Malheureusement, depuis trois ans, la voix des familles a été étouffée par un profond sentiment d’abandon de la part du gouvernement et elles estiment ne pas avoir été entendues, même ici, à Ottawa. Il est de mon devoir de les faire entendre ici, jusqu’au bureau du premier ministre.

Honorables sénateurs, merci de m’accompagner pour honorer la mémoire des victimes de Portapique et de faire entendre la voix de leur famille encore plus fort, puisqu’elles méritent d’être entendues. Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

(1420)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Alanis Obomsawin, de Suzanne Guèvremont et de Charles Bender. Ils sont les invités des honorables sénateurs Audette, Cardozo, Francis, Greenwood, Klyne et McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Alanis Obomsawin, C.C., G.O.Q.

L’honorable Michèle Audette : [Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime dans une langue autochtone.]

Je remercie le peuple anishinabe de m’accueillir encore une fois sur son territoire.

Je prends la parole aujourd’hui, chers collègues, pour honorer une grande personne, une grande dame, une personne que j’aime beaucoup. C’est une femme forte, une femme qui ne craint personne et qui ne mâche pas ses mots; elle est incroyable.

Elle reste elle-même, même si elle a rencontré beaucoup de personnalités et de sommités partout dans le monde. Elle reste simple; une femme élégante, une femme généreuse et une femme qui a un amour inconditionnel pour les enfants, dont sa Kisos.

Vous la reconnaissez peut-être, parce qu’elle s’est levée il y a quelques secondes, comme une grande réalisatrice. C’est aussi une artiste, une poète, une musicienne, une activiste. Elle a consacré toute sa vie aux peuples autochtones, ici au Canada, et certainement partout dans le monde, pour parler des injustices.

Elle a reçu beaucoup de prix grâce à ses 50 documentaires et plus, de grands prix comme le prix Glenn-Gould. Bientôt, en juillet, elle va recevoir un autre prix de nos voisins, aux États-Unis, la MacDowell Medal. Elle a été décorée par plusieurs organisations, dont l’Ordre du Canada, comme grande officière, et bien sûr l’Ordre national du Québec. Elle est détentrice de plusieurs doctorats honoris causa.

Ce soir, entre deux votes, je vous invite, avec les sénateurs Cardozo, Francis, Greenwood, McPhedran et Klyne, à venir célébrer un petit moment avec notre sœur Alanis Obomsawin. Elle sera accompagnée de Suzanne Guèvremont, de l’Office national du film du Canada. Nous allons vous présenter le documentaire de l’honorable Murray Sinclair.

C’est avec beaucoup d’émotion, chère amie, que je te dis aussi avec admiration, parce que tu m’as bercée toute petite, tu as bercé mon Amun aussi, et tu as ouvert des portes pour beaucoup de femmes autochtones. Merci du fond du cœur, chère, unique Alanis.

Elle vient d’Odanak, la nation abénakise.

Tshinashkumitin de nous faire rayonner à travers la planète, et j’espère qu’on va pouvoir honorer tout ce que tu fais et ce que tu vas faire encore pour nous.

[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime dans une langue autochtone.]

[Traduction]

Le décès de Brian Twerdin

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, Brian Twerdin est né à LaSalle, au Québec, où il a vécu jusqu’à l’âge de 18 ans, avant d’aller rendre visite à son frère à Frobisher Bay, comme on l’appelait alors, le temps d’une fin de semaine. Cette fin de semaine est devenue une vie entière remplie de bons souvenirs et marquée par de nombreuses activités de soutien à la collectivité.

Brian a rencontré l’amour de sa vie, Elisapee, à Iqaluit en 1998. N’étant pas du genre à compter les années passées ensemble, Brian disait à Elisapee que chaque jour était leur anniversaire de mariage. Ensemble, ils ont tenu l’un des cafés les plus célèbres et les plus emblématiques d’Iqaluit, le Grind & Brew, et ont élevé deux fils dans le cadre d’une famille recomposée, Iola et Jimmy.

Brian était aussi incontournable au Grind & Brew que les pizzas et le café. Il accueillait toujours les clients avec un bonjour et un sourire, car le Brew était aussi un refuge où l’on pouvait se réchauffer les jours de grand froid. Les fans des Boston Bruins étaient particulièrement bienvenus.

La seule chose que Brian aimait autant que sa famille était le sport; il a joué au hockey, au baseball et au football et a battu des records dans plusieurs de ces disciplines. Il était l’entraîneur et le pilier du hockey amateur d’Iqaluit. De nombreux joueurs de hockey d’Iqaluit ont bénéficié des conseils de Brian sur la glace et, plus tard, depuis les gradins. L’équipe de hockey Iqaluit Blizzard a remporté la Coupe Bell Capital sous la direction de Brian. Les Outlaws ont été parrainés par le Grind & Brew pendant de nombreuses années.

Brian avait des amis partout où il allait. Tout le monde le connaissait. À Iqaluit, en particulier, on le trouvait souvent en compagnie d’Ed Picco, d’Hunter Tootoo, de Kolola et de son frère Mike. Brian a reçu de nombreuses distinctions communautaires, y compris la Prime du commissaire pour bravoure et un prix d’excellence pour l’ensemble de ses réalisations de la part de l’association de baseball d’Iqaluit, Il a aussi été nommé Toonik honoraire.

En plus de ses marques de reconnaissance officielle, d’innombrables Iqalummiuts se tournaient vers Brian lorsqu’ils avaient besoin de soutien, de conseils et de gentillesse. Plusieurs enfants comptaient sur ses collations et ses conseils. Après son décès, on a commencé à raconter comment Brian avait touché la vie des gens, et on continue de raconter ces histoires. Brian est mort — après une brève maladie — en décembre dernier, le jour de son anniversaire. Sa perte a été grandement ressenti, y compris au sein des organismes communautaires qu’il aidait non seulement grâce à ses dons financiers, mais aussi grâce à ses conseils constants.

Je sais que, aujourd’hui, Brian nous sourit à nous tous de l’au‑delà, et qu’il célèbre le fait que les Bruins ont terminé leur saison régulière cette année avec de multiples records. Ce sera bien la seule fois que j’espérerai qu’une équipe non canadienne remporte la coupe Stanley. Qujannamiik. Merci.


AFFAIRES COURANTES

La Corporation épiscopale catholique romaine d’Ottawa
La Corporation épiscopale catholique romaine du diocèse d’Alexandria-Cornwall

Projet de loi d’intérêt privé tendant à modifier la loi constitutive—Dépôt d’une pétition

L’honorable Bernadette Clement : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer une pétition de la Corporation épiscopale catholique romaine d’Ottawa et de la Corporation épiscopale catholique romaine du diocèse d’Alexandria-Cornwall, en Ontario, au Canada, sollicitant l’adoption d’un projet de loi d’intérêt privé tendant à modifier leur loi constitutive pour fusionner ces deux entités en une seule entité sous le régime du droit canadien.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Les relations sino-canadiennes

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, la semaine dernière, les membres du conseil d’administration et la présidente-directrice générale de la Fondation Pierre-Elliott-Trudeau ont démissionné en bloc à la suite du cadeau de 200 000 $ du Parti communiste de Pékin. Lorsqu’on lui a posé des questions sur les démissions de mardi dernier, voici ce que le premier ministre a répondu, sénateur Gold : « Je n’ai aucun lien direct ou indirect avec la fondation qui porte le nom de mon père. »

C’est une déclaration ridicule de la part du premier ministre Trudeau. Le gouvernement qu’il dirige peut nommer des membres de la fondation, tout comme sa famille. Le National Post a rapporté que la fondation a utilisé son nom dans du matériel promotionnel jusqu’en septembre 2014, soit un an et demi après qu’il a été nommé chef des libéraux. Son frère est directement impliqué dans la fondation et la réception du cadeau de 200 000 $.

Monsieur le leader, pourquoi le premier ministre persiste-t-il à prétendre qu’il n’y a aucun lien alors que ce n’est absolument pas le cas?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le premier ministre a indiqué clairement à plusieurs reprises — et je vais le répéter encore une fois — qu’il a cessé d’entretenir des liens avec la fondation lorsqu’il est devenu chef du Parti libéral et qu’il n’en a eu aucun depuis. La fondation est une organisation indépendante. Comme pour toute organisation, nous nous attendons à ce qu’elle agisse de bonne foi. Bien franchement, il est évident que toute question au sujet des activités de la fondation doit être adressée à celle-ci et non au premier ministre ou à moi.

(1430)

Le sénateur Plett : Je trouve étrange de me faire répondre : « Ne me posez pas la question à moi; posez-la plutôt à quelqu’un d’autre ».

Chaque jour, de nouvelles révélations font surface au sujet de l’ingérence étrangère par le régime en place à Pékin et de ce que le premier ministre savait. Celui-ci a toujours affirmé qu’il y a un mur entre lui et la Fondation Trudeau. Or, la semaine dernière, La Presse a rapporté qu’un haut responsable au Cabinet du premier ministre avait communiqué avec la fondation Trudeau en novembre 2016 au sujet du « don chinois ». Le mur semble bien mince, monsieur le leader. Un ancien membre du conseil d’administration a déclaré à La Presse la semaine dernière que la prétendue polarisation politique que la fondation et le premier ministre ont invoquée pour justifier les démissions n’était — tenez-vous bien — qu’un « ramassis de mensonges ».

Monsieur le leader, les Canadiens méritent de connaître la vérité. Une enquête publique s’impose. De toute évidence, le premier ministre n’abonde pas dans ce sens, car autrement il aurait lui-même ordonné la tenue d’une telle enquête.

Mais quelle excuse a son cabinet? Pourquoi les gens qui y sont en place ne comprennent-ils pas qu’une enquête publique est la seule voie à suivre au point où en sont les choses? Enfin, monsieur le leader, comment qualifie-t-on une personne qui débite un paquet de mensonges? Comment qualifieriez-vous de tels propos?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question.

Les mots ont de l’importance. Ils ont de l’importance dans le discours public, notamment dans cette enceinte. L’utilisation de termes de plus en plus hostiles pour entacher la réputation de nos institutions — institutions sur lesquelles repose le Canada — est profondément troublante et a tout lieu d’inquiéter l’ensemble des Canadiens.

Je répète que le premier ministre n’a jamais été mêlé aux activités de la fondation depuis qu’il assume la direction de son parti. Toute tentative pour remettre en question l’intégrité de la fondation ou celle du premier ministre est regrettable et, avec tout le respect que je vous dois, malavisée.

Le rapporteur spécial, l’honorable David Johnston, a été chargé de conseiller le gouvernement en ce qui concerne les mesures qui pourraient s’imposer, et le gouvernement s’est pour sa part engagé à respecter et à accepter les recommandations qui lui seront faites. Nous connaîtrons ces recommandations très bientôt.

L’honorable Leo Housakos : Ce n’est pas nous qui contestons l’intégrité du premier ministre, monsieur le leader du gouvernement; c’est son inaction à l’égard d’un sujet très grave qui remet en cause son intégrité et son jugement.

Sénateur Gold, nous avons appris hier que le FBI avait arrêté deux personnes qui géraient un poste de police secret à New York pour le compte du régime communiste de Pékin. Selon le département de la Justice des États-Unis, ces deux personnes ont conspiré pour travailler en tant qu’agents du Parti communiste chinois et elles ont reçu des ordres du régime afin de traquer et de réduire au silence des dissidents chinois vivant aux États-Unis.

Sénateur Gold, nous savons que plusieurs de ces postes de police clandestins opèrent ici même au Canada, en violation de la souveraineté et de la législation canadiennes. D’ailleurs, une des personnes arrêtées hier par le FBI avait dans son téléphone des photos de l’un de ces postes de police clandestins opérant ici même au Canada.

Sénateur Gold, savons-nous si cette personne est venue ici au Canada? La GRC a-t-elle pris des mesures pour interroger cette personne en rapport avec les postes de police clandestins au Canada? Par ailleurs, pouvez-vous me dire pourquoi aucune accusation n’a encore été portée dans cette affaire au Canada? Quelqu’un a-t-il été expulsé du Canada à la suite de l’enquête? Y a‑t-il eu des conséquences pour les agents communistes qui se comportent de la sorte ici même au Canada?

Le sénateur Gold : Merci pour vos nombreuses questions.

Il s’agit d’un enjeu important dont le gouvernement s’est saisi et pour lequel il a pris de nombreuses mesures.

En ce qui concerne vos questions, les enquêtes qui sont menées par la GRC et d’autres, ou qui pourraient l’être, sont des sujets à propos desquels je ne peux pas faire de commentaires et qui porteront leurs fruits lorsque ces enquêtes seront terminées.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, vous avez raison. Il y avait plusieurs volets à ma question. C’est parce que les questions ne cessent de s’accumuler, car nous ne recevons aucune réponse concrète, et je n’en ai pas obtenu davantage dans la réponse que vous venez de donner.

Sénateur Gold, selon les allégations, les deux individus en question auraient notamment ciblé le Falun Gong en réunissant des membres de la diaspora chinoise et en les emmenant en autobus à des contre-manifestations lors de manifestations favorables au Falun Gong, et le consulat chinois aurait payé 60 $ à chacun de ces participants.

Cela ressemble étrangement aux allégations sur ce qui se serait passé lors d’une réunion concernant une certaine candidature libérale, n’est-ce pas?

Selon d’autres allégations, les deux agents déjà mentionnés auraient traqué des dissidents chinois qui vivent aux États-Unis et les auraient menacés ainsi que leurs familles de les forcer à retourner en Chine pour qu’ils y soient arrêtés par les autorités du régime communiste. Encore une fois, cela correspond exactement à ce que nous avons entendu de la part de certains Canadiens d’origine chinoise.

Par conséquent, sénateur Gold, pourquoi le gouvernement n’essaie-t-il pas d’en faire davantage pour protéger ces gens au Canada? Vous dites que nous ne voulez pas que les membres des diasporas aient peur. Le premier ministre a dit la même chose à maintes occasions. Or, les gens de ces communautés ont déjà peur, et le gouvernement ne fait rien pour y remédier. Vous vous souciez davantage de protéger les gens dont les Canadiens d’origine chinoise ont peur.

Quand le premier ministre cessera-t-il de tergiverser à l’égard de l’influence exercée par le régime de Pékin à l’extérieur de la Chine?

Le sénateur Gold : Le premier ministre n’est pas en train de tergiverser. Vous avez peut-être de nombreux talents, sénateur Housakos, mais je doute que vous soyez télépathe, alors vous ne pouvez pas savoir ni prétendre savoir ce qui se passe dans la tête des autres.

Le gouvernement prend l’affaire au sérieux. Des enquêtes sont en cours. Les institutions existantes, comme le comité de parlementaires, entre autres, continuent d’étudier la situation, comme le fait le rapporteur spécial. Les Canadiens peuvent avoir l’assurance que le gouvernement a leurs intérêts, ainsi que nos intérêts, à cœur.

La sécurité publique

Le rapport de la Commission des pertes massives

L’honorable Mary Coyle : Sénateur Gold, comme vous le savez, aujourd’hui est un bien triste anniversaire pour tous les Canadiens. Il y a trois ans aujourd’hui, la pire fusillade de l’histoire du Canada est survenue dans ma province, la Nouvelle-Écosse, et elle a inutilement mis fin à la vie de 22 innocents, notamment Heidi Stevenson, une membre très compétente et estimée de la GRC originaire de ma ville, Antigonish.

Vous vous rappellerez que, peu de temps après avoir encaissé le choc initial de cette tragédie, plusieurs sénateurs représentant la Nouvelle-Écosse ont demandé aux gouvernements provincial et fédéral de lancer une enquête complète. Les recommandations découlant de cette enquête, qui ont été publiées récemment dans le rapport final de la Commission des pertes massives, préconisent une réforme profonde et systémique de la GRC pour éviter que le genre de tragédie dont nous avons été témoins en Nouvelle-Écosse en avril 2020 ne se reproduise.

Parmi les 130 recommandations formulées par la commission, plus de 60 sont adressées à la GRC. Le message des commissaires se lit comme suit :

L’avenir de la GRC et des services de police provinciaux nécessitent une réévaluation ciblée. Nous devons repenser le rôle de la police au sein d’un écosystème plus vaste de sécurité publique [...]

Le message se poursuit ainsi :

Surtout, la GRC doit enfin subir le changement fondamental réclamé dans de nombreux rapports antérieurs [...]

Compte tenu de cet impératif, le sénateur Harder a lancé une interpellation au Sénat sur le rôle et le mandat de la GRC.

Sénateur Gold, pouvez-vous nous dire comment et quand le gouvernement prévoit donner suite aux appels de l’action de la Commission des pertes massives visant à apporter des réformes majeures à la GRC? D’aucuns craignent qu’il ne soit pas réaliste de s’attendre à ce que la GRC dirige elle-même cette réforme.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Tout d’abord, je pense exprimer notre pensée à tous en disant que nous sommes de tout cœur avec les familles et les communautés de Portapique et de Truro et que nous continuons de partager leur chagrin.

Comme vous l’avez souligné, sénatrice, le rapport final de la Commission des pertes massives a défini un plan d’action pour réformer la GRC. Comme vous le savez, le gouvernement a créé un organisme de mise en œuvre qui établira un ordre de priorités pour les recommandations et appuiera la mise en œuvre de celles-ci. Les recommandations proposent notamment de renforcer la surveillance de la GRC, de renforcer les lois canadiennes qui interdisent les armes à feu de style arme d’assaut et de s’attaquer aux causes profondes des crimes commis avec des armes à feu en offrant du soutien en matière de services de santé mentale aux Canadiens.

(1440)

Pour répondre à votre dernier point, je signale que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec la GRC à réformer l’organisation, afin d’éviter, dans la mesure du possible, qu’une telle tuerie ne se reproduise.

La sénatrice Coyle : Sénateur Gold, nous savons qu’au début de la tragédie en Nouvelle-Écosse, le meurtrier a menacé et violemment agressé sa partenaire.

Plusieurs recommandations issues de la Commission des pertes massives portent sur la réponse inadéquate de la GRC et du gouvernement à la violence entre partenaires intimes, qui est répandue au Canada. Depuis de nombreuses années, on ne finance pas suffisamment la prévention de la violence fondée sur le sexe et les interventions efficaces, ce qui met en danger la vie de femmes.

Dans le rapport, on exhorte le gouvernement du Canada à considérer la violence fondée sur le sexe comme une épidémie au Canada et à offrir un financement à long terme pour des services qui se montrent depuis longtemps efficaces pour répondre aux besoins de femmes qui sont victimes de la violence fondée sur le sexe et pour contribuer à prévenir ce type de violence.

Sénateur Gold, nous savons que le gouvernement s’est dit tout à fait résolu à mettre fin à la violence fondée sur le sexe et à soutenir les victimes. Le gouvernement acceptera-t-il les conclusions de la commission? Déclarera-t-il que la violence fondée sur le sexe constitue une épidémie au Canada et s’engagera-t-il à fournir un financement à long terme et, surtout, soutenu pour des services efficaces?

Le sénateur Gold : Honorables sénateurs, comme vous le savez, le gouvernement a publié en 2017 sa stratégie pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe. Cette stratégie a été présentée dans un document intitulé Il est temps : la Stratégie du Canada pour prévenir et contrer la violence fondée sur le sexe.

Cette stratégie prend appui sur plusieurs initiatives fédérales, ce qui permet la coordination des programmes actuels. Elle prépare le terrain pour mieux lutter contre la violence fondée sur le sexe, y compris en soutenant les personnes survivantes et leur famille et en faisant la promotion de systèmes juridiques et judiciaires adaptés.

Afin de réaliser des progrès dans ce domaine, le gouvernement prend également d’autres mesures, comme la présentation du projet de loi C-21. Ce dernier propose la mise en œuvre des actions les plus rigoureuses depuis au moins une génération contre la violence causée par les armes à feu, des actions qui auront une incidence favorable pour les femmes. En effet, nous savons quel est l’impact sur les femmes de la violence par les armes à feu et dans quelle mesure ces armes sont utilisées dans les cas tragiques de violence faite aux femmes.

Je ne connais pas la réponse à votre question précise à propos de l’état d’avancement de cette recommandation. Je vais certainement me renseigner et vous revenir avec une réponse.

Le patrimoine canadien

Le Musée des beaux-arts du Canada

L’honorable Donna Dasko : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, des membres de l’Association des musées canadiens seront à Ottawa au cours des deux prochains jours dans le cadre de leur Journée sur la Colline 2023 afin de s’entretenir avec des parlementaires et d’autres personnes. Cette association comprend de nombreux représentants de ma ville, Toronto, où se trouvent des galeries d’art et des musées formidables.

Toutefois, les personnes que je connais dans la communauté muséale sont très préoccupées par l’agitation qui continue à régner au Musée des beaux-arts du Canada. Alors que la recherche d’un nouveau directeur permanent se poursuit, la question que je vous pose aujourd’hui fait suite à celle que vous a posée la sénatrice Bovey en décembre dernier. Pouvez-vous confirmer que le nouveau directeur permanent aura deux compétences essentielles, à savoir un diplôme d’études supérieures en histoire de l’art ou en expression contemporaine et de l’expérience dans la gestion d’une galerie ou d’un musée d’importance? Merci.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie d’avoir posé cette question et d’avoir souligné l’importance des musées, des artistes dont les œuvres y sont exposées, ainsi que des conservateurs et des directeurs de nos institutions.

À Ottawa — je ne rivaliserai pas avec Toronto, étant donné que je suis Montréalais —, il y a de merveilleux musées d’art, de même que dans tout le Canada, et le Musée des beaux-arts du Canada en est le fleuron.

En ce qui concerne votre question et les difficultés que connaît le musée, j’ai entièrement confiance dans le processus qui a été mis en place et dans les personnes qui vont le diriger. J’ai hâte de savoir qui assumera le rôle important dans le musée au service de la communauté artistique et de tous les Canadiens. Le processus sera ouvert, transparent et équitable et aura pour objectif de trouver la personne la plus qualifiée pour servir notre institution et les intérêts du musée des beaux-arts, comme je l’ai dit, et des communautés qu’il sert.

En ce qui concerne les critères précis, je m’en remets au comité de recrutement et au processus dans lequel j’ai entièrement confiance.

La sénatrice Dasko : Étant donné que le nouveau directeur permanent devait être nommé au plus tard le 30 mars, êtes-vous en mesure de confirmer aujourd’hui la date à laquelle ce sera fait? Merci.

Le sénateur Gold : Malheureusement, je ne le suis pas.

Honorables sénateurs, vous pouvez être assurés qu’il s’agit d’un processus sérieux et continu. On traite le dossier rapidement, et j’ai hâte d’entendre la nomination qui sera faite le moment venu.

[Français]

Les finances

L’aide financière pour la COVID-19

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. L’ex-ministre des Finances, M. Bill Morneau, a condamné les décisions du premier ministre Trudeau relativement aux programmes d’aide mis en place durant la pandémie. La vérificatrice générale du Canada en a ajouté en disant que des 100 milliards de dollars alloués à ces programmes, 27 milliards avaient probablement été versés en trop et sans vérifications à des citoyens et à des entreprises durant la pandémie.

Plus récemment, et malgré des mises en garde de politiciens et du directeur parlementaire du budget, le premier ministre est allé de l’avant avec son programme de soins dentaires qui permettra à des familles de toucher une somme de 630 dollars, et ce, même si leur enfant n’est pas allé chez le dentiste.

En matière de finances, le premier ministre Trudeau manque à ses responsabilités — probablement pour faire plaisir au Nouveau Parti démocratique, qui lui permet de ne pas être chassé du pouvoir. Cependant, au lieu d’écouter des avis sérieux comme ceux de Bill Morneau, Karen Hogan et Yves Giroux, le premier ministre persiste à gaspiller l’argent de nos impôts.

Pouvez-vous expliquer pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question.

En tout respect, cher collègue, ce n’est pas une question de gaspillage; loin de là.

Comme je l’ai déjà expliqué à plusieurs reprises, face à la crise de la pandémie, le gouvernement — avec l’appui de cette enceinte et des députés de l’autre endroit — a pris la décision d’agir rapidement pour faire en sorte que les Canadiens et les Canadiennes bénéficient du soutien dont ils avaient besoin. Cette décision en était une bonne, car nous sommes sortis de la pandémie en bonne posture au niveau socioéconomique.

Cela dit, il est vrai que des problèmes étaient prévisibles et le gouvernement et les ministères s’y affairent afin que l’on puisse, si possible, récupérer des sommes qui ont malheureusement été versées dans des circonstances imprévues par l’esprit des programmes.

Le sénateur Dagenais : Le programme de soins dentaires du gouvernement va devenir un gouffre sans fin et je l’ai d’ailleurs déjà dit; il est même en train de causer une pénurie de dentistes.

Cela mis à part, trouvez-vous normal — je n’oserais pas dire l’insouciance chronique du premier ministre — que des familles du Québec puissent empocher une somme de 630 dollars versée par le gouvernement fédéral même si le gouvernement provincial paie déjà des soins dentaires pour des enfants de moins de 10 ans?

Je dirais même qu’il y a des limites à ne pas être capable d’harmoniser les politiques. Alors, pour essayer d’économiser l’argent des Canadiens, n’y aurait-il pas moyen d’harmoniser les politiques?

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour la question. Ma réponse tient à deux choses. Premièrement, si ma mémoire est bonne, le premier ministre se dit ouvert à discuter d’un accord bilatéral avec son homologue, le gouvernement du Québec, compte tenu du fait qu’il y a un programme au Québec qui n’est pas nécessairement en place ailleurs.

Nous allons suivre de près ce processus et la façon dont le programme national sera reçu au Québec ou bien l’équivalent des sommes versées.

Cela dit, il faut souligner l’importance de ce programme dentaire pour des milliers et des milliers de familles de Canadiens, jeunes et moins jeunes, qui n’ont pas accès aux soins dentaires et qui n’ont pas les moyens de bénéficier de soins dentaires qui sont primordiaux pour la santé du corps et de l’esprit. C’est un programme important pour les Canadiens et les Canadiennes, et le gouvernement canadien fier d’aller de l’avant avec ce programme.

(1450)

[Traduction]

L’agriculture et l’agroalimentaire

La Semaine nationale de la conservation des sols

L’honorable Marty Klyne : Sénateur Gold, cette semaine est la Semaine nationale de la conservation des sols. Le sol assure la survie de nos forêts et de nos prairies, ainsi que de leurs plantes et de leurs animaux. C’est une ressource vitale pour les moyens de subsistance des Canadiens, y compris les secteurs de la construction, de la sylviculture et, bien sûr, de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.

Malheureusement, cette ressource précieuse ne reçoit pas toujours la reconnaissance qu’elle mérite. C’est pourquoi je suis fier que notre Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts mène une étude sur la santé des sols — la première étude du Parlement portant expressément sur les sols depuis 39 ans.

Sénateur Gold, alors que nous étudions cette question importante, pouvez-vous informer le Sénat des mesures prises par le gouvernement fédéral pour collaborer avec les intervenants de tout le pays et les soutenir afin de protéger la santé des sols au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et du travail essentiel que le comité sénatorial accomplit sur ce sujet important. Cette question a été une priorité pour les gouvernements et pour le gouvernement actuel, et ce dernier s’appuie sur un passé de recherche de premier ordre au sujet de cette question importante au Canada. En effet, les scientifiques canadiens proposent des approches et des pratiques innovantes pour nous aider à améliorer la résilience des sols, à réduire l’érosion et à augmenter le captage du carbone dans les sols, et pour aider le secteur agricole à jouer son rôle important et nécessaire dans nos efforts pour contrebalancer les effets des gaz à effet de serre.

Depuis 2021, le gouvernement a annoncé des initiatives d’une valeur de 1,5 milliard de dollars pour le secteur agricole. Il a incité les producteurs à adopter des pratiques et des technologies permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de capter le carbone dans les sols et d’améliorer la santé de ces derniers. Le nouveau Partenariat pour une agriculture canadienne durable — un accord quinquennal de 3,5 milliards de dollars conclu entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux — prévoit des fonds pour aider les agriculteurs à adapter leurs pratiques afin d’améliorer la santé des sols. Il s’agit notamment d’un nouveau programme de 250 millions de dollars à frais partagés, le Programme des paysages agricoles résilients, qui vise à aider les agriculteurs à mettre en œuvre de telles pratiques et à renforcer la capacité naturelle des terres agricoles à capter le carbone, ce qui permet de protéger la biodiversité et, bien sûr, la santé des sols.

Le gouvernement élabore également une stratégie pour une agriculture durable en collaboration avec les partenaires et les parties prenantes de ce secteur. Cette stratégie portera sur cinq thèmes, dont la santé des sols, et contribuera à définir une orientation pour nos actions communes en vue d’améliorer la performance environnementale à long terme et en vue de renforcer la viabilité, la compétitivité et la vitalité de ce secteur.

[Français]

Les affaires étrangères

Les déplacements du premier ministre

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ce matin, le site Web de Radio-Canada affichait le titre suivant : « Les Trudeau en vacances chez de riches donateurs de la Fondation Trudeau ».

Cette fois, ce n’est pas sur l’île de l’Aga Khan, ni à Londres, ni à Tofino, mais en Jamaïque que les citoyens canadiens ont déboursé plus de 160 000 $ de l’argent des contribuables pour assurer la sécurité et tout ce qui entoure une partie du voyage de la famille Trudeau. De plus, ces frais n’incluent pas le Challenger, qui lui coûte au minimum 10 000 $ l’heure.

J’ai vérifié sur le site Web Expedia, et il y a 5 105 hôtels en Jamaïque. Pourquoi le premier ministre a-t-il choisi celui d’un riche contributeur de la Fondation Trudeau?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Premièrement, je suis très étonné que vous citiez un article de Radio-Canada qui est, selon votre leader, une arme de propagande du gouvernement Trudeau. Cependant, une des choses que j’aime en tant que sénateur, c’est que j’apprends toujours des choses. C’est tout à votre honneur, cher collègue, de citer cette arme de propagande.

Il faut être sérieux. Le premier ministre a le droit de prendre des vacances avec sa famille et il a aussi besoin de services de sécurité pour les protéger. Cela s’applique à n’importe quel premier ministre, peu importe le parti qu’il ou elle représente.

L’obligation d’utiliser un avion gouvernemental est une pratique de longue date pour les premiers ministres qui leur permet d’assurer leur sécurité.

Enfin — et j’ai le plaisir de vous retourner la faveur, parce que vous avez cité Radio-Canada —, je vais citer un ancien collègue du premier ministre Harper, Dimitri Soudas, qui a dit que le premier ministre est un père, qu’il a une famille et qu’il n’y a rien de grave à prendre des vacances avec sa famille.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, pouvez-vous dire au premier ministre que s’il veut prendre des vacances, il n’a qu’à déclencher des élections et nous allons lui en donner, des vacances?

Le premier ministre avait-il une vue sur la mer? Combien d’argent a-t-il déboursé pour les chambres des villas occupées par sa famille? Oui, nous avons le droit de prendre des vacances. Vous pouvez le voir à mon teint. J’ai pris des vacances et j’ai payé pour ces vacances. Est-ce que le premier ministre a payé ses vacances et les villas dans lesquelles il a habité chez la famille Green?

Le sénateur Gold : Je n’ai pas cette information. Je vais essayer de la trouver et de vous revenir plus tard avec une réponse. Les membres de la famille Green sont des amis de la famille Trudeau depuis longtemps; cela remonte à l’époque du regretté Pierre Elliott Trudeau. Je vais faire des recherches auprès du gouvernement.

[Traduction]

Les finances

Le déficit fédéral—L’économie

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Au moins, nous sommes d’accord sur le fait que CBC/Radio-Canada est l’organe de propagande du gouvernement. Merci d’avoir éclairci ce point. J’espère que CBC/Radio-Canada en prendra bonne note.

Monsieur le leader, je ne crois pas que le premier ministre ait jamais vu une facture de carte de crédit de sa vie. Il ignore certainement à quel point les taux d’intérêt peuvent être élevés. Je suis certain qu’il n’a pas utilisé sa carte de crédit lorsqu’il était en Jamaïque. Si tel avait été le cas, il n’aurait sans doute pas conseillé aux Canadiens d’accumuler davantage de dettes de carte de crédit, comme il l’a fait récemment lors d’une assemblée publique à Moncton. Étant donné qu’il est le premier ministre canadien qui a accumulé le plus de dettes, le premier ministre Trudeau est mal placé pour dire aux Canadiens comment gérer leurs finances quotidiennes de façon responsable. Il n’a jamais eu à se préoccuper de ses finances personnelles, ce qui se reflète dans sa façon de diriger notre pays.

Monsieur le leader, d’après le budget présenté le mois dernier, le gouvernement Trudeau n’a aucunement l’intention d’atteindre l’équilibre budgétaire. Les sociétés émettrices de cartes de crédit, elles, indiquent au moins aux consommateurs combien de temps il leur faudra pour rembourser leurs dettes. Pourquoi le premier ministre n’en fait-il pas autant?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Comme je l’ai indiqué ici, le dernier budget a été conçu pour donner aux Canadiens une feuille de route pour l’avenir, tout en les aidant à traverser la période difficile que nous connaissons. En effet, bien que certains soient obnubilés par la dette et voient en elle le seul indicateur de la force, de la viabilité et des perspectives économiques d’un pays, il n’en reste pas moins, dans les faits, que le Canada est bien placé — en fait, le mieux placé des pays du G7 pour ce qui est de ses perspectives d’avenir —, puisque il a le ratio dette-PIB le plus bas du G7 et qu’il bénéficie d’une cote de crédit AAA. Cela témoigne d’une gestion pragmatique, réaliste, et responsable de la part du gouvernement.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la Journée internationale de la langue maternelle

Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-214, Loi instituant la Journée internationale de la langue maternelle, accompagné d’un message informant le Sénat qu’elle a adopté ce projet de loi sans amendement.

(1500)

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Adoption de certains amendements du Sénat, rejet de certains amendements du Sénat et amendements

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le jeudi 30 mars 2023

EXTRAIT,—

Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, la Chambre :

accepte les amendements 1a)(i), 1b), 2a), 2b), 2c), 2d), 2e)(ii), 4, 5, 7b)(i), 8, 9a), 10 et 12 apportés par le Sénat;

rejette respectueusement l’amendement 1a)(ii) parce que l’amendement ne fait pas référence aux entreprises de radiodiffusion qui font partie du système de radiodiffusion, ce qui peut entraîner des problèmes d’interprétation dans l’application de la Loi;

rejette respectueusement l’amendement 2e)(i) parce que l’amendement cherche à légiférer sur des questions relatives au système de radiodiffusion qui vont au-delà de l’intention politique du projet de loi, dont le but est d’inclure les entreprises en ligne dans le système de radiodiffusion, c’est-à-dire les entreprises de transmission ou de retransmission d’émissions sur Internet, dans le système de radiodiffusion;

rejette respectueusement l’amendement 3 parce qu’il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps;

rejette respectueusement l’amendement 6 parce qu’il pourrait limiter la capacité du CRTC d’imposer des conditions concernant la proportion d’émissions à diffuser qui sont consacrées à des genres particuliers, tant pour les entreprises en ligne que pour les radiodiffuseurs traditionnels, ce qui réduirait la diversité de la programmation;

propose que l’amendement 7a) soit remplacé par ce qui suit :

« a) À la page 18, remplacer les lignes 28 à 33 par ce qui suit :

« a) la question de savoir si des Canadiens, y compris les producteurs indépendants, ont des droits ou des intérêts à l’égard des émissions, y compris un droit d’auteur leur permettant de contrôler l’exploitation de celles-ci et d’en tirer profit de manière significative et équitable; » » ;

rejette respectueusement l’amendement 7b)(ii) parce que le principe que les émissions canadiennes sont d’abord et avant tout du contenu fait par des Canadiens est au cœur de la définition des émissions canadiennes, et ce depuis des décennies, et cet amendement enlèverait au CRTC la capacité de s’assurer que cela demeure le cas;

propose que l’amendement 9b) soit modifié en supprimant le paragraphe 18(2.1) parce que l’obligation de tenir une audience publique à la fois avant et après la prise de décisions par le CRTC entraînera des retards inutiles dans l’administration de la Loi;

rejette respectueusement l’amendement 11 parce que l’amendement cherche à légiférer sur des questions relatives au système de radiodiffusion qui vont au-delà de l’intention politique du projet de loi, dont le but est d’inclure les entreprises en ligne, c’est-à-dire les entreprises de transmission ou de retransmission d’émissions sur Internet, dans le système de radiodiffusion, et parce qu’une étude plus approfondie est nécessaire sur la meilleure façon de positionner notre radiodiffuseur public national pour répondre aux besoins et aux attentes des Canadiens.

ATTESTÉ

Le greffier intérimaire de la Chambre des communes

Eric Janse

Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Gold, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat

Le Sénat passe à l’étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois :

Le jeudi 30 mars 2023

EXTRAIT,—

Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, la Chambre :

accepte les amendements 1a)(i), 1b), 2a), 2b), 2c), 2d), 2e)(ii), 4, 5, 7b)(i), 8, 9a), 10 et 12 apportés par le Sénat;

rejette respectueusement l’amendement 1a)(ii) parce que l’amendement ne fait pas référence aux entreprises de radiodiffusion qui font partie du système de radiodiffusion, ce qui peut entraîner des problèmes d’interprétation dans l’application de la Loi;

rejette respectueusement l’amendement 2e)(i) parce que l’amendement cherche à légiférer sur des questions relatives au système de radiodiffusion qui vont au-delà de l’intention politique du projet de loi, dont le but est d’inclure les entreprises en ligne dans le système de radiodiffusion, c’est-à-dire les entreprises de transmission ou de retransmission d’émissions sur Internet, dans le système de radiodiffusion;

rejette respectueusement l’amendement 3 parce qu’il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps;

rejette respectueusement l’amendement 6 parce qu’il pourrait limiter la capacité du CRTC d’imposer des conditions concernant la proportion d’émissions à diffuser qui sont consacrées à des genres particuliers, tant pour les entreprises en ligne que pour les radiodiffuseurs traditionnels, ce qui réduirait la diversité de la programmation;

propose que l’amendement 7a) soit remplacé par ce qui suit :

« a) À la page 18, remplacer les lignes 28 à 33 par ce qui suit :

« a) la question de savoir si des Canadiens, y compris les producteurs indépendants, ont des droits ou des intérêts à l’égard des émissions, y compris un droit d’auteur leur permettant de contrôler l’exploitation de celles-ci et d’en tirer profit de manière significative et équitable; » » ;

rejette respectueusement l’amendement 7b)(ii) parce que le principe que les émissions canadiennes sont d’abord et avant tout du contenu fait par des Canadiens est au cœur de la définition des émissions canadiennes, et ce depuis des décennies, et cet amendement enlèverait au CRTC la capacité de s’assurer que cela demeure le cas;

propose que l’amendement 9b) soit modifié en supprimant le paragraphe 18(2.1) parce que l’obligation de tenir une audience publique à la fois avant et après la prise de décisions par le CRTC entraînera des retards inutiles dans l’administration de la Loi;

rejette respectueusement l’amendement 11 parce que l’amendement cherche à légiférer sur des questions relatives au système de radiodiffusion qui vont au-delà de l’intention politique du projet de loi, dont le but est d’inclure les entreprises en ligne, c’est-à-dire les entreprises de transmission ou de retransmission d’émissions sur Internet, dans le système de radiodiffusion, et parce qu’une étude plus approfondie est nécessaire sur la meilleure façon de positionner notre radiodiffuseur public national pour répondre aux besoins et aux attentes des Canadiens.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’intention déclarée du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

 — Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion proposant que le Sénat accepte le message de l’autre endroit en réponse aux amendements du Sénat au projet de loi C-11 et qu’il consente à ce que la loi sur la diffusion en ligne passe à l’étape de la sanction royale.

Avant de commencer mon intervention, je tiens à mentionner une personne en particulier. Malheureusement, la date de départ à la retraite du sénateur Dennis Dawson n’a pas coïncidé avec l’adoption du projet de loi, mais je tiens à le remercier une nouvelle fois pour l’important travail qu’il a accompli et pour le leadership dont il a fait preuve pour nous amener au point où nous en sommes aujourd’hui. Comme j’ai travaillé en coulisses avec le sénateur Dawson sur les projets de loi C-10 et C-11 pendant une période qui me semble maintenant très longue, je peux témoigner du fait qu’il a non seulement défendu avec ardeur le projet de loi dans cette enceinte, mais qu’il a aussi défendu le point de vue du Sénat auprès du gouvernement, tant sur le plan de la politique que sur celui du processus.

La réponse de l’autre endroit aux amendements du Sénat ne serait tout simplement pas ce qu’elle est aujourd’hui sans ses efforts constants de sensibilisation et de défense. Je ne saurais trop le remercier et je suis impatient de l’inviter au Sénat à l’occasion de la sanction royale.

Honorables sénateurs, concrètement, le Sénat peut répondre à ce message de trois façons. Il peut l’accepter, insister sur ses amendements ou faire une nouvelle proposition qui se rapporte au désaccord. Aujourd’hui, je demande au Sénat d’accepter la décision de nos confrères parlementaires de l’autre endroit, une décision qui est claire, éclairée et mûrement réfléchie, qui nous a été transmise à la suite d’un débat rigoureux et énergique dans un Parlement minoritaire, et qui accepte en partie ou en totalité près de 80 % des amendements apportés au projet de loi par le Sénat, je tiens à le préciser. En fait, l’autre endroit a accepté des amendements proposés par des sénateurs qui représentent tous les partis reconnus et tous les groupes parlementaires du Sénat.

De plus, vu l’importance de la question du contenu généré par les utilisateurs, la motion dont nous sommes saisis propose également que les sénateurs soulignent collectivement aux députés que le Sénat a pris note de l’engagement du gouvernement du Canada à ne pas appliquer le projet de loi C-11 au contenu numérique généré par les utilisateurs, ainsi qu’à donner au CRTC des orientations stratégiques en conséquence.

Pour le secteur culturel du Canada, le parcours et l’attente ont été longs, mais la ligne d’arrivée se profile à l’horizon. Les revenus de nombreux acteurs de ce secteur sont étroitement liés à l’adoption de ce projet de loi. En approuvant le message reçu de l’autre endroit, nous pourrons enfin moderniser la Loi sur la radiodiffusion en l’adaptant au monde d’aujourd’hui, et en faire une loi tournée vers l’avenir et qui sera suffisamment souple pour s’adapter à l’évolution imprévisible du monde numérique, qui a des répercussions concrètes sur la vie des artistes canadiens.

(1510)

Ce faisant, chers collègues, nous permettrons au gouvernement de remplir enfin sa promesse électorale concernant la réforme de la Loi sur la radiodiffusion afin que les géants du Web contribuent à la création et à la promotion des histoires et de la musique canadiennes, un engagement qui était également inscrit dans le programme du Bloc Québécois et dans celui du Nouveau Parti démocratique lors de la dernière campagne électorale.

Dans mon discours aujourd’hui, je parlerai d’abord du contexte qui a mené à la réception du présent message, parce que ce contexte est important pour situer le débat et comprendre pourquoi il convient de soutenir la réponse donnée par l’autre endroit.

Ensuite, j’aborderai chacun des amendements proposés par le Sénat, en commençant par les nombreux amendements acceptés par nos homologues élus et en terminant par ceux que ces derniers ont étudiés, mais qui ne cadraient pas avec leur orientation stratégique.

Enfin, je ferai quelques observations au sujet du rôle du Sénat à cette étape-ci du processus parlementaire.

Chers collègues, c’est un immense honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui, parce que je crois sincèrement que le Sénat a fait de l’excellent travail au sujet de ce projet de loi, et que l’autre endroit a reconnu ce travail et en a tenu compte.

À mon avis, le message à l’étude est un autre exemple de la contribution valable que peut apporter et qu’apporte effectivement le Sénat au processus législatif. Il s’agit d’une réponse respectueuse de la part de l’autre endroit qui, une fois de plus, montre que le gouvernement est prêt à proposer à l’autre endroit d’accepter des recommandations du Sénat à l’égard de ses mesures législatives emblématiques, quelle qu’en soit l’envergure.

Le C-11 est aujourd’hui un meilleur projet de loi grâce à notre travail, et je vous félicite tous du travail que vous avez effectué sur cette mesure.

Je vais maintenant mettre un peu les choses en contexte. Selon moi, il est essentiel de comprendre comment sommes parvenus jusqu’ici pour comprendre l’enjeu. À cette étape-ci, l’étape de l’étude du message de la Chambre, il est facile de perdre la vue d’ensemble de la question. Par conséquent, une partie de mon message aujourd’hui est de ne pas se perdre dans les détails, car lorsque l’on est trop proche de l’arbre, on en vient à ne plus voir la forêt. Le C-11 est un bon projet de loi. On en a désespérément besoin et il se fait attendre depuis longtemps.

Il est important de reconnaître que les deux Chambres du Parlement ont approuvé approximativement 99 % du contenu du projet de loi C-11, seuls quelques articles demeurant contentieux. Cela dit, cela ne change rien au fait que même à cette étape-ci du processus et tant et aussi longtemps que le projet de loi n’aura pas reçu la sanction royale, l’intégralité du projet de loi C-11 — la forêt entière — est en jeu.

Permettez-moi de rappeler à mes collègues les principaux objectifs du projet de loi C-11. Avant tout, il clarifie le champ d’application de la Loi sur la radiodiffusion pour y inclure la radiodiffusion en ligne. Il actualise les politiques de radiodiffusion et de réglementation afin de mieux refléter la diversité du Canada. Il garantit un traitement équitable des acteurs du secteur par le biais de la réglementation et, pour finir, il fournit des outils modernisés pour assurer une surveillance et une mise en œuvre efficaces.

La modernisation de la Loi sur la radiodiffusion est une demande de longue date des secteurs créatifs et culturels du Canada, et elle répond aux questions qui sont au cœur des préoccupations de nombreux Canadiens, telles que le coût, la compétitivité économique, la souveraineté culturelle, l’accessibilité, les droits des consommateurs et la protection de la vie privée.

Des communautés artistiques et culturelles du pays, aussi diverses que la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image, la Fédération culturelle canadienne-française et les organismes de presse autochtones, attendent avec impatience l’adoption de cette loi.

La dernière modernisation de la Loi sur la radiodiffusion remonte à 1991. Pour mettre les choses en perspective, Google a été lancé en 1998, Facebook en 2004 et YouTube en 2005. En 2007, Netflix a commencé à diffuser directement sur les téléviseurs et les ordinateurs et en 2008, Spotify a commencé à diffuser de la musique à l’échelle internationale; elle le fait au Canada depuis 2014. Chers collègues, il est grand temps de modifier la Loi sur la radiodiffusion.

Le projet de loi C-11 tire son origine du rapport préparé par le Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications, présidé par Janet Yale, l’une des expertes en télécommunications les plus respectées du Canada. Le groupe, mis sur pied par le gouvernement en juin 2018, a été chargé d’effectuer un examen indépendant et exhaustif des lois canadiennes en matière de communications, y compris la Loi sur la radiodiffusion, pour déterminer comment, au lieu de le mettre à jour, on pourrait adapter le cadre législatif aux nouvelles technologies de communications.

Le rapport cherchait surtout à faire comprendre l’urgence d’adapter notre cadre législatif et nos outils de réglementation pour que le Canada puisse réussir dans l’environnement numérique dynamique d’aujourd’hui.

En janvier 2020, le groupe a présenté ses conclusions et ses recommandations au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, de même qu’au ministre du Patrimoine canadien. En novembre de la même année, le ministre du Patrimoine canadien de l’époque, l’honorable Steven Guilbeault, a inclus plusieurs recommandations du rapport Yale dans le projet de loi C-10, le prédécesseur du projet de loi C-11, qu’il a déposé lors de la 43e législature. En plus de réclamer le renouvellement du cadre institutionnel, les recommandations portaient principalement sur la réduction des obstacles à l’accès aux réseaux de télécommunications évolués; le soutien à la création, à la production et à la découvrabilité du contenu canadien; ainsi que l’amélioration des droits numériques des Canadiens et le renforcement de la confiance dans l’environnement numérique.

Dans la plateforme électorale du Parti libéral du Canada en vue des élections fédérales de 2021 et dans son discours du Trône de la même année, le gouvernement s’est à nouveau engagé à moderniser la Loi sur la radiodiffusion. Un projet de loi amélioré, celui dont nous sommes saisis, a été présenté au cours de la 44e législature, en février 2022.

À l’autre endroit, le projet de loi a fait l’objet d’une étude en profondeur qui a mené à plus de 40 amendements appuyés par le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois.

Pendant ce temps, les sénateurs ont commencé leurs travaux sur cette importante mesure législative avant même qu’elle leur soit renvoyée. Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a d’abord entrepris l’étude préalable du projet de loi en juin dernier. Au cours de 31 réunions, dont 9 ont été réservées à l’étude article par article, il a entendu 138 témoins et reçu 67 mémoires. Le comité a consacré plus de 67 heures aux réunions seulement, et nous ne pouvons qu’imaginer les longues heures que les sénateurs ont passées à rencontrer des parties prenantes et à correspondre avec des Canadiens pendant la même période.

Je passe maintenant aux amendements dont il est question. Chers collègues, nos efforts ont donné des résultats. Comme il a été mentionné, le Sénat a proposé 26 amendements au projet de loi, dont 20 ont été acceptés par l’autre endroit et 2 ont été acceptés avec des modifications mineures. Si vous le permettez, je voudrais souligner les amendements que l’autre endroit a acceptés.

Le comité a notamment apporté des améliorations importantes en ce qui concerne les objectifs de la politique de radiodiffusion en rendant le projet de loi plus inclusif et mieux adapté aux besoins des communautés minoritaires. Avec les amendements qui se trouvent aux sous-alinéas 2a)(ii), 2b)(i), 2b)(iii) et 2c)(i), la sénatrice Clement a proposé des façons de mentionner les communautés noires et racisées de manière uniforme dans l’ensemble du projet de loi. Ces amendements renforceront l’inclusion des communautés noires et racisées dans le système canadien de radiodiffusion.

La sénatrice Clement a aussi proposé des amendements pour mieux inclure les peuples, les cultures et les langues autochtones dans notre système de radiodiffusion.

Avec l’amendement qui se trouve à l’alinéa 2a)(iii), le projet de loi tient compte à la fois des peuples autochtones et de l’importance à accorder aux langues autochtones dans nos efforts pour les revitaliser.

Avec l’amendement qui se trouve à l’alinéa 2c)(ii), la sénatrice Clement a proposé des modifications pour soutenir la production et la radiodiffusion d’émissions de langues autochtones, en conformité avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.

Le comité a aussi proposé, à l’alinéa 2d), un amendement pour que le système canadien de radiodiffusion tienne mieux compte de la réalité des peuples autochtones qui vivent dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci, dans les régions urbaines et dans diverses régions géographiques du pays.

Ces amendements permettent non seulement de veiller à ce que les réalités des peuples autochtones soient mieux reflétées dans le système de radiodiffusion, mais aussi de remplir notre engagement à promouvoir la réconciliation, et ils reçoivent l’appui du gouvernement.

[Français]

En plus de prêter attention aux besoins et aux réalités propres aux Canadiennes et aux Canadiens autochtones, noirs ou appartenant à d’autres groupes racisés, le comité a apporté des améliorations en ce qui a trait à la programmation en français qui profiteront aux populations francophones en situation minoritaire. Les changements proposés par le sénateur Cormier à la modification 8b) précisent ce qui constitue des « émissions de langue originale française » produites en français par rapport aux émissions produites dans d’autres langues et doublées en français. Cet amendement veillera à ce que les émissions originales qui sont doublées en français ne soient pas prises en compte dans les exigences connexes. Cet amendement bénéficie de l’appui du gouvernement.

(1520)

Le gouvernement a aussi accepté une autre modification proposée par le sénateur Cormier, pour assurer la viabilité financière des radiodiffuseurs d’intérêt public — comme APTN, CPAC, ICI TOU.TV, AMI-télé et TV5 — et pour aider ces radiodiffuseurs à atteindre leurs objectifs stratégiques, qui concordent avec les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion en matière d’inclusion.

La modification 8a) conférera au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le pouvoir d’attribuer des fonds à des initiatives comme le développement de technologies accessibles pour les personnes ayant un handicap, l’amélioration de la découvrabilité du contenu canadien ou la création d’outils de distribution et de monétisation en ligne pour les créateurs de contenu.

Enfin, à l’article 3 de la loi, la sénatrice Dasko a ajouté les mots « refléter les préférences et intérêts de publics variés et y être réceptif », pour qu’il soit reconnu que les objectifs canadiens en matière de radiodiffusion doivent tenir compte de la diversité du public canadien. Le gouvernement souscrit à cet objectif et a ainsi accepté cette modification.

[Traduction]

La protection de l’intégrité du journalisme au pays est un autre domaine pour lequel le Sénat a apporté des améliorations au projet de loi. La proposition de la sénatrice Wallin visant à garantir que les objectifs politiques énoncés à l’article 3(1)d) de la Loi sur la radiodiffusion permettent de « veiller à la liberté d’expression et à l’indépendance en matière de journalisme » — ancrant ainsi davantage la liberté d’expression dans la loi — est un autre amendement qui a été accepté par l’autre endroit et par le gouvernement.

De plus, le gouvernement a accepté l’amendement de la sénatrice Simons visant à supprimer le libellé qui demandait que les émissions communautaires « favorisent la lutte contre la désinformation » et à le remplacer par l’expression « pour favoriser le journalisme local ». L’amendement de la sénatrice Simons clarifie l’intention initiale d’un amendement adopté à l’autre endroit et renforce le fait que les objectifs de la politique de radiodiffusion du Canada doivent inclure le soutien au journalisme local. Cela aidera sensiblement le journalisme au pays.

La protection de la vie privée est un autre domaine pour lequel le Sénat a apporté des améliorations importantes et des clarifications nécessaires au projet de loi. L’amendement proposé par la sénatrice Miville-Dechêne à l’article 2 vise à garantir que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, assure une réglementation qui respecte la vie privée des personnes. Cet amendement complète un autre amendement proposé par le parrain du projet de loi au Sénat, notre ancien collègue le sénateur Dawson, à savoir l’amendement 4b). Les deux amendements vont dans le sens du témoignage rendu par le commissaire à la protection de la vie privée lors des audiences du comité, et le gouvernement les a tous deux acceptés.

[Français]

Pour terminer, chers collègues, j’aimerais parler de certains amendements qui ont rendu le projet de loi plus limpide, d’autres qui sont davantage de nature technique et d’autres encore qui sont de portée plus générale.

Tout d’abord, dans les amendements 2a)(i), 2b)(iv) et 4a), la sénatrice Dasko a proposé un libellé confirmant que le système de radiodiffusion du Canada doit encourager l’innovation.

Le changement proposé par le sénateur Cormier dans la modification 2c)(iii) rétablit le libellé d’un passage de la Loi sur la radiodiffusion auquel on avait apporté des changements. Seule la mention des producteurs canadiens indépendants est conservée, afin de rapprocher le Canada de son objectif de faire croître le secteur de la production indépendante.

En ce qui concerne la Loi sur le statut de l’artiste, la modification 12 proposée par le sénateur Cormier apporte une précision à un changement apporté à l’autre endroit en indiquant que la Loi sur le statut de l’artiste ne s’applique qu’aux organisations qui relèvent de la compétence fédérale. Cette modification confère plus de souplesse à la loi et l’empêche d’empiéter sur une sphère de compétence provinciale.

[Traduction]

Dans l’amendement 1b), le sénateur Plett a présenté une proposition en vue d’élargir la clause interprétative sur la liberté d’expression pour y inclure les créateurs, que le gouvernement a acceptée. Le gouvernement a aussi accepté un amendement présenté par la sénatrice Batters, qui harmonisera la définition du terme « décision » avec celle que donne la Loi sur les télécommunications.

L’initiative de la sénatrice Simons visant la suppression du paragraphe 7(7) augmente la clarté et fait disparaître l’ambiguïté du projet de loi. Il s’agit sans nul doute d’un amendement important. Enfin, l’amendement 10, proposé par le sénateur Quinn, exigera que les rapports de consultation du CRTC soient présentés aux deux Chambres du Parlement. Ainsi, les parlementaires, y compris les sénateurs, demeureront informés du processus de consultation du CRTC. L’autre endroit a accepté ces deux amendements.

Chers collègues, jusqu’à maintenant, j’ai expliqué 18 amendements qui ont été acceptés par l’autre endroit et qui ont été proposés par les quatre partis reconnus et les groupes parlementaires du Sénat. J’aimerais maintenant attirer votre attention sur deux autres amendements proposés par le Sénat, qui ont été acceptés avec des modifications.

Le premier amendement touche l’article 18 de la Loi sur la radiodiffusion, et il est proposé par le sénateur Cormier. Il s’agit de l’amendement 9 dans le message. En ce qui concerne cette disposition, le gouvernement propose de conserver l’exigence proposée par le Sénat de tenir des audiences publiques et de supprimer le paragraphe 2.1 de l’article 18 sur l’obligation de tenir une audience publique après qu’un règlement ou un ordre ait été rendu public. Le gouvernement rejette respectueusement cet élément de l’amendement proposé parce que le CRTC — en sa qualité de tribunal quasi judiciaire — consulte les parties intéressées avant de concevoir un règlement et non après l’avoir fait. En effet, l’objectif de tenir une audience publique est d’obtenir la preuve sur laquelle prend appui un règlement ou un ordre. Du point de vue du gouvernement, l’obligation de tenir une deuxième audience publique après la prise de décisions par le CRTC durant les audiences sur les travaux axés sur la réglementation entraînera des retards inutiles dans l’administration de la Loi. Au final, cela nuira à l’efficacité du CRTC en matière de réglementation.

En ce qui concerne le deuxième amendement accepté avec modifications proposé par le sénateur Cormier, le gouvernement propose un amendement à l’amendement 7a) du message, de manière à modifier l’article 11 de la Loi. L’amendement proposé par le gouvernement vise à souligner l’importance de soutenir les créateurs, en plus de bâtir et maintenir les secteurs créatifs canadiens. Cela permet au CRTC de veiller à ce que les Canadiens tirent profit de manière significative de l’utilisation d’une émission, peu importe laquelle, par les diffuseurs.

[Français]

Pour résumer, chers collègues, le Sénat a proposé des améliorations importantes au projet de loi pour renforcer la protection de la vie privée; promouvoir l’innovation; maintenir le rôle crucial des producteurs indépendants dans notre système de radiodiffusion; accroître la production d’émissions de langue originale française; normaliser les mentions des communautés noires et des communautés racisées; mieux refléter les réalités des peuples autochtones dans le système de radiodiffusion canadien; accroître la responsabilisation du CRTC en exigeant que celui-ci dépose ses rapports devant le Parlement.

[Traduction]

Je vais maintenant parler des quelques amendements que l’autre endroit a choisi de ne pas appuyer. Chers collègues, il est important de comprendre que dans le cadre de son débat sur le message du Sénat, l’autre endroit devait se prononcer sur les amendements proposés par le Sénat. Je souligne ce point, car il est important de comprendre que nous sommes maintenant saisis des décisions éclairées des députés concernant les amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-11.

Le gouvernement rejette respectueusement l’amendement 1a)(i) proposé par la sénatrice Batters visant à modifier la définition d’« élément communautaire ». En ce moment, cette définition englobe des entités sans but lucratif, mais aussi des canaux communautaires exploités par des radiodiffuseurs à but lucratif, Rogers par exemple, où l’entreprise accorde de l’espace de diffusion à des organismes communautaires afin qu’ils produisent leurs propres programmes.

Le gouvernement a entendu une variété d’intervenants clés, y compris des intervenants communautaires tels que l’Association canadienne des usagers et stations de la télévision communautaire — ou CACTUS en anglais —, qui ont demandé que l’on conserve le libellé « entreprise de radiodiffusion » dans la définition d’« élément communautaire », tel que proposé dans le projet de loi C-11. Le rejet de cet amendement fera en sorte que la définition dans le projet de loi et la loi fasse adéquatement référence aux éléments communautaires du système de radiodiffusion.

Le gouvernement rejette également respectueusement l’amendement 2d)(ii) proposé par la sénatrice Miville-Dechêne qui contraindrait les entreprises en ligne à mettre en œuvre certaines méthodes, notamment la vérification de l’âge, pour empêcher les enfants d’avoir accès à du matériel sexuellement explicite. Chers collègues, la protection des enfants constitue une priorité pour l’actuel gouvernement qui est impatient de présenter une mesure législative sur la sécurité en ligne, dans le but d’assurer la sécurité de l’ensemble des Canadiens en ligne. Cependant, le gouvernement estime que le projet de loi C-11 n’est pas la mesure appropriée pour atteindre cet important objectif.

(1530)

Les comités parlementaires qui se sont penchés sur le projet de loi C-11 et sur sa version antérieure, le projet de loi C-10, ont entendu le témoignage de nombreux témoins sur les problèmes auxquels s’attaque le projet de loi. La sécurité des mineurs n’a pas été au centre de ces délibérations, et pour faire les choses comme il se doit, il aurait fallu entendre un vaste éventail d’intervenants qui s’occupent directement de cet enjeu et qui sont directement touchés par celui-ci. Or, ce ne fut le cas ni au Sénat ni à l’autre endroit. Compte tenu de ces raisons, le gouvernement ne peut appuyer cet amendement qui dépasse l’objectif stratégique de cette mesure législative.

Néanmoins, il vaut la peine de souligner que le projet de loi S-210 qui vise un objectif stratégique similaire en est actuellement à l’étape de la troisième lecture au Sénat et que son étude se poursuit normalement dans le cadre du processus parlementaire.

Le gouvernement rejette également l’ajout du paragraphe 46(1.1) au projet de loi que proposait le sénateur Downe, car cette disposition interdirait à CBC/Radio-Canada de diffuser au nom d’un annonceur une publicité ou une annonce s’apparentant à de la programmation journalistique. Ici encore, le rejet du gouvernement nous ramène aux objectifs centraux du projet de loi C-11 qui n’ont rien à voir avec certains enjeux importants au sujet de CBC/Radio-Canada et de son mandat. Ces enjeux sont effectivement importants et la modernisation de CBC/Radio-Canada demeure une priorité de premier plan pour le ministre du Patrimoine canadien. Toutefois, le gouvernement estime que cette modernisation doit se faire de façon globale et non à la pièce.

Bien que la publicité de marque soit une question importante, le gouvernement est d’avis que cet amendement n’est pas approprié dans le cadre de ce projet de loi. De plus, chers collègues, CBC/Radio-Canada doit être en mesure de financer ses activités grâce à la publicité et à d’autres initiatives et, en fin de compte, l’amendement proposé augmenterait probablement sa dépendance à l’égard du financement gouvernemental.

Tout compte fait, les amendements concernant la vérification de l’âge et CBC/Radio-Canada s’éloignent, de l’avis du gouvernement, de l’objectif principal du projet de loi C-11 et devraient être examinés et débattus ailleurs.

Le gouvernement est respectueusement en désaccord avec la proposition du sénateur Manning de supprimer l’alinéa 9.1(1)d) de la loi parce qu’il craint que cet amendement puisse être interprété comme limitant la capacité du CRTC d’imposer des conditions concernant la proportion d’émissions à diffuser qui sont consacrées à des genres particuliers, y compris les émissions pour enfants ou les dramatiques de langue française. Certains genres, comme les documentaires, sont des points d’entrée importants pour les talents canadiens émergents et d’origines diverses. Nous devrions également nous rappeler, chers collègues, que plusieurs intervenants, y compris l’Association des documentaristes du Canada et la Canadian Media Producers Association, ont soulevé des préoccupations au sujet de cet amendement en particulier.

Qu’il s’agisse d’histoires ou de chansons, de radiodiffusion traditionnelle ou de diffusion en ligne, la limitation des genres pourrait avoir pour effet de réduire la diversité de la programmation au Canada, et un tel résultat irait à l’encontre de l’objectif principal de la politique de la Loi sur la radiodiffusion.

Le gouvernement rejette également respectueusement la proposition du sénateur Manning, qui consiste à ajouter le paragraphe 10(1.11) à la loi, qui propose qu’aucun facteur ne soit déterminant dans l’établissement de la définition d’un programme canadien. Le projet de loi énonce les facteurs dont le CRTC doit tenir compte dans sa détermination d’un programme canadien. L’amendement risque de semer la confusion et de perturber le processus réglementaire suivi par le CRTC pour parvenir à une détermination fondée sur des données probantes de ce qu’est un contenu canadien. Il impose des restrictions qui pourraient franchement empêcher le CRTC d’établir la définition qui contribue le plus à atteindre les objectifs de la politique de radiodiffusion. Bref, le gouvernement a rejeté cet amendement parce qu’il limiterait indûment la marge de manœuvre dont dispose le CRTC pour établir la définition d’un programme canadien. À l’issue d’un processus ouvert et public, le CRTC devrait pouvoir déterminer la définition la plus efficiente, efficace et équitable à la lumière des considérations énoncées dans le projet de loi.

Enfin, nous nous penchons sur les services de médias sociaux dans le cadre du paragraphe 4.2(2) de la loi. Tant à l’étape du comité qu’à celle de la troisième lecture, la question du contenu généré par les utilisateurs sur les plateformes de médias sociaux a suscité beaucoup de discussions et d’intérêt. En réponse, un amendement a été adopté au comité et par le Sénat pour clarifier la question. Chers collègues, comme beaucoup d’entre vous le savent, de nombreuses parties prenantes qui représentent des artistes canadiens nous ont avertis que l’amendement proposé créerait une énorme échappatoire dans la loi qui permettrait aux plateformes de médias sociaux d’éviter de contribuer à la culture canadienne de manière équitable.

[Français]

La liste de porte-parole de l’industrie qui ont signalé les risques que pose l’amendement au paragraphe 4.2(2) est longue. Cette liste comprend la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), l’Union des artistes (UDA), l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), le Regroupement des artisans de la musique (RAM), la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ), la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) et l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ).

Permettez-moi de commencer en parlant de l’élaboration de la position et du raisonnement du gouvernement dans le contexte de cette proposition.

[Traduction]

Je commence par les objectifs législatifs primordiaux du projet de loi C-11, qui visent à moderniser la Loi sur la radiodiffusion, afin de garantir des règles du jeu justes, neutres et équitables à tous ceux qui sont engagés dans la radiodiffusion, qu’il s’agisse de radiodiffuseurs traditionnels ou de ces nouvelles plateformes de médias sociaux qui agissent en tant que radiodiffuseurs. Autrement dit, le projet de loi C-11 vise à garantir que la loi modernisée sur la radiodiffusion ne tienne pas compte de la plateforme ni de la technologie utilisée pour la radiodiffusion.

Lorsque le projet de loi C-11 a été présenté en février 2022, un élément important de l’approche proposée pour les plateformes consistait à se concentrer sur les programmes commerciaux téléversés sur ces services, assurant ainsi un traitement équitable des programmes commerciaux consommés sur diverses plateformes, qu’ils soient transmis par des stations de télévision, par des ondes radio ou sur des plateformes numériques comme Spotify ou YouTube. Le projet de loi ne vise pas à réglementer les plateformes de médias sociaux en ce qui concerne les programmes des créateurs des médias sociaux. Dans tous les cas, les règlements ou les exigences en matière de radiodiffusion imposés par le CRTC doivent refléter et respecter la liberté d’expression et les objectifs généraux énoncés à l’article 3 de la loi.

Le projet de loi C-11 prévoit que la réglementation ne s’appliquera pas dans les domaines suivants : les émissions qui ne génèrent pas de revenus; les usages quotidiens des médias sociaux, y compris l’affichage d’émissions amateurs sur ces services; les utilisateurs et les créateurs particuliers sur les médias sociaux, qui restent exemptés de la loi; et, enfin, les services de médias sociaux, sauf en ce qui concerne certaines émissions commerciales.

Le paragraphe 4.2(2) de la loi énumère trois facteurs que le CRTC doit prendre en compte pour identifier les émissions commerciales. Il tiendra compte des revenus générés par les émissions commerciales, du fait que les émissions sont disponibles sur d’autres diffuseurs traditionnels et du fait qu’un numéro de code international normalisé ait été attribué aux émissions. L’objectif de ces trois facteurs est de garantir l’équité entre les plateformes de diffusion et d’indiquer au CRTC comment appliquer l’article 4.2 en pratique.

Le projet de loi C-11 prévoit que, lorsque les plateformes de médias sociaux sont utilisées pour distribuer des émissions commerciales, elles doivent contribuer au soutien des œuvres canadiennes et de la musique canadienne. Certaines plateformes de médias sociaux agissent essentiellement comme des substituts d’autres diffuseurs, y compris les services de diffusion en continu. À ce titre, une telle plateforme aurait des responsabilités réglementaires, mais uniquement en ce qui concerne le contenu commercial qu’elle distribue sur son service.

La Loi sur la radiodiffusion modernisée ne s’appliquera pas aux particuliers qui utilisent des services de médias sociaux. Le projet de loi C-11 ne s’applique pas et ne s’appliquera pas aux contenus générés par les utilisateurs, car, en termes simples, l’utilisation d’un service de médias sociaux ne fait pas de l’utilisateur un diffuseur. Soyez assurés, chers collègues, que ce projet de loi n’entravera ni n’étouffera l’expression des voix canadiennes. Le gouvernement l’a clairement indiqué à plusieurs reprises, y compris lors des audiences de notre comité.

(1540)

Comme nous le savons, au cours de l’étude du projet de loi C-11 par le Sénat, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a adopté un amendement au paragraphe 4.2(2) de la Loi sur la radiodiffusion. Lorsqu’il a été présenté, il a été déclaré que l’objectif de l’amendement était de réduire la portée des émissions qui peuvent être réglementées sur les services de médias sociaux, en mettant l’accent sur la réglementation de la musique sur les médias sociaux. Quoique bien intentionné, l’amendement, de l’avis du gouvernement, est problématique pour plusieurs raisons, et ces raisons expliquent pourquoi de nombreux intervenants, le gouvernement, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois s’y opposent. Le problème central est que l’amendement crée des échappatoires permettant aux plateformes de médias sociaux d’éviter de contribuer à la culture canadienne de manière équitable et, ce faisant, compromettrait un objectif politique essentiel de la Loi sur la diffusion continue en ligne. Permettez-moi de citer deux exemples illustrant le pourquoi et le comment de cette situation.

D’abord, comme il axe la réglementation sur les enregistrements audio dans les médias sociaux, l’amendement a une portée trop restreinte. C’est vrai, les plateformes de médias sociaux sont souvent utilisées comme solution de rechange aux autres services de diffusion de musique en continu. Or, le contenu commercial ne se limite pas aux chansons produites par les grandes maisons de disques. Il y a aussi des films entiers, des émissions de télévision, des émissions de sport, des cérémonies de remise de prix et des spectacles, qui contiennent tous de la musique. En restreignant la portée de la disposition aux enregistrements audio professionnels téléversés dans des circonstances bien précises, l’amendement proposé cherchait à rendre l’exclusion du contenu généré par les utilisateurs plus explicite.

Cependant, dans son application, l’amendement aurait créé de l’incertitude dans l’interprétation de loi et miné la nature de la Loi sur la radiodiffusion, qui est de s’appliquer à toutes les plateformes et d’être neutre sur le plan technologique, ce qui aurait pu permettre aux géants du Web de se soustraire aux obligations que leur impose la loi. Concrètement, l’amendement aurait eu pour effet de soustraire une variété de contenu audiovisuel commercial, comme la diffusion en direct de sports professionnels, les films, les émissions de télévision et même les vidéos de musique professionnels, à l’obligation de contribuer au soutien de la culture canadienne, obligation qui incombera à juste titre aux plateformes des médias sociaux. L’amendement proposé empêcherait le CRTC de bien englober ce genre de contenu, parce qu’il limiterait son action au contenu qui contient une bande sonore ou des éléments audio.

Honorables sénateurs, pensez aux exemples suivants de situations où des plateformes de médias sociaux diffusent du contenu commercial comme le feraient les radiodiffuseurs traditionnels ou les plateformes de diffusion continue en ligne. Par exemple, les manifestations sportives sont très rentables pour les diffuseurs. Des marques de commerce paient très cher pour diffuser de la publicité pendant ceux-ci. Par exemple, Facebook a acquis les droits pour diffuser en exclusivité plusieurs matchs de baseball pendant les saisons 2018 et 2019 de la Ligue majeure de baseball. Pensez à combien de millions de personnes ont regardé la finale de la Coupe du monde de 2022 en direct sur YouTube. Il y a d’autres manifestations, comme la finale du populaire Concours Eurovision de la chanson, qui sera diffusée sur TikTok pour une deuxième année consécutive. L’an dernier, elle a attiré des centaines de millions de téléspectateurs. Lorsqu’elles réalisent des profits grâce à ces activités, les compagnies de médias sociaux doivent être tenues de réinvestir dans nos créateurs et dans la création de contenu local.

L’amendement pourrait aussi ne pas atteindre son objectif d’inclure dans la loi les enregistrements sonores commerciaux diffusés par les plateformes de médias sociaux. Cela résulte du fait que l’amendement supprime la mention de la monétisation de la loi et permet que le contenu soit inclus dans le champ d’application seulement s’il est téléversé par les détenteurs de droits exclusifs. En effet, cela crée une échappatoire, puisque le contenu commercial est souvent téléversé par des tierces parties. Grâce à son système d’identification du contenu, qui verse des redevances aux détenteurs de droits sur le contenu identifié et permet de déterminer si le contenu peut rester ou non sur la plateforme, YouTube et les détenteurs de droits tirent des revenus du contenu téléversé de cette façon. Cet amendement aurait comme répercussion de réduire les obligations de YouTube de contribuer au contenu canadien. Cela serait avantageux pour le modèle d’affaires de YouTube et encouragerait la distribution de plus de contenus d’une manière qui libère YouTube des obligations que le projet de loi visait à établir.

Prenons l’exemple de la chanson populaire Big Yellow Taxi, composée par la grande artiste canadienne Joni Mitchell. En consultant rapidement YouTube, on peut voir plusieurs versions officielles de Joni Mitchell interprétant sa chanson. Celles-ci seraient clairement visées par les amendements en question. Parmi les résultats de recherche de la chanson, on trouve également des vidéos non officielles avec les paroles et des vidéos de diaporamas ayant en fond la musique de Joni Mitchell. Ces vidéos sont presque toutes téléchargées par des tiers qui n’ont aucun lien avec Joni Mitchell ni avec aucun autre détenteur de droits. Comme indiqué précédemment, le système d’identification du contenu de YouTube permet à la plateforme d’identifier ces vidéos comme contenant la musique de Joni Mitchell et donc de verser des redevances aux titulaires de droits respectifs. Toutefois, les revenus tirés de ces vidéos, que de nombreux Canadiens utilisent chaque jour pour écouter leur musique, seraient exclus en vertu de l’amendement proposé. La version originale du projet de loi offre plus de certitude au CRTC tout en continuant à exclure de la réglementation les contenus générés par les utilisateurs.

Honorables collègues, la disposition du projet de loi C-11 a été conçue de manière à assurer une certaine souplesse du système. Par exemple, le gouvernement prévoit que le CRTC doit prendre en considération les facteurs énumérés au paragraphe 4.2(2) quand il prescrit les programmes qui seront réglementés sur des plateformes en ligne, conformément à l’alinéa 4.1(2)b) du projet de loi. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le projet de loi oblige le CRTC à tenir compte des revenus générés par des émissions commerciales, si ces dernières ont été diffusées par d’autres radiodiffuseurs traditionnels, tels que CTV ou Spotify, et si on leur a attribué un numéro de code standard international.

En supprimant le critère de monétisation et en précisant que seule la musique commerciale téléchargée par les détenteurs de droits sur les services de médias sociaux ferait partie des obligations de la plateforme, les amendements proposés à l’article 4.2 établiraient un nouvel ensemble de facteurs; les objectifs centraux de la loi risqueraient alors grandement d’être compromis par l’échappatoire ainsi créée. En outre, les amendements en question limitent aussi la marge de manœuvre que la loi visait à donner au CRTC pour s’assurer qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’une manière conforme aux objectifs globaux de la loi.

Chers collègues, je suis conscient que, pour certains détracteurs du CRTC, c’est effectivement l’objectif. Ils pensent que le CRTC ne devrait pas avoir autant de latitude — ou qu’il ne devrait en avoir aucune — en ce qui a trait à son application de la loi. En fait, certains sont d’avis que ni le CRTC ni aucune autre institution gouvernementale ne devrait se mêler de la réglementation des plateformes de réseaux sociaux. Ce n’est pas le point de vue du gouvernement, pas plus que celui de la majorité des députés de la Chambre des communes.

Honorables sénateurs, la Loi sur la radiodiffusion ne peut être modernisée de façon efficace uniquement au moyen de l’adoption du projet de loi C-11, aussi essentiel soit-il. La mesure législative doit être complétée par des instructions en matière de politique et des règlements pour être fonctionnelle et pouvoir s’adapter aux progrès technologiques rapides. C’est nécessaire pour que le CRTC ait les outils et les instructions lui permettant de donner suite aux objectifs de la loi. Chers collègues, la disposition du projet de loi C-11 a été rédigée de façon à prévoir cette souplesse cruciale dans le régime.

Le gouvernement a reconnu dès le début que des précisions sur la portée des programmes commerciaux pouvant mener à la réglementation de plateformes en ligne seraient fournies au CRTC sous la forme d’instructions en matière de politique. Permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer ce que cela signifie et le processus à suivre.

Après la sanction royale, le gouverneur en conseil émettra des instructions au CRTC sur la façon d’appliquer le nouveau cadre législatif, conformément aux pratiques législatives habituelles. On publiera alors la version provisoire de ces instructions. Conformément aux exigences et à ce qui est prévu, il y aura une période de consultation d’au moins 30 jours. Pendant cette période, des intervenants et d’autres parties intéressées peuvent faire des observations, soulever des préoccupations et soumettre des recommandations à l’égard des instructions. Par la suite, on rédigera la version finale des instructions et elle sera présentée au CRTC. Je vous rappelle, honorables collègues, qu’à partir de ce moment, le CRTC mènera ses propres activités de consultation et de communication de façon indépendante. Il s’agit là d’une autre possibilité de consultation pendant laquelle l’ensemble des parties intéressées, y compris des artistes, des producteurs, des radiodiffuseurs, des plateformes de diffusion en continu, des distributeurs, des intervenants et des groupes de l’industrie, pourront donner leur avis.

En résumé, les instructions s’appuieraient sur un processus de consultation publique ouvert à propos de la formulation et de la teneur de ces instructions, mais on nuirait à ce processus important si on amendait l’article 4.2 du projet de loi comme on l’a proposé. Le choix d’ajouter des détails additionnels ou des clarifications par l’entremise d’instructions en matière de politique non seulement garantit que la formulation exacte fera l’objet de consultations publiques pertinentes, mais aussi que le système de radiodiffusion conservera une capacité d’adaptation aux percées technologiques au fil du temps. Au final, c’est exactement l’objet du projet de loi C-11.

(1550)

Chers collègues, l’approche du gouvernement à l’égard des facteurs au paragraphe 4.2(2) proposé fera en sorte de maintenir une approche équitable par rapport au contenu commercial sur les plateformes des médias sociaux quand ces derniers offrent des services similaires aux radiodiffuseurs traditionnels. Le langage législatif original de cette disposition est le fruit d’une approche équilibrée qui respecte le travail des créateurs de contenu en ligne, tout en veillant à ce que les grandes sociétés ne prennent pas de raccourcis pour se soustraire à la réglementation ou éviter de contribuer au milieu de la création canadien.

Voilà pourquoi, chers collègues, l’autre endroit n’a pas pu appuyer cet amendement en particulier.

Cela dit, que ce soit bien clair. Je le répète, au nom du gouvernement : le gouvernement du Canada s’est engagé à exclure de la portée du projet de loi C-11 les créateurs de contenu numérique et le contenu généré par les utilisateurs au moyen d’instructions. D’ailleurs, le ministre Pablo Rodriguez a insisté sur ce point à maintes occasions. Je le cite :

Notre projet de loi et nos politiques ne visent pas à encadrer les utilisateurs ou les créateurs sur Internet, ni les créateurs essentiellement numériques, ni les influenceurs, ni les utilisateurs.

Je sais que nous avons tous entendu le ministre être très clair sur ce point à de nombreuses reprises. Pour ma part, je le crois, et je m’attends à ce que le gouvernement tienne parole.

Dans cet esprit, je propose que le Sénat établisse clairement que même s’il est maintenant prêt à s’incliner devant la volonté de l’autre endroit, nous avons pris note de l’engagement clair du gouvernement d’émettre des instructions à l’intention du CRTC afin que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs. Avec cette motion, nous enverrions à l’autre endroit le message que le Sénat va surveiller très attentivement les prochaines mesures que prendra le gouvernement en s’attendant à ce qu’il tienne ses promesses, promesses que je vous ai répétées ici.

Chers collègues, nous pouvons être fiers du travail que le Sénat a accompli au sujet de ce projet de loi. Nous avons amélioré celui-ci. Nous devrions — et pouvons — être heureux du fait que la Chambre des communes a pris le temps d’étudier soigneusement notre travail et d’accepter un si grand nombre de nos amendements. Nous avons fait un excellent travail législatif, et c’est tout à l’honneur de l’important rôle que le Sénat joue dans la politique publique et le processus législatif canadiens.

La grande majorité des amendements proposés ont été approuvés par le gouvernement et acceptés par nos collègues de l’autre endroit. Il n’y a que six amendements avec lesquels le gouvernement est respectueusement en désaccord. Le fait qu’il y a si peu de points de désaccord témoigne de la collaboration dont nous avons fait preuve et du travail acharné que nous avons accompli. Nous avons travaillé collectivement dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Je veux prendre un moment pour reconnaître que l’étape que nous franchissons aujourd’hui constitue une belle réussite pour le Sénat et le processus législatif canadien. Encore une fois, je tiens à tous vous remercier du rôle que vous avez joué pour nous permettre d’y parvenir.

Le projet de loi C-11 est aujourd’hui un meilleur projet de loi grâce au travail accompli par le Sénat. À mon humble avis, compte tenu de tous les amendements qui ont été acceptés, le Sénat a maintenant contribué de façon significative et tangible au projet de loi C-11, ce qui est conforme à son rôle d’organisme législatif complémentaire chargé de porter un second examen objectif.

De plus, à mon avis, la réponse de l’autre endroit aux amendements du Sénat au projet de loi C-11 fait partie intégrante d’un contexte plus large de réforme réussie du Sénat vers une institution plus indépendante et moins partisane. Comme nous l’avons vu avec les modifications importantes acceptées pour la loi sur l’aide médicale à mourir, la légalisation du cannabis, les réformes de la Loi sur la citoyenneté et la loi sur les évaluations d’impact pour les projets de développement, pour ne citer que quelques exemples, le Sénat a laissé une marque positive sur la politique publique d’une manière qui est, sinon sans précédent, certes importante à l’ère moderne et cette marque a été vue et reconnue par le public.

À mon avis, la nature réfléchie de la réponse de la Chambre aux amendements du Sénat est une raison suffisante pour déclarer « mission accomplie » et pour permettre enfin au projet de loi de recevoir la sanction royale.

Je comprends que certains collègues puissent être mécontents de ce résultat. Je ne porte aucun jugement sur ces sentiments; ils sont tout à fait légitimes et je les comprends. Je pense que le gouvernement s’est bien acquitté de la tâche d’écouter activement, à la fois publiquement et en coulisses, en particulier sur l’article 4.2 proposé, où nous avons maintenant des engagements fermes et fiables relatifs à l’orientation stratégique de la réglementation.

Je peux toutefois comprendre que certains d’entre nous, qui sont sincèrement convaincus que les changements proposés par le Sénat étaient meilleurs, soient encore perplexes et mécontents. À ceux d’entre vous qui ne veulent pas que ce projet de loi soit rejeté, mais qui ne sont toujours pas satisfaits de la réponse des députés, je voudrais dire qu’il existe des principes fondamentaux qui sous-tendent le rôle du Sénat dans notre ordre constitutionnel et qui devraient faire pencher la balance du côté de l’acceptation du verdict démocratique de l’autre endroit.

En vous faisant ce discours, chers collègues, je choisis de ne pas m’appuyer sur une règle ou une convention établie, mais plutôt sur un principe que j’ai appliqué dans les décisions que j’ai prises dans cette enceinte bien avant d’assumer le rôle de représentant du gouvernement au Sénat. Je ne sais pas pourquoi je deviens ému lorsque je parle du rôle du Sénat. Je suppose que c’est la raison pour laquelle j’ai accepté ce poste. C’est vrai.

C’est un principe que j’ai appliqué dès mon premier jour au Sénat et c’est un principe de retenue sénatoriale. C’est un principe qui, selon moi, se trouve au cœur de nos responsabilités de sénateurs et au cœur du modèle du Sénat que les Pères de la Confédération ont souhaité. Comme l’a dit Sir John A. Macdonald dans un dicton souvent cité, le Sénat :

[...] doit être une chambre indépendante, douée d’une action propre, et ce n’est qu’à ce titre qu’elle pourra modérer et considérer avec calme la législation de l’assemblée et empêcher la maturité de toute loi intempestive ou pernicieuse adoptée par cette dernière, sans jamais oser s’opposer aux vœux réfléchis et définis des populations.

Autrement dit, le Sénat n’est censé être ni un rival des représentants élus du Canada ni une chambre qui approuve le gouvernement sans discussion. Il n’est pas destiné à concurrencer la Chambre basse, mais plutôt à compléter le travail de celle-ci.

La Cour suprême du Canada a réaffirmé en 2014 les nuances de la fonction prévue du Sénat lorsqu’elle a décidé que la mise en œuvre d’élections consultatives pour le Sénat nécessiterait une modification constitutionnelle. Pour mettre les choses en contexte, chers collègues, dans une décision unanime, la cour a expliqué que, dans le cadre de l’architecture constitutionnelle adoptée lors de la Confédération, le Sénat avait été soigneusement conçu pour faire preuve de retenue volontaire dans sa relation avec la Chambre des communes :

[...] la décision de confier à l’exécutif la tâche de nommer les sénateurs visait aussi à garantir que le Sénat deviendrait un organisme législatif complémentaire, plutôt qu’un éternel rival de la Chambre des communes dans le processus législatif. Les sénateurs nommés n’auraient pas le mandat de représenter la population : ils ne devraient pas répondre aux attentes découlant d’une élection populaire et ne jouiraient pas de la légitimité qu’elle confère. Ainsi, ils s’en tiendraient à leur rôle de membres d’un organisme dont la fonction principale est de revoir les lois, et non d’être l’égal de la Chambre des communes [...]

Le fait que les sénateurs soient nommés, de même que le postulat correct en découlant selon lequel leur nomination empêcherait le Sénat d’outrepasser sa fonction d’organisme législatif complémentaire, façonnent l’architecture de la Loi constitutionnelle de 1867. Pour ces raisons, les rédacteurs de cette dernière n’ont pas jugé nécessaire de préciser par écrit comment s’articuleraient les relations entre les pouvoirs du Sénat et ceux de la Chambre des communes non plus que les moyens de résoudre une impasse entre les deux chambres.

La cour a expliqué que c’est la raison pour laquelle des élections consultatives pour les sénateurs bouleverseraient l’architecture de la Constitution et nécessiteraient donc une modification de cette dernière avec l’accord des provinces. La cour a déclaré :

Les élections législatives proposées transformeraient fondamentalement l’architecture constitutionnelle que nous venons de décrire. Il s’agirait alors, par extension, d’une modification de la Constitution. Ces élections affaibliraient le rôle du Sénat en tant qu’entité chargée de porter un second regard attentif aux projets de loi et lui conféreraient la légitimité démocratique voulue pour bloquer systématiquement les projets de la Chambre des communes, contrairement à la fonction constitutionnelle qui lui était assignée.

(1600)

Je crois fermement que c’est ce principe de la retenue sénatoriale, lequel, à mon avis, est une attente constitutionnelle intégrée à notre architecture, qui doit guider notre prise de décision aujourd’hui. Contrairement à une règle, le principe de la retenue sénatoriale ne détermine pas nécessairement ou automatiquement quelle doit être la décision. En effet, il faut peser le pour et le contre en tenant compte de toutes les autres considérations pertinentes.

Chers collègues, permettez-moi que vous présenter quatre facteurs qui, je crois, sont convaincants et qui, à mon humble avis, exigent tous l’exercice d’une grande retenue en l’occurrence. Premièrement, le Sénat étudie un message concernant un projet de loi qui s’accompagne d’un imprimatur démocratique considérable. Ce projet de loi vise à concrétiser une promesse explicite figurant non seulement dans la plateforme électorale de 2021 du parti au pouvoir, mais également dans celles du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.

Deuxièmement, le message de l’autre endroit en réponse aux amendements du Sénat est respectueux, mûrement réfléchi et, en fait, exécute la plupart des recommandations du Sénat. Étant donné que le rôle du Sénat consiste à effectuer un examen complémentaire, la réponse initiale de l’autre endroit signifie que ce rôle est amplement accompli.

Troisièmement, à l’étape du message, une fois que l’autre endroit manifeste clairement ses souhaits, la tradition veut que le Sénat fasse preuve de déférence et accepte la volonté des députés. D’ailleurs, depuis 1960, seuls sept projets de loi ont fait l’objet d’une décision du Sénat d’insister sur certains ou l’ensemble de ses amendements après que la Chambre les ait rejetés.

Quatrièmement, ce degré de déférence devrait être encore plus élevé dans un contexte minoritaire, où le gouvernement ne peut agir unilatéralement, et parce que ce message reflète les souhaits de plusieurs partis politiques représentant une part importante du vote populaire. Le projet de loi visant à moderniser la Loi sur la radiodiffusion a reçu un vote positif à l’autre endroit à trois reprises au cours de deux législatures minoritaires distinctes, avec le soutien de trois partis, une fois lors de la troisième lecture du projet de loi C-10, une fois lors de la troisième lecture du projet de loi C-11 et une fois de plus, à l’étape de l’étude du message, il y a quelques semaines à peine.

Chers collègues, j’espère que nous sommes tous d’accord pour dire que le message de l’autre endroit au Sénat sera soigneusement pris en compte et respecté. Lorsque l’autre endroit a exprimé une divergence d’opinions, je me suis efforcé — dans la mesure de mes moyens — de présenter le point de vue du gouvernement. J’espère pouvoir vous persuader tous que l’autre endroit a pris la bonne décision, mais je ne me fais pas d’illusions. Je sais que certains d’entre vous continueront à être en désaccord sur certains points, et dans le cadre d’un dialogue sain entre les deux Chambres, ceci est bien normal.

Chers collègues, je vous demande d’accepter que nous ne sommes pas d’accord, mais de reconnaître que, à ce stade-ci du processus, le choix responsable, en tant que sénateurs, est d’approuver le message. Pour toutes ces raisons, je vous demande d’appuyer la motion et d’accepter le message. À mon avis, nous avons réussi à remplir le mandat constitutionnel de la Chambre complémentaire de second examen objectif. Nous avons réalisé une étude approfondie du projet de loi C-11. Nous l’avons amélioré considérablement. Nous avons demandé à l’autre endroit de penser deux fois et de réexaminer certains aspects du projet de loi C-11, et l’autre endroit s’est prononcé clairement et précisément sur ces questions.

Il arrive un moment où c’est notre responsabilité de nous en remettre à la volonté démocratique. En ce qui a trait au projet de loi C-11, nous y sommes arrivés. Le temps est venu d’amener le projet de loi C-11 jusqu’à la sanction royale. Merci beaucoup.

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Bien sûr.

La sénatrice Miville-Dechêne : Tout comme vous, sénateur Gold, je prends mon travail au Sénat très sérieusement. Je crois en ce principe de retenue dont vous avez parlé et que vous avez expliqué dans votre discours.

Comme vous le savez, le projet de loi C-11 me tient particulièrement à cœur pour ce qui est de la défense des minorités francophones et autochtones du Canada. Enfin, on verra bien ce que tout cela va donner, mais l’idée est d’essayer de défendre des langues minoritaires. En ce sens, je suis d’avis que le projet de loi C-11 est plus important que mes deux amendements qui ont été rejetés. Toutefois, à titre d’ancienne journaliste, je suis très attachée aux faits et, bien franchement, je ne vous suis pas quand vous critiquez l’amendement au paragraphe 4.2(2). Je vais m’en tenir à un point qui m’a fait quelque peu dresser les cheveux sur la tête.

Vous dites que des matchs de sport qui seraient rediffusés sur une chaîne comme YouTube ne pourraient pas être taxés ou servir à financer notre culture. Or, ce n’est pas le cas du tout, parce que, lorsqu’on a réécrit l’amendement, on a gardé très précisément l’alinéa c), qui dit que l’on pourrait inclure le fait que la totalité ou une partie importante de l’émission a été radiodiffusée par une entreprise de radiodiffusion qui est tenue d’être exploitée en vertu d’une licence — comme c’est le cas pour le sport — ou enregistrée auprès du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, mais qui ne fournit pas de services de médias sociaux.

Il me semble absolument incompréhensible que vous puissiez affirmer que l’on crée un trou et qu’on ne pourra pas du tout inclure les matchs de sport dans le projet de loi C-11. Il est pourtant tout à fait clair que cela figure dans l’amendement.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question.

Je vous remercie de votre travail, et je remercie également tous mes collègues du travail qu’ils ont réalisé afin d’améliorer le projet de loi.

Selon l’analyse du gouvernement sur les conséquences possibles et prévisibles de l’amendement et sur la façon dont tout cela pourrait être interprété au sein du CRTC ou dans les organisations qui, en toute franchise, résistent avec acharnement à la réglementation, le changement des facteurs et l’élimination de quelques-uns de ceux-ci posent un risque réel. Il y a de l’incertitude autour de l’interprétation et de la précision du libellé de l’amendement en question, qui met l’accent sur la façon dont la musique est diffusée. Cela pourrait engendrer des problèmes d’interprétation. Comme je l’ai déjà mentionné, cela pourrait avoir pour résultat de créer une échappatoire.

Comme c’est souvent le cas, les textes législatifs peuvent être interprétés de plusieurs façons. J’accepte qu’il n’y ait aucune façon de prouver qu’une interprétation est meilleure qu’une autre, même après qu’une cour s’est prononcée à ce sujet.

C’est la position du gouvernement, des deux partis de l’opposition et des intervenants que j’ai mentionnés. Le risque est trop grand et le projet de loi sans amendement est un meilleur moyen pour atteindre les objectifs de la législation.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je pense qu’un projet de loi doit assurément être le plus clair possible, mais il doit aussi envoyer un message clair. Ce qui est ressorti lors de nos audiences, et vous le savez, ce qui a été très évocateur, c’est la crainte des créateurs de contenu, de ceux qui créent des contenus générés par les utilisateurs. Ils craignent d’être couverts par le projet de loi C-11.

Malheureusement, l’amendement tel qu’il est rédigé laisse planer une énorme incertitude, particulièrement pour ce qui est de savoir qui sera couvert. Est-ce ceux qui gagnent de l’argent? On sait très bien que le contenu généré par les utilisateurs permet aux petits créateurs d’avoir des revenus.

Comment pensez-vous rassurer ces créateurs, considérant qu’ils ont été très clairs par rapport à leurs craintes? On parle ici de gens qui veulent gagner leur vie. Tout comme les musiciens qui sont contre cet amendement, les créateurs de contenu existent et ils jugent que cet amendement n’est pas clair. Personnellement, je dois vous dire qu’en le lisant, je ne trouve pas non plus qu’il est particulièrement clair.

(1610)

Le sénateur Gold : Je comprends, parce que j’ai aussi assisté aux réunions. Premièrement, le projet de loi est clair : il ne s’applique pas aux créateurs numériques comme tels. C’est un projet de loi qui vise les plateformes, pas ceux et celles qui créent du contenu.

Deuxièmement, le ministre a répété cela à plusieurs reprises très récemment lors d’une émission télévisée publique.

Troisièmement, il est clair dans le texte que cela ne s’applique pas. Le fait que l’on crée quelque chose et qu’on le mette en ligne ne veut pas dire qu’on parle d’un radiodiffuseur; loin de là. Les définitions sont très claires.

Enfin, comme j’ai mentionné non seulement dans mon discours, mais dans la motion même, le gouvernement s’est engagé à préciser, dans les directions politiques, que cela ne s’appliquera pas. Je comprends les craintes, mais elles ne sont pas fondées pour ce qui est du texte du projet de loi et de la position du gouvernement.

Il s’agit d’un engagement public et clair. Si on approuve la motion, ce sera la volonté du Sénat de faire en sorte que l’on tiendra le gouvernement responsable pour les engagements qu’il a pris.

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement, et elle porte sur le contenu généré par les utilisateurs et les fournisseurs de contenu numérique. Il est bon d’entendre le ministre dire que les fournisseurs de contenu et les utilisateurs de services numériques ne seront pas visés par le projet de loi C-11. Il est agréable d’entendre le parrain du projet de loi affirmer la même chose dans cette enceinte. Il est formidable et rassurant de vous entendre le confirmer dans votre discours. Cependant, il n’en demeure pas moins que le gouvernement a rejeté les amendements que nous lui avons proposés de bonne foi et qui précisaient clairement que le contenu généré par les utilisateurs ne se ferait pas prendre dans les mailles de cette mesure législative.

Ma question est fort simple. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas accepté ces amendements, qui établiraient clairement dans la loi que le contenu généré par les utilisateurs serait exclu de la portée de la mesure législative, au lieu de se contenter d’un engagement? Pourquoi le gouvernement a-t-il rejeté ces amendements et s’attend-il à ce que nous le croyions sur parole, alors que ces amendements auraient permis d’inscrire dans la loi l’objectif que vous venez de mentionner dans votre discours?

Le sénateur Gold : Eh bien, ce débat porte seulement sur le message, et non sur le reste du projet de loi, mais en ce qui concerne les amendements qui ont été rejetés, j’ai fait de mon mieux pour expliquer les motifs pour lesquels le gouvernement les a rejetés. En tout respect, sénateur Housakos, il n’est pas simplement bon de savoir que le ministre ou le représentant du gouvernement a dit telle ou telle chose. Le gouvernement a pris un engagement. Soit nous croyons en nos institutions et en leur intégrité, soit nous n’y croyons pas. Le gouvernement a dit clairement que, selon lui, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne vise pas le contenu généré par les utilisateurs. Il va l’indiquer encore plus clairement dans ses instructions, et il a pris publiquement un engagement en ce sens. Cela me suffit.

Je crois en la parole du gouvernement. Je crois en notre capacité d’exiger des comptes sur l’engagement qu’il a pris. Même si cet amendement est rejeté, j’estime que ce projet de loi, tel qu’il a été rédigé et amélioré par le Sénat, vise à ce que les plateformes soutiennent le contenu canadien, et qu’il ne vise pas le contenu généré par les utilisateurs, même si des préoccupations ont été soulevées à cet égard.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, comme je siège au Sénat depuis 15 ans, vous me pardonnerez d’être un peu sceptique quand il s’agit de croire un gouvernement sur parole. En tant que législateur, j’aimerais voir les choses inscrites noir sur blanc dans la loi.

Vous affirmez également que nous devrions simplement croire que cela va se faire et que nous sommes ici pour assurer une surveillance, assumer nos responsabilités en tant que législateurs, comme vous l’avez dit dans votre discours, et veiller à ce que le gouvernement fasse ce qu’il dit. N’êtes-vous pas également d’accord sur le fait que nous sommes en train d’adopter une loi qui n’est pas soutenue par un cadre réglementaire? Nous nous en remettons au CRTC, comme vous l’avez dit dans votre discours. Le CRTC procédera à des consultations publiques afin d’établir le cadre réglementaire. Que se passera-t-il si ce cadre réglementaire n’est pas conforme aux engagements que vous avez indiqués dans votre discours? Quelles sont les options qui s’offrent alors à nous, parlementaires, dans le cadre de ce projet de loi, pour assurer un suivi approfondi?

Le sénateur Gold : Comme vous êtes ici depuis 15 ans, et moi, 6 ans et demi, nous savons que, après la sanction royale, il y a un processus réglementaire. Après la sanction royale, il y aura un processus entourant les instructions en matière de politique. Je vous ai décrit ce processus et je vous rappelle qu’il prévoit une consultation publique et la participation du public, à la fois au début et à la fin du processus, quand le CRTC mènera la consultation. Je rappelle également à mes collègues — et à titre de président du comité qui a étudié en profondeur le projet de loi vous le savez déjà, sénateur Housakos —, que le projet de loi prévoit la présentation de rapports au Parlement et une surveillance parlementaire. Il a été amélioré à cet égard par l’amendement du sénateur Quinn.

Nous avons un coffre à outils bien rempli, mais nous ne devons jamais perdre de vue notre rôle et notre responsabilité ici, au Sénat. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent du projet de loi a été approuvé par le Sénat et l’autre endroit. Des 26 amendements, 20 ont été approuvés par trois partis à l’autre endroit. La mesure législative a été étudiée en profondeur au Sénat et à la Chambre. L’heure est maintenant venue de reconnaître qu’il s’agit d’un bon projet de loi et qu’il est important. Le gouvernement a pris publiquement des engagements fermes, et le libellé du projet de loi indique clairement les aspects auxquels il s’applique et ceux auxquels il ne s’applique pas. Si ce n’est pas suffisant pour convaincre les sénateurs qui veulent, de bonne foi, que la mesure législative soit adoptée, je dois dire que je ne sais plus quoi ajouter.

Il existe de nombreuses façons de torpiller le projet de loi. On l’a déjà fait. On sait comment s’y prendre. On peut le retarder. On peut espérer le déclenchement d’élections. On peut l’enterrer dans les méandres administratifs pour qu’il meure au Feuilleton. Cependant, pour ceux d’entre nous qui considèrent qu’il s’agit d’un bon projet de loi, qui a été amélioré par nos amendements, et qui pensent que les députés à la Chambre des communes ont fait leur devoir et nous ont pris au sérieux en approuvant 20 des 26 amendements, le moment est venu de lui accorder la sanction royale.

L’honorable Pamela Wallin : Sénateur Gold, je tiens à préciser que la structure constitutionnelle permet au Sénat de s’élever contre la Chambre des communes, et plus d’une fois s’il le faut. Vous avez souligné les cas vous-même. J’aimerais aussi ajouter que de déclarer « mission accomplie » est aussi un geste quelque peu risqué compte tenu du fait que nous avons entendu des dizaines de témoins qui nous ont fait part de leurs inquiétudes au nom de milliers de créateurs de contenu. De plus, d’anciens présidents du CRTC et des juges de cour fédérale nous ont dit que ce projet de loi pourrait avoir — et aurait — des conséquences inattendues dans un espace Internet libre et ouvert.

Je me permets d’attirer encore une fois votre attention sur ce que mes collègues pensent : si ce projet de loi ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs — oui, nous vous avons entendu, le ministre et vous-même, le déclarer à répétition —, alors pourquoi ne pas le préciser dans le libellé de la loi aux fins de clarté? Ce manque de clarté continue de soulever des questions et des doutes; c’est d’ailleurs notre rôle dans cette enceinte quand nous examinons des dispositions législatives. Comme vous le savez, les Canadiens se posent beaucoup de questions quant à l’intention de ce projet de loi. Vous êtes même allé jusqu’à dire que vous souhaitez que cette loi s’applique au contenu et aux générateurs de contenu, à d’autres formes de médias de l’avenir qui n’existent pas encore aujourd’hui. Vous nous demandez de vous donner carte blanche sur cet élément. Pourriez-vous simplement nous dire pourquoi vous n’avez pas inscrit cela noir sur blanc, de façon claire, dans le projet de loi, comme vous l’ont demandé des milliers de personnes?

(1620)

Le sénateur Gold : Merci de votre question, sénatrice Wallin. Au risque de me répéter, premièrement, le projet de loi est clair quant au fait qu’il ne s’applique pas. Deuxièmement, le fait que le gouvernement et deux partis de l’opposition de l’autre endroit trouvent que cet amendement n’est pas nécessaire ne signifie pas que le gouvernement, les députés de l’autre endroit ou les intervenants n’ont pas des préoccupations légitimes. J’ai tenté d’expliquer cela au sujet de cet amendement.

Cela ne me donne pas, ou à quiconque d’ailleurs, un chèque en blanc. Il s’agit d’une mesure législative très complexe et structurée qui nécessite — tout comme les mesures législatives de ce genre, et j’en appelle à ceux d’entre nous qui ont, ou qui devraient avoir, de l’expérience dans le processus réglementaire — des couches sous-jacentes. Des règlements et des lignes directrices sont nécessaires pour tenir compte des nouvelles tendances et des progrès technologiques.

C’est un bon projet de loi. Il ne s’applique pas au contenu généré par les utilisateurs. Il s’applique aux plateformes qui diffusent des programmes commerciaux. La loi est claire, le gouvernement a été clair, et j’espère avoir été clair.

La sénatrice Wallin : Si nous vous posons tous des questions qui semblent similaires, c’est parce que le projet de loi n’est pas clair. Les sénatrices Miville-Dechêne et Simons ont proposé un libellé — un compromis — au sein de notre comité. Elles ont présenté un libellé qui aurait donné au gouvernement le droit et la possibilité d’énoncer clairement ce que vous avez promis et ce qu’il a promis publiquement, lors d’émissions télévisées et devant le comité.

Si vous y croyez vraiment, écrivez-le dans le projet de loi. Voilà pourquoi nous posons toujours la même question. Une promesse faite en répondant à des questions et lors d’apparitions à la télévision n’a pas force de loi, et nous aimerions voir une telle promesse inscrite dans le projet de loi.

Le sénateur Gold : Sénatrice Wallin, je vous suis très reconnaissant de votre question. J’y ai répondu de mon mieux dans mon discours, que je ne vais pas relire. Selon le gouvernement et la majorité des députés de la Chambre des communes, l’amendement n’a pas atteint ses objectifs et risque de nuire aux objectifs principaux de la loi.

Nous en avons beaucoup débattu au comité et au Sénat. Le Sénat a adopté l’amendement, que la Chambre a rejeté respectueusement. J’ai essayé d’expliquer les raisons pour lesquelles la Chambre l’a rejeté.

J’ai aussi essayé de fournir des justifications que vous prendrez au sérieux, je le sais. Que vous soyez ou non d’accord avec moi, c’est votre choix. Malgré ce désaccord, votre déception ou le fait que vous ne trouvez pas que mes réponses soient convaincantes, nous devrions accepter de ne pas être du même avis et adopter cet important projet de loi dans l’intérêt du milieu culturel du Canada et l’ensemble des Canadiens.

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au sénateur Gold.

Je regarde le paragraphe (2.1) du projet de loi C-11 :

Exclusion — exploitation d’une entreprise de radiodiffusion

(2.1) Ne constitue pas l’exploitation d’une entreprise de radiodiffusion pour l’application de la présente loi le fait, pour l’utilisateur d’un service de média social, de téléverser des émissions en vue de leur transmission par Internet et de leur réception par d’autres utilisateurs [...]

Il me semble donc que les utilisateurs qui génèrent du contenu sont exclus. Le paragraphe suivant, soit le paragraphe (2.2), est intitulé « Exclusion — service de média social » et est suivi du paragraphe (2.3), qui est une autre exclusion.

Il me semble qu’il y a plusieurs exclusions tout à fait explicites. Je ne vois pas la nécessité de garantir une nouvelle exclusion lorsque la situation semble tout à fait claire pour moi. Je trouve vos explications satisfaisantes en ce qui concerne le fait que ces questions sont clairement énoncées dans les articles proposés de la loi.

Ma question est plus directe pour ce qui est du processus. À mon avis, nous avons affaire à trois types d’instruments. Le premier est la loi, qui est adoptée par le Parlement. Nous voyons à quel point l’adoption d’une loi prend du temps. À l’exception de la période de 31 ans, il a fallu 2 ou 3 ans pour le faire. L’instrument suivant est une directive du Cabinet et du gouverneur en conseil au CRTC. Les règlements que le CRTC peut adopter, après une consultation approfondie, représentent le troisième instrument.

J’ai été commissaire au sein du conseil et, soit dit en passant, si certains ont cité d’ex-commissaires qui n’appuient pas cette mesure, vous avez devant vous un commissaire qui est pour le projet de loi. Il y en a d’autres, nous ne sommes pas si rares. J’ai participé à la création de règlements. Je peux vous dire que c’est un exercice considérable, minutieux et éreintant.

Tant qu’à passer du temps à parler de cette mesure, je souligne que, comme bien d’autres commissions, le conseil a pour rôle de s’occuper de ce genre de choses à temps plein. Les commissaires posent des questions et obtiennent des réponses; ils produisent une version préliminaire des règlements, obtiennent d’autres réponses et produisent une version finale. C’est un long processus.

La sagesse derrière ce processus est qu’il a fallu 31 ans plus 3 autres années pour apporter des changements à la loi, alors qu’une directive du Cabinet peut se faire en un tournemain. Modifier des règlements peut prendre plusieurs semaines, voire des mois, mais pas des années. À mon avis, c’est là toute la beauté du processus : on décrit un cadre dans la loi, et c’est au moyen des directives et des règlements qu’on s’occupe des détails. Ces détails doivent...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Arrivez-vous à la question?

Le sénateur Cardozo : Oui. Ma question est la suivante : comme nous ne savons pas tout des technologies qui seront déployées au fil des ans, ne s’agit-il pas de la meilleure façon de faire? Ne devrions-nous pas laisser au CRTC la responsabilité de s’occuper des détails et de mettre la réglementation à jour au fil des ans?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question. Je serai bref, parce que je sais que d’autres veulent poser des questions. Je continuerai d’accepter volontiers les questions, pourvu que mes jambes tiennent le coup.

C’est exact, sénateur Cardozo. Premièrement, ceci n’est pas une entente-cadre; entendons-nous bien. La Loi sur la radiodiffusion est très détaillée. Le projet de loi C-11 est très technique et détaillé. On parle d’un document législatif qui énonce des critères bien explicites. Comme vous l’avez fait remarqué bien obligeamment et de façon plus détaillée que je ne l’ai fait, le projet de loi ne laisse aucun doute qu’il s’applique seulement aux plateformes et non aux créateurs de contenu numérique. C’est tout à fait clair. Le projet de loi énonce des critères et des principes explicites pour guider le CRTC.

Oui, vous avez entièrement raison, comme j’ai tenté de l’expliquer. Le processus entourant l’élaboration de politiques stratégiques et, bien sûr, le processus de prise de règlements permettront aux parties intéressées — y compris les youtubeurs et tous ceux qui continueront d’avoir des questions ou des préoccupations — de donner leur rétroaction et d’être entendues. C’est la façon adéquate de moderniser la Loi sur la radiodiffusion, qui est beaucoup trop dépassée et en a besoin depuis longtemps. Donc, oui, je crois que c’est la bonne façon de faire.

Je tiens à rappeler à mes collègues qu’il ne s’agit pas d’un simple cadre dans lequel nous permettons au CRTC de faire ce qu’il veut. Ce cadre est très clair sur ce que le CRTC est censé faire. Tous ceux qui ont participé au processus réglementaire savent qu’il faut une certaine flexibilité dans le système pour faire le travail. Il y a 30 000 vidéos YouTube qui sont téléchargées chaque jour, voire chaque minute. C’est ahurissant. Le tri devra se faire au niveau du processus réglementaire. La loi fournit des orientations, des directives supplémentaires seront fournies dans les orientations en matière de politique et, qu’on trouve cela ennuyeux ou non, les règlements contiendront des indications encore plus détaillées.

L’honorable Jim Quinn : J’ai une question pour le sénateur Gold.

Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour votre explication détaillée concernant les amendements qui ont été acceptés et ceux qui n’ont pas été acceptés. Mes observations et mes questions s’inscrivent dans le droit fil de ce qui a déjà été discuté, et je tâcherai donc de ne pas m’y attarder.

Il est évident que nous aurions préféré que le projet de loi soit plus clair. Je pense que les Canadiens ont besoin de cette clarté, mais j’accepte aussi ce que vous avez dit : la science de la réglementation est une science souple.

(1630)

Vous avez mentionné qu’un grand nombre d’experts et de témoins étaient en faveur du projet de loi. Il y avait aussi ceux qui ne l’étaient pas, et nous avons tous reçu un nombre incalculable de courriels. Nous avons entendu des témoins qui n’étaient pas favorables à l’article 4.2 proposé. Avec tout le respect que je leur dois, je pense que nos collègues les sénatrices Miville-Dechêne et Simons ont fait un excellent travail en nous présentant un compromis. Malheureusement, l’autre endroit a rejeté leur amendement.

Vous nous avez également rappelé dans vos observations notre rôle en tant que sénateurs, et il y a eu des documents écrits par le sénateur Harder, et aussi récemment par la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Omidvar, nous rappelant ce que sont nos rôles.

Ce que je veux dire, c’est que nous avons eu notre chance. Nous avons fait notre travail et l’avons envoyé de l’autre côté, là où se trouvent les élus. En fin de compte, qu’ils incluent ou non un amendement, ils doivent se présenter devant le peuple, qui le jugera aux prochaines élections.

Ma question est la suivante : que peut faire de plus le gouvernement pour rassurer toutes les personnes qui sont venues dans nos bureaux exprimer leur inquiétude au sujet de l’article 4.2 proposé, qui est le cœur du problème? Quel plan le gouvernement a-t-il pour communiquer ce que vous nous avez communiqué?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Compte tenu de votre expérience dans les domaines de la fonction publique et de la réglementation, je vous remercie également d’avoir souligné que la science de la réglementation exige une certaine flexibilité.

Les garanties du gouvernement figureront dans les directives stratégiques à l’égard desquelles ce dernier a pris un engagement clair dans cette enceinte et ailleurs. Cela donnera à ces gens — et à tous les témoins que nous avons entendus —, l’occasion de faire part de leurs commentaires, comme ce sera le cas lorsque le CRTC procédera à ses consultations sur ces questions, sans parler du processus de réglementation.

Le compte rendu officiel des débats, l’étude du Sénat, mon discours et d’autres discours pourront être consultés. Ils feront partie des documents que les tribunaux et le gouvernement consulteront. Grâce au projet de loi et à votre amendement, sénateur Quinn, nous avons la possibilité de recevoir des rapports au Sénat et, puisque nous sommes maîtres de notre propre assemblée, nous avons la possibilité de demander des comptes au gouvernement. Les comités peuvent également effectuer des études de suivi. Nous disposons d’un grand nombre d’outils pour veiller à ce que tous soient entendus de manière respectueuse, ce qui a été le cas jusqu’à maintenant.

Le gouvernement et deux partis d’opposition ont adopté des positions différentes à l’égard de cet amendement bien intentionné et ingénieux. Cependant, il n’a pas reçu l’appui de la majorité des députés.

Je pense que nous avons fait notre travail, et que nous l’avons bien fait. Le gouvernement s’est clairement engagé à faire en sorte que le champ d’application soit défini, et je suis convaincu qu’il tiendra parole.

Le sénateur Quinn : Sénateur Gold, le but de mon intervention est de dire que toutes les contributions reçues de la part de personnes de tout le pays, de personnes qui ont comparu devant le comité, de personnes qui n’ont pas comparu devant le comité, mais qui ont communiqué avec les sénateurs, de personnes venant de tous les horizons, méritent d’être entendues plus directement que dans le cadre du processus normal. Vous avez raison, il y a toutes sortes de choses qui sont publiées et mises sur des sites Web et autres, mais les personnes qui ont communiqué avec nous n’ont peut-être pas l’habitude de traiter de ces questions ainsi, si vous comprenez ce que je veux dire. Elles ne sont pas habituées au processus législatif.

Le gouvernement ne devrait-il pas avoir une stratégie proactive pour communiquer avec les personnes qui ont fait connaître leur point de vue sur le paragraphe 4.2 de manière explicite?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Elle est intéressante. Le premier ministre — ou, plutôt, en l’occurrence, le ministre compétent — s’est exprimé très ouvertement sur ce sujet, tant sur les médias sociaux que sur les réseaux de radiodiffusion. Si les gens ne regardent pas CBC/Radio-Canada ou CTV, ou qu’ils obtiennent leurs nouvelles ailleurs, ils peuvent également trouver cette information sur ces plateformes.

Le gouvernement souligne clairement l’importance de ce projet de loi, et ce, depuis longtemps. Trois partis ont intégré cet enjeu dans leur programme électoral, et ils représentent la majorité des députés élus à la Chambre des communes. Je ne vois pas trop ce que le gouvernement pourrait faire de plus à ce sujet.

Chose certaine, lorsque le projet de loi recevra la sanction royale — et j’espère que ce sera le plus tôt possible — et que les prochaines étapes auront lieu, le gouvernement et le CRTC auront une autre occasion de laisser savoir aux parties intéressées comment elles pourront continuer à participer au processus.

L’honorable Denise Batters : Sénateur Gold, dans votre discours d’aujourd’hui sur le projet de loi C-11, vous nous avez dit que le gouvernement a pris un engagement en ce qui concerne le contenu généré par les utilisateurs. Eh bien, le gouvernement Trudeau nous a dit à maintes reprises « faites-nous confiance » dans le passé, et le nombre de promesses qu’il n’a pas tenues est considérable.

Il a notamment promis qu’il allait accuser des déficits de seulement 10 milliards de dollars par année pendant deux ans avant de rétablir l’équilibre budgétaire, que les élections de 2015 seraient les dernières à être tenues selon le système majoritaire uninominal à un tour et ainsi de suite. Plus récemment, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a promis que le ratio dette-PIB du fédéral n’augmenterait pas. En parlant de cette cible budgétaire, elle a dit : « Nous ne la manquerons pas. » Pourtant, le directeur parlementaire du budget dit maintenant qu’il s’agit d’une autre promesse non tenue du gouvernement Trudeau.

Sénateur Gold, vous dites que le gouvernement n’inclura pas dans le texte de loi cette garantie au sujet du contenu généré par les utilisateurs, et que nous devons plutôt lui faire confiance avec le projet de loi C-11, qui est très controversé. Pourquoi les Canadiens devraient-ils avoir foi en cette promesse après toutes celles qui n’ont pas été tenues par le gouvernement Trudeau au cours des huit dernières années?

Le sénateur Gold : Sénatrice Batters, je pense que ce qui divise certains d’entre nous, c’est de savoir, lorsqu’un ministre prend un engagement, lorsque le représentant du gouvernement dans cette enceinte prend un engagement, si cet engagement doit être pris au sérieux et cru sur parole.

Mon équipe et moi — et je pense que de nombreux sénateurs ici présents — avons déployé des efforts considérables pour que le Sénat ait le temps d’étudier correctement ce projet de loi et de faire son travail. Le bureau du représentant du gouvernement a respecté le Sénat à chacune des étapes du processus.

Les délais dont on avait convenu ont été modifiés lorsque le chef de votre parti a changé. Ils n’ont pas été simplement prolongés pour faire plaisir à M. Poilievre, mais pour permettre au Sénat et aux sénateurs d’intervenir, et nous avons fait du bon travail à cet égard.

Le fait qu’un seul article dans un projet de loi très compliqué fasse l’objet d’un désaccord entre le Sénat et la majorité des députés de la Chambre des communes revient, si je peux reprendre les commentaires que j’ai faits dans mon discours, à se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt.

Pour le moment, honorables collègues, je n’insisterai pas sur le fait que ce n’est pas tout le monde dans cette enceinte qui a le même objectif final en vue lorsqu’il s’agit d’améliorer ce projet de loi, mais je suis convaincu que la majorité des sénateurs ici présents sont fiers du travail qu’ils ont fait et veulent que ce projet de loi reçoive la sanction royale, même s’ils ne s’entendent pas sur cet aspect et sur les cinq autres amendements qui n’ont pas été retenus par le gouvernement.

L’honorable Leo Housakos : Je ne veux pas trop m’attarder là-dessus, mais il est évident que le contenu généré par les utilisateurs est visé par ce projet de loi. Le président du CRTC était de cet avis lorsqu’il a témoigné devant notre comité. C’était aussi l’avis du juriste du ministère du Patrimoine canadien qui a été interrogé à maintes occasions au sujet des termes mentionnés par le sénateur Cardozo. Il est évident que le gouvernement refuse de rendre le libellé plus précis et d’apporter des amendements raisonnables pour que le projet de loi indique noir sur blanc que le contenu généré par les utilisateurs sera exclu. Cela dit, je tiens aussi à apporter quelques corrections.

(1640)

Dans son échange avec vous, sénateur Gold, le sénateur Cardozo a vraiment mis en évidence le problème entre ceux qui approuvent le projet de loi et ceux qui s’y opposent. Je sais que le CRTC a le pouvoir de prendre des règlements parce que la loi que nous sommes sur le point d’adopter et que le gouvernement veut adopter lui confère ce pouvoir. Notre collègue, le sénateur Cardozo, a raison : dans l’ancienne Loi sur la radiodiffusion et dans la Loi sur la radiodiffusion actuelle, le gouvernement et le ministère du Patrimoine canadien peuvent non seulement influencer le cadre réglementaire; ils peuvent aussi donner des directives et passer outre le CRTC. C’est précisément la raison pour laquelle, lorsque des mesures législatives comme la Loi sur la radiodiffusion quittent le Parlement et deviennent des lois, il doit y avoir des garanties pour s’assurer que le gouvernement, quel qu’il soit, soit tenu de respecter les paramètres que nous, les parlementaires, lui avons donnés. Si nous négligeons notre responsabilité d’élaborer des lois claires, des problèmes peuvent survenir.

En ce qui concerne le cadre réglementaire, il est habituel pour les projets de loi techniques — comme le projet de loi C-11 — que les gouvernements y joignent des cadres réglementaires à l’avance. Dans le cas du projet de loi C-10, le précurseur du projet de loi C-11, si vous vous souvenez bien, aux dernières étapes de l’étude du projet de loi, sous la pression de cette Chambre et de ses travaux, le gouvernement a fini par présenter un cadre. Ce n’était pas un très bon cadre, mais il y en avait un. Il n’était pas nécessaire de confier ce travail au CRTC pendant deux ans.

Toutefois, je ne veux pas m’écarter du sujet. Je veux en venir à ma question complémentaire parce que ce projet de loi pose un tas d’autres problèmes que le simple contenu généré par l’utilisateur.

Lorsqu’on réforme la Loi sur la radiodiffusion, l’un des principaux piliers qui doivent être réformés et qui n’a même pas été examiné dans le projet de loi, c’est le contenu canadien. La question que je vous pose, monsieur le leader du gouvernement, est la suivante : comment est-ce possible que La servante écarlate, une histoire écrite par Margaret Atwood transformée en série réalisée par un canadien, tournée avec des acteurs canadiens et filmée au Canada, ne soit pas considérée comme du contenu canadien aux yeux du projet de loi dans la forme dont nous voulons l’adopter actuellement?

Le sénateur Gold : La tradition juive veut que l’on réponde à une question par une question. Vous considérerez à juste titre qu’il est irrecevable d’agir ainsi, mais je me permets tout de même de vous demander une chose. En tant que sénateur en poste depuis 15 ans et en tant qu’ancien Président, vous savez certainement que la question, à ce stade du processus, doit porter sur les amendements qui ont été acceptés ou rejetés, et non sur le projet de loi dans son ensemble.

Le sénateur Housakos : Nous avons essayé de proposer des amendements au comité concernant le contenu canadien, et ils ont été rejetés. Ils ont été rejetés, et, par ailleurs, cela fait partie du processus parlementaire. Si vous ne voulez pas répondre à la question, monsieur le leader du gouvernement, cela en dit long sur la négligence du gouvernement, qui répugne à traiter avec rigueur le dossier de la radiodiffusion canadienne.

Le sénateur Gold : Le gouvernement n’a pas fait preuve de négligence. Le gouvernement a fait preuve de responsabilité en tentant de faire adopter ce projet de loi ces trois dernières années. Le gouvernement n’a pas de guerrier spartiate qui est louangé pour l’avoir retardé pendant un an et qui le retarderait un an de plus si le souhait de votre chef se réalisait.

Le gouvernement ne fait pas preuve de négligence. Le processus législatif approprié prévoit l’adoption d’un projet de loi. Viennent ensuite les lignes directrices et les règlements. Avec le plus grand respect, sénateur Housakos, je répète que nous en sommes à l’étape de l’étude du message d’un projet de loi. Selon le Règlement du Sénat, nous devons nous concentrer non pas sur le processus en général, mais sur le message dont nous sommes saisis.

Je n’interviens pas au sujet d’un point de procédure en particulier. Je souhaite simplement rappeler aux sénateurs qu’à cette étape de notre processus, nous avons une responsabilité précise. Il ne s’agit pas de réexaminer l’ensemble du projet de loi et tout ce qui vous déplaît à son sujet ni de revenir sur toutes les raisons pour lesquelles votre parti et vous aimeriez torpiller ce projet de loi.

Le sénateur Housakos : Avec tout le respect que j’ai pour vous, monsieur le leader, il s’agit d’un processus législatif très important. Nous avons l’obligation de débattre tous les aspects du projet de loi, même les éléments que vous voudriez passer sous silence, monsieur le leader.

Je suis d’avis que, dans cette enceinte, vous avez l’obligation de répondre à toutes les questions qui touchent, de près ou de loin, à ce projet de loi en particulier et à la Loi sur la radiodiffusion. Ce sont tous des éléments qui ont été analysés, pas seulement des amendements refusés ou rejetés.

Par ailleurs, je souligne que nous avons une Présidente très compétente dans le fauteuil. Je pense que c’est à elle que revient la responsabilité d’assumer le travail de la présidence. Vous pouvez donc vous concentrer sur votre propre travail.

J’aurais une autre question à vous poser, monsieur le leader, puisque je n’ai obtenu aucune réponse à mes questions jusqu’à maintenant. Le projet de loi est très clair. Certaines de ses sections mentionnent la nécessité de laisser plus de place aux groupes minoritaires et aux groupes désignés de notre pays. C’est clairement indiqué dans le projet de loi. C’est dans la portée du projet de loi et cela comprend les Autochtones canadiens.

Pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous adoptons un projet de loi, une loi sur la radiodiffusion, qui vise tellement — un objectif que le gouvernement a à cœur — à soutenir la diversité, à soutenir la voix des Autochtones, alors que, dans le budget de cette année, le gouvernement a retiré des millions de dollars au Bureau de l’écran autochtone, des millions de dollars destinés aux collectivités autochtones pour qu’elles puissent faire entendre leur voix?

Voilà un autre exemple où vous adoptez une loi au nom de la postérité, mais, concrètement, dans le présent budget, que vous avez adopté récemment, vous avez en fait sabré le financement du Bureau de l’écran autochtone.

Le sénateur Gold : Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Housakos, il existe une pratique et une règle de longue date concernant l’étape de l’étude du message. Par conséquent, je n’évite pas de répondre à des questions auxquelles je ne « veux pas répondre ». Il ne s’agit tout simplement pas de questions soulevées dans le message, soit ce sur quoi est censé porter le débat.

Aussi, le projet de loi C-11, même avant que nous l’ayons amendé, a reconnu la présence des artistes, des créateurs, des entités de diffusion et des entreprises autochtones. Les amendements de la sénatrice Clement ont permis de renforcer le projet de loi, et il a été amélioré grâce à ces amendements.

Votre question concernant le financement d’un organisme en particulier fait clairement fi du fait que le gouvernement a pris de nouvelles mesures pour faire avancer la réconciliation, même s’il reste encore énormément de travail à faire. Encore une fois, c’est par respect pour l’importance de la question que vous avez soulevée, et non en raison de sa pertinence, que je présente cette observation.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, vous donnez l’impression à cette assemblée qu’il est habituel au Sénat d’approuver automatiquement un projet de loi lorsqu’il est rendu à l’étape de l’étude du message, ce qui n’est pas le cas.

La Constitution stipule qu’à l’étape de l’étude du message, le Sénat a le droit et la responsabilité de refuser un projet de loi, ce que vous n’avez pas mentionné, et de le renvoyer avec les nombreuses autres options proposées par le Sénat. Oui, la tradition veut que l’on s’incline devant les souhaits de la Chambre élue, mais nos ancêtres ont également établi la mesure suivante lorsqu’ils ont créé le Sénat : nous avons le droit d’exercer notre autorité constitutionnelle lorsqu’un gouvernement fait quelque chose de si scandaleux qu’un grand nombre de Canadiens en sont offensés. Je tiens simplement à le signaler aussi, monsieur le leader du gouvernement.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. En ce qui a trait à notre rôle constitutionnel, personne ne nie ce que dit la Loi constitutionnelle de 1867. Toutefois, comme je l’ai dit dans mon discours — que vous avez écouté, j’en suis sûr —, la Cour suprême a déclaré sans équivoque que, étant donné qu’il était entendu dès 1867 que notre rôle était complémentaire, il n’était pas nécessaire de préciser les circonstances dans lesquelles le Sénat doit exercer, en principe, le principe de la retenue qu’il s’impose lui-même, car ce dernier va de pair avec la compréhension que nous devrions tous avoir du rôle du Sénat par rapport à celui des autres institutions du gouvernement, y compris les représentants élus.

Il s’agit de se demander ce qu’il est approprié et responsable de faire pour le Sénat. Chers collègues, le message porte sur le rejet de 6 des 26 amendements. La motion porte sur le message et la pratique du Sénat à l’étape du message consiste à parler uniquement du message. Des décisions ont déjà été rendues par la présidence à ce sujet.

Je le répète, je n’invoque pas d’arguments procéduraux pour étouffer la discussion. J’essaie simplement de faire appel à votre expérience de législateur pour rappeler à ceux d’entre nous qui ont peut-être moins d’expérience à quoi sert le présent débat et à quoi il n’est pas censé servir.

(1650)

La sénatrice Wallin : En toute équité, sénateur Gold, c’est vous qui avez soulevé l’enjeu du rôle constitutionnel du Sénat, mais on y reviendra.

Pour m’en tenir au sujet du débat, je vais lire la raison du rejet de l’amendement que vous nous avez lue ici. Le gouvernement a rejeté le principal amendement sur le contenu généré par les utilisateurs dont nous sommes en train de parler :

[…] parce qu’il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps […]

Ce sont là vos paroles, celles du gouvernement.

La raison donnée montre très clairement que le gouvernement veut continuer, maintenant et à l’avenir, à donner des instructions au CRTC sur le contenu généré par les utilisateurs. C’est ce qu’il indique.

De toute évidence, certaines questions demeurent sans réponse : pourquoi tenez-vous tant à réglementer le contenu généré par les utilisateurs en ligne? Que craignez-vous?

Je pose ces questions parce que, durant les discussions sur le projet de loi C-10, le ministre Guilbeault, qui était le ministre responsable à l’époque, a laissé entendre qu’il s’inquiétait des critiques à l’endroit du gouvernement qu’il voyait en ligne. Le ministre Lametti a indiqué très clairement qu’il juge acceptable de restreindre les droits et les libertés dont les gens jouissent en ligne si le gouvernement choisit de légiférer de cette façon.

Tout projet de loi qui exige que les orientations politiques du gouvernement guident la réglementation de l’expression des utilisateurs laisse planer trop d’incertitude sur les questions les plus fondamentales en matière de libertés.

Pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour être autorisé à donner des instructions directes au CRTC sur le contenu généré par les utilisateurs — le contenu lui-même — alors que le CRTC est censé être indépendant?

Le sénateur Gold : Encore une fois, sénatrice Wallin, l’intention du gouvernement — ou du projet de loi — n’est pas de réglementer le contenu généré par les utilisateurs. C’est en réponse aux préoccupations exprimées, comme le gouvernement a essayé, et continue d’essayer, d’expliquer — de toute évidence, avec un succès mitigé, dans cette chambre, en tout cas — que le projet de loi ne s’applique pas, et ne s’appliquera pas, au contenu généré par les utilisateurs. Le texte du projet de loi et les engagements du gouvernement sont clairs à ce sujet.

Il est également clair — encore une fois, chers collègues, vous n’avez pas besoin que je vous le dise — que la Charte canadienne des droits et libertés s’applique à chaque projet de loi. Le CRTC est tenu de prendre en compte la Charte. La liberté d’expression est garantie dans le projet de loi lui-même, bien que cela ne soit pas nécessaire étant donné la préséance de la Charte, et les amendements promouvant la liberté en matière de journalisme le soulignent encore davantage.

Sénatrice Wallin, avec tout le respect que je vous dois, il est faux de dire que le gouvernement compte — ou souhaite — réglementer le contenu généré par les utilisateurs. Il essaie de donner des orientations au CRTC sur la manière d’adapter le projet de loi à l’évolution rapide de l’environnement technologique et, en même temps, de rassurer ceux qui, au sein des collectivités, ont exprimé des inquiétudes. Comme je l’ai dit, ces préoccupations seront prises en compte dans la directive définissant l’orientation après la sanction royale.

La sénatrice Wallin : J’ai un commentaire à ce sujet. Je veux souligner ce que le procureur général David Lametti a dit à propos du projet de loi C-10, plus précisément lorsqu’on lui a posé des questions sur la réglementation fédérale du contenu légal sur Internet. Il a affirmé que les droits et libertés peuvent être limités. Il a notamment dit ce qui suit :

[...] lorsque le Parlement légifère, il peut y avoir une incidence sur les droits et libertés garantis par la Charte. Il peut s’agir de restreindre la jouissance ou l’exercice [...] C’est tout à fait légitime. Les droits et libertés garantis par la Charte ne sont pas absolus [...]

Le sénateur Gold : Merci, sénatrice Wallin. Nous en sommes conscients. C’est indiqué dans la Charte elle-même. L’article 1 prévoit que les droits et libertés énoncés, auxquels il faut autrement donner une interprétation étendue de prime abord, peuvent être restreints « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». Le fait que le procureur général le rappelle aux sénateurs et aux législateurs, qui ont tous l’obligation de comprendre et d’appliquer la Charte dans leur travail, relève tout simplement — si je peux paraphraser le regretté et extraordinaire Alan Borovoy, ancien avocat général de l’Association canadienne des libertés civiles, ainsi qu’un mentor et un ami personnel — « d’un coup d’œil pénétrant sur ce qui est évident ».

Certes, les droits ne sont pas absolus. Ils doivent s’équilibrer avec les autres droits et ils peuvent être restreints dans des limites raisonnables. Nos recueils de lois regorgent d’exemples de ce genre.

Le sénateur Cardozo : Je voudrais souligner un élément qu’on oublie parfois. Le CRTC a la capacité d’élaborer ses propres règlements dans le cadre de la loi — j’utilise le mot « cadre » de manière générale, sénateur Gold — et il n’a pas besoin d’attendre une directive du Cabinet. Autrement dit, au cours des prochaines années, le CRTC a la possibilité de modifier la réglementation. Si l’on pense à l’expression « TikTok », il y a cinq ans, elle nous rappelait plutôt le son de l’horloge de notre grand-père, alors qu’aujourd’hui, elle a une signification différente, et que, dans cinq ans, elle aura à nouveau une autre signification. La technologie évolue sans cesse.

Ma question est la suivante : à l’intention des téléspectateurs qui nous regardent aujourd’hui, je précise que notre débat a porté jusqu’à présent, au cours de la dernière heure, sur quelques amendements qui ont été rejetés par la Chambre des communes. Monsieur le sénateur, pourriez-vous nous rappeler quelques points saillants du bon travail que nous avons réalisé et qui a été approuvé par les Communes, en particulier les avis que nous leur avons fournis? Vous en avez parlé brièvement dans votre introduction, mais je pense que le public — celui qui se trouve à l’extérieur de cette enceinte — pourrait souhaiter qu’on lui rappelle que la Chambre a approuvé un grand nombre d’amendements. Je suis un nouveau sénateur, mais je peux dire quand même qu’un résultat de 20 sur 26 me semble assez élevé. Corrigez-moi si je me trompe.

Le sénateur Gold : Merci de votre question. Comme je l’ai dit dans mon discours, le Sénat a apporté d’importantes améliorations au projet de loi, améliorations que le gouvernement a acceptées. Ces améliorations visent notamment à renforcer la protection de la vie privée, de la présence et du rôle des Noirs et des Canadiens racialisés, ainsi que de la voix des Autochtones; faire en sorte qu’il soit clair que l’innovation constitue un objectif important du cadre réglementaire et de la Loi sur la radiodiffusion; faire en sorte aussi que les auditoires fassent partie des calculs; veiller à la diversité des auditoires, etc. Ce sont là des améliorations d’un projet de loi qui était déjà bon.

Ce projet de loi nous est parvenu avec l’appui massif des secteurs culturels. Il avait l’appui d’un grand nombre d’intervenants et des trois partis politiques qui avaient notamment fait campagne sur la modernisation de la loi.

C’est un bon projet de loi; la Chambre et le Sénat appuient 99 % de son contenu. Il n’y a que quelques dispositions sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord. À cette étape de l’étude du message, je pense que les sénateurs doivent comprendre cela, car nous avons reçu un message d’un gouvernement minoritaire approuvé par la majorité des députés de la Chambre des communes, qui ont étudié nos amendements attentivement et de façon responsable. Ils ont lu les comptes rendus et écouté les débats. Ils ont opté pour d’autres politiques que celles qui sont privilégiées par le Sénat. Ce n’est pas une raison pour faire fi des avantages que ce projet de loi apporterait aux Canadiens et de l’importance d’adopter ce projet de loi pour qu’il reçoive la sanction royale le plus tôt possible.

L’honorable Scott Tannas : Je suppose que c’est plus par curiosité, même si cela peut être utile, mais je m’interroge d’abord, monsieur le leader, sur la formulation disant que le Sénat prend acte de l’intention déclarée du gouvernement. Je pense que c’est une façon très créative de rendre bon nombre d’entre nous plus à l’aise à l’idée de renoncer à l’excellente proposition d’amendement des sénatrices Simons et Miville-Dechêne, et je me suis prononcé pour cette proposition, ce qui m’a donné une raison de la soumettre à la Chambre des communes.

Pourriez-vous en dire plus sur la provenance de ce passage? Est-ce vous qui l’avez formulé? Si nous voulions l’amender, est-ce que cette position engagerait le gouvernement et la Chambre des communes? S’agit-il du passage que nous présentons ici au Sénat ou du résultat d’un compromis conclu avec l’autre Chambre qui, si nous le modifions, pourrait poser problème?

(1700)

Le sénateur Gold : Il s’agit d’un libellé que notre bureau du Sénat a rédigé. Vous savez maintenant que depuis trois ans, lorsqu’on m’interroge pendant la période des questions, je réponds au nom du gouvernement. Mon rôle ne consiste pas à répondre à titre personnel. Vous pouvez supposer que le libellé que nous avons rédigé ici représente une position acceptable pour le gouvernement. Autrement, je ne l’aurais pas présenté dans une motion.

Le Sénat a le pouvoir d’amender des motions, de les adopter ou de les rejeter. Je n’ai rien à répondre à votre question. Il n’y a eu aucun compromis, et même si cela avait été le cas, il ne serait pas judicieux que j’en fasse part.

L’objectif de cette motion est de proposer que nous acceptions le message de la Chambre. L’ajout que nous avons fait visait à permettre au Sénat de signaler aux députés sa position et qu’il prend note de l’intention lors de la lecture de la motion.

Nous pensons que cela renforcera les garanties données et, pour revenir aux propos du sénateur Quinn, nous espérons que cela donnera des garanties supplémentaires à ceux qui sont encore sceptiques à l’égard des gouvernements. C’est une caractéristique de la politique moderne.

Cela tiendra également compte des questions liées à l’interprétation. Comme nous le rappelait régulièrement un de nos anciens collègues, les tribunaux, entre autres, tiennent compte de l’historique législatif, notamment des déclarations du Sénat, au moment d’interpréter les lois. Je crois que c’est un argument de plus concernant le point que je soulève, soit que le gouvernement n’a aucunement l’intention d’inclure le contenu généré par les utilisateurs.

Le sénateur Tannas : La question est de savoir à quel point le gouvernement veut être ambigu. Je me demande si l’emploi du terme « intention » dans ce paragraphe ne constitue pas une ambiguïté.

Encore une fois, serait-il possible ou acceptable, si telle était la volonté du Sénat — peut-être me direz-vous que vous ne voulez pas répondre à une question fondée sur des suppositions —, que cette intention déclarée soit appuyée par une assurance ou un engagement donnés publiquement?

Une voix : Bonne idée.

Le sénateur Tannas : Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Gold : Je devrai y réfléchir, sénateur Tannas.

Comme je l’ai dit, je reconnais la capacité du Sénat à proposer des amendements aux motions. Je vais choisir de ne pas me prononcer quant à mon appui éventuel advenant qu’une telle proposition soit présentée.

L’honorable Paula Simons : Commençons par les bonnes nouvelles.

Le gouvernement a en effet accepté la plupart des amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-11, des amendements qui émanent des quatre groupes sénatoriaux.

Le gouvernement a accepté, par exemple, un petit amendement crucial proposé par la sénatrice Denise Batters, qui clarifie et élargit le sens juridique du mot « décision » dans la loi.

Il a accepté un amendement de la sénatrice Miville-Dechêne, qui souligne le respect du droit à la vie privée suite aux recommandations du commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Il s’agit d’une véritable victoire et d’une agréable surprise, puisque le gouvernement s’était opposé à cet amendement au comité.

Le gouvernement a accepté toute une série d’amendements proposés par la sénatrice Bernadette Clement, qui soulignaient l’importance de la représentation des Noirs et des Autochtones dans l’écosystème de la radiodiffusion canadienne.

Le gouvernement a accepté un amendement important de la sénatrice Pamela Wallin, qui introduit des dispositions essentielles garantissant la liberté d’expression et l’indépendance journalistique, ainsi que des dispositions tout aussi importantes de la sénatrice Donna Dasko, qui insistent sur le fait que notre système de radiodiffusion doit promouvoir l’innovation, s’adapter aux changements technologiques et tenir compte des choix des téléspectateurs.

Les contributions du sénateur René Cormier comprennent des amendements visant à soutenir la radiodiffusion canadienne-française et à souligner l’importance des producteurs indépendants.

Les sénateurs Cormier et Quinn ont proposé avec succès des amendements visant à rendre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes plus transparent et plus responsable dans l’administration de ce nouveau cadre réglementaire.

Je suis heureuse de voir que deux amendements que j’ai défendus en partenariat avec mon amie la sénatrice Dasko ont été inclus dans le projet de loi révisé. Le premier libère les radiodiffuseurs communautaires de la responsabilité de lutter contre la désinformation; le second, beaucoup plus important, est un amendement visant à supprimer l’intégralité du paragraphe 7(7) de la loi, qui aurait donné de nouveaux pouvoirs extraordinaires au gouverneur en conseil pour microgérer toutes sortes de décisions du CRTC.

Plusieurs témoins experts ont fait part à notre comité de leurs préoccupations quant au fait que cet article donnerait au Cabinet des pouvoirs nouveaux et sans précédent pour intervenir dans les décisions de l’organisme indépendant de réglementation de la radiodiffusion. Je suis ravie que le gouvernement et l’autre endroit acceptent cet amendement, qui dépolitise la prise de décision en matière de réglementation.

Permettez-moi également de profiter de cette occasion pour remercier non seulement les témoins, mais aussi l’ancien sénateur Howard Wetston pour ses conseils avisés lorsque la sénatrice Dasko et moi-même avons travaillé sur cet article essentiel du projet de loi. Les connaissances approfondies du sénateur Wetston en matière de droit réglementaire nous ont été d’une aide précieuse lorsque nous nous sommes efforcées de trouver des solutions à ce problème particulier.

Voilà pour les bonnes nouvelles. Je ne veux pas minimiser leur importance. Le projet de loi C-11 nous est parvenu imparfait, et en travaillant en collaboration, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a créé un meilleur projet de loi. C’est tout à l’honneur du Sénat, plus indépendant et moins partisan, d’avoir été en mesure d’éliminer certaines des omissions et des erreurs les plus flagrantes du projet de loi C-11.

Cependant, l’autre endroit n’a pas accepté l’amendement qui était peut-être le plus essentiel de tous : l’amendement proposé, avec mon appui, par la sénatrice Miville-Dechêne. Cet amendement aurait clairement exclu le contenu généré par les utilisateurs de la portée du projet de loi.

Une des difficultés de ce projet de loi était de trouver un compromis qui viserait le contenu des sociétés de toutes les grandes plateformes de diffusion en continu, y compris YouTube et TikTok, tout en excluant les artistes, les créateurs, les journalistes et les commentateurs sociaux et politiques qui utilisent ces plateformes pour y téléverser leurs contenus.

Nous devions trouver le moyen de faire en sorte que la musique canadienne diffusée sur le marché par l’entremise de YouTube, TikTok et d’autres plateformes soit visée par le projet de loi C-11, sans toucher aux créateurs indépendants qui se servent des plateformes pour rejoindre leurs auditoires, promouvoir leurs marques et gagner leur vie. Nous devions trouver le moyen de protéger les droits des artistes commerciaux, tout en protégeant les droits des innovateurs à la fine pointe du divertissement numérique.

La sénatrice Miville-Dechêne et moi pensions que nous avions trouvé un compromis. Nous n’y sommes pas arrivées toutes seules. Nous avions le soutien de nos excellents employés, qui ont aidé à élaborer le libellé de l’amendement après plusieurs mois de consultations auprès de créateurs indépendants, de groupes de lobbying artistiques et des plateformes mêmes.

Or, la version du projet de loi qui se retrouve devant nous aujourd’hui accorde au CRTC le pouvoir de passer outre la section du projet de loi qui exempte le contenu généré par les utilisateurs si, en partie, ce contenu génère des revenus directement ou indirectement, ce qui pourrait, en théorie, englober une part considérable du contenu généré par les utilisateurs.

Notre amendement rejeté visant le paragraphe 4.2(2) aurait éliminé toute mention de revenus, qu’ils soient directs ou indirects. Nous proposions à la place que les paramètres à prendre en considération soient de déterminer si un élément de contenu a été diffusé au moyen d’un service commercial conventionnel ou s’il était doté d’un identifiant international numérique unique en tant qu’enregistrement commercial professionnel.

Je tiens à bien me faire comprendre sur ce point, car il semble y avoir de la confusion. Notre amendement prévoyait spécifiquement une allocation pour du contenu comme la rediffusion des parties sportives ou de spectacles de divertissement, par exemple un concours de chant.

Notre amendement aurait fait en sorte que si un radiodiffuseur comme Rogers ou CBC avait diffusé une partie de baseball ou un documentaire sur YouTube ou Facebook, ce contenu aurait assurément été assujetti à la loi, à l’instar de toute autre utilisation parallèle des plateformes de médias sociaux pour reproduire ce qui est déjà présenté par un service de radiodiffusion conventionnel.

Il est absolument incorrect de laisser entendre que notre amendement ne concerne que la musique. Ce n’est pas vrai, mais la formulation que nous avons proposée aurait également garanti que si une grande maison de disques comme Sony publiait une nouvelle chanson ou un nouvel album sur YouTube, cette publication aurait été traitée de la même manière que la publication de la même chanson sur Spotify, Amazon Music ou TIDAL.

En même temps, les créateurs numériques, y compris ceux qui réussissent financièrement, auraient été clairement exemptés du projet de loi C-11, même s’ils téléversaient leur humour, leur musique, leur animation, leur film ou leurs épisodes télévisés sur une plateforme de médias sociaux.

Au comité, notre amendement, un compromis plein de bon sens, a été accepté par une grande majorité de membres et approuvé par la majorité des sénateurs. Il a été adopté et salué par les créateurs numériques de tout le pays, par les producteurs, les universitaires, les critiques et les analystes des médias. Il a reçu l’appui général et enthousiaste du public.

Malheureusement, le gouvernement n’a pas jugé bon de l’accepter, malgré son objectif, qui était de trouver un équilibre raisonnable.

(1710)

Voici la formulation officielle de la raison officielle :

[...] il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps [...]

Qu’est-ce que cela signifie exactement? Si, comme moi, vous êtes un peu pointilleux au sujet des règles de grammaire, vous avez sans doute trouvé particulièrement pénible de lire et d’entendre cette citation, mais laissons les détails grammaticaux de côté et permettez-moi d’essayer de la traduire. Je pense que le gouvernement dit que notre amendement limiterait le pouvoir du Cabinet de dire au CRTC comment réglementer les services de médias sociaux.

La première partie de la phrase est un peu étrange. Il n’y a rien dans notre amendement qui aurait empêché le gouvernement de tenir des consultations publiques à tout moment sur n’importe quel sujet. La dernière partie de la phrase est également un peu étrange. Il n’y a rien dans notre amendement qui aurait empêché le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques.

C’est le cœur de la phrase qui importe. C’est là où se trouve la substance — la partie au sujet de l’établissement de la portée de la réglementation des émissions commerciales dans les médias sociaux. C’est précisément là que le bât blesse. Le ministre et le gouvernement nous disent — et disent à tout le monde — sans cesse qu’ils n’ont pas l’intention d’inclure le contenu généré par les utilisateurs et que les Canadiens qui publient des sketches humoristiques, de courts dessins animés ou des comptines pour enfants sur Twitter, YouTube, TikTok et Instagram ne pourront pas être visés par le CRTC. Or, la réponse écrite du gouvernement à l’amendement que nous avons proposé indique qu’il désire justement garder le pouvoir de donner au CRTC la directive de le faire, c’est-à-dire de réglementer la diffusion de contenu dans les médias sociaux.

Le gouvernement nous a accusés de vouloir créer des échappatoires. C’est précisément le contraire. C’est le paragraphe 4.2(2) qui crée une échappatoire. Le gouvernement ne peut pas dire une chose et faire le contraire. Il ne peut pas s’engager à garder hors de portée le contenu généré par les utilisateurs dans les médias sociaux et laisser la porte ouverte à cette possibilité, ou même à cette menace, si j’ose dire.

Le sénateur Gold nous a dit aujourd’hui qu’utiliser les médias sociaux ne fait pas de vous un diffuseur. Ce serait absolument vrai, si c’était ce que dit le projet de loi.

Nous voilà donc aux prises avec un dilemme constitutionnel. Retournons-nous le projet de loi en insistant, avec toute la politesse parlementaire qui s’impose, pour que le gouvernement considère de nouveau notre amendement? La balle est dans notre camp; devrions-nous la renvoyer? Ou disons-nous au gouvernement quelque chose comme : « Vous l’aurez voulu. Nous, les sénateurs, avons cerné un problème grave et réel dans ce projet de loi. Nous avons suggéré un compromis pratique et non partisan qu’une grande partie des sénateurs ont appuyé. Vous n’avez pas écouté. Maintenant, vous, les représentants élus tenus de rendre des comptes aux électeurs, devrez assumer les conséquences de cette décision. »

Quand un projet de loi, ou une partie d’un projet de loi, est manifestement inconstitutionnel, la voie que nous devons emprunter ne fait aucun doute. Le Sénat a le devoir de protéger les droits et les libertés garantis par la Charte, y compris la liberté d’expression. Or, même si je pense que le paragraphe 4.2(2) porte effectivement atteinte à la liberté d’expression, il ne le fait pas explicitement. En dépit de la panique, des messages qui visent à fomenter la colère et des arnaques manipulatrices qu’il suscite dans les médias sociaux, ce projet de loi ne vise à censurer personne. Ce n’est pas un complot du Forum économique mondial ni un complot communiste, nazi ou orwellien. C’est simplement un projet de loi qui laisse à désirer.

Quoi qu’il en soit, c’est le projet de loi que le gouvernement avait promis pendant la campagne électorale. Aux termes de la convention de Salisbury, cette mesure faisait bel et bien partie de sa dernière plateforme électorale. On pourrait faire valoir qu’il a reçu le mandat d’adopter ce projet de loi, quoique ce dernier ne faisait pas vraiment l’objet d’une question sur le bulletin de vote.

Alors, même si je pourrais être tentée, chers collègues, de vous demander de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, en insistant pour que le gouvernement reconsidère notre amendement, je ne crois franchement pas que la Chambre soit encline à céder sur ce point. C’est bien dommage. En outre, je ne pense pas que renvoyer cet amendement d’une Chambre à l’autre changera quoi que ce soit.

Je suis fière du travail que nous avons accompli sur cette mesure législative, et je crois qu’il a permis de l’améliorer considérablement. Au bout du compte, je ne pense pas que je peux voter en faveur de son adoption, mais je tiens à remercier aujourd’hui tous les créateurs indépendants de contenu numérique — les animateurs, les cinéastes, les musiciens, les comédiens, les journalistes et les commentateurs — qui ont dénoncé de manière si réfléchie cet aspect du projet de loi. Vous contribuez grandement à notre pays et à notre culture. Je vais continuer de me battre pour que vos droits et votre indépendance soient respectés dans les règlements du gouvernement et par le CRTC. Nous avons besoin de votre vision et de votre voix dans notre milieu médiatique. Je vous remercie de ce que vous donnez au Canada et au reste du monde. Merci d’être des ambassadeurs de tout ce qui est canadien et des multiples facettes de notre identité nationale. Vous êtes avant-gardistes et j’espère que, avec le temps, le reste du monde vous rattrapera.

Merci. Hiy hiy.

Les travaux du Sénat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, comme il est 17 h 15, je dois interrompre les délibérations, conformément à l’article 9-6 du Règlement. La sonnerie se fera entendre afin de convoquer les sénateurs au vote reporté à 17 h 30 concernant la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi sur les nouvelles en ligne

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Harder, c.p., propose, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare :

Que le projet de loi C-18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada, soit lu pour la deuxième fois.

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :

POUR
Les honorables sénateurs

Anderson Hartling
Arnot Klyne
Audette Kutcher
Bellemare LaBoucane-Benson
Bernard Loffreda
Black Marwah
Boehm Massicotte
Boniface McCallum
Bovey McPhedran
Boyer Mégie
Busson Miville-Dechêne
Cardozo Moncion
Clement Moodie
Cordy Omidvar
Coyle Osler
Dagenais Pate
Dalphond Patterson (Nunavut)
Dasko Petitclerc
Deacon (Nouvelle-Écosse) Quinn
Deacon (Ontario) Ravalia
Dean Ringuette
Downe Saint-Germain
Duncan Shugart
Dupuis Smith
Francis Sorensen
Gagné Tannas
Gerba Verner
Gignac Wallin
Gold Woo
Greenwood Yussuff—61
Harder

CONTRE
Les honorables sénateurs

Batters Martin
Boisvenu Mockler
Carignan Oh
Housakos Plett
MacDonald Richards
Manning Seidman
Marshall Wells—14

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

Simons—1

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

Projet de loi sur la diffusion continue en ligne

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Ajournement du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :

a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;

b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;

Que le Sénat prenne acte de l’intention déclarée du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui à propos du message reçu de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-11, Loi sur la diffusion continue en ligne. Je serai très brève.

Chers collègues, il est rare qu’un projet de loi d’initiative ministérielle nous revienne sous forme de message, et qu’il fasse l’objet d’un examen, d’une analyse et d’une modification aussi vastes que ce dont le projet de loi C-11 a fait l’objet.

Le processus d’examen de ce projet de loi au Sénat, et plus particulièrement au sein du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, a été aussi rigoureux que l’on pouvait l’espérer. Le comité a tenu 31 réunions, entendu 138 témoins et reçu 67 mémoires pour le projet de loi C-11. Pratiquement toutes les personnes au pays intéressées par ce projet de loi ont été invitées à témoigner devant le comité.

Le comité s’est réuni neuf fois pour l’étude article par article, ce qui constitue un nombre record de réunions de ce type. Au total, 73 amendements portant sur un très large éventail de sujets ont été présentés au comité, et 26 ont été adoptés.

(1740)

Selon moi, honorables collègues, il est évident que nous avons fait notre travail, et il ne fait aucun doute que nous l’avons fait avec rigueur et diligence. Je suis très fière d’avoir participé à ce processus, et je remercie tous mes collègues de leurs contributions. Je remercie également tous ceux qui sont venus témoigner.

J’aimerais maintenant parler très brièvement des choix du gouvernement à l’égard des amendements du Sénat. Comme nous le savons, la Chambre des communes a décidé, sur recommandation du ministre, de se prononcer sur une motion visant à accepter 18 des 26 amendements et à modifier légèrement 2 autres amendements. Ces amendements ont été acceptés par la majorité des députés, à 202 voix contre 117.

Les 18 amendements ainsi que les 2 amendements modifiés que l’autre endroit a acceptés sont substantiels et considérables. Je suis convaincue que tous nos amendements ont été étudiés correctement. J’ai appuyé l’amendement sur le contenu généré par les utilisateurs que mes collègues ont mis de l’avant. J’ai jugé que c’était un bon compromis raisonnable et d’une façon très raisonnable de régler la question des activités visant le contenu généré par les utilisateurs. J’ai donc été déçue que le gouvernement rejette cet amendement.

Après la réception de cet avis le 7 mars 2023, j’ai discuté avec des fonctionnaires des raisons pour lesquelles cet amendement n’a pas été accepté, et je dois dire que je suis convaincue que les choix du gouvernement étaient fondés sur des considérations valables. Je souligne que la motion à l’étude aujourd’hui réitère que l’intention du projet de loi n’est pas de s’appliquer au contenu généré par les utilisateurs, et il est important de rappeler que toute décision concernant la réglementation du contenu généré par les utilisateurs fera l’objet d’un processus ouvert au sein du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, où, selon moi, toutes les personnes concernées auront vraiment leur mot à dire dans les décisions prises et les résultats.

Le ministre Rodriguez a mentionné récemment que, dans l’histoire du Canada, aucun autre projet de loi n’a été à l’étude plus longtemps au Sénat. Même le Globe and Mail a déclaré samedi dernier que le projet de loi C-11 est celui qui a été le plus débattu dans l’histoire du Sénat. Chers collègues, c’est formidable de marquer l’histoire du Sénat.

Nous avons apporté une énorme contribution et je suis d’avis qu’il est temps pour nous de passer à autre chose. Notre travail est terminé. Je vais voter en faveur du message et de la motion dont nous sommes saisis et j’espère que vous ferez de même.

Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi portant sur un conseil national de réconciliation

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Audette, appuyée par l’honorable sénatrice Mégie, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.

L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, je suis une fois de plus très heureuse de prendre la parole sur le territoire traditionnel de la nation algonquine anishinabe.

J’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-29, Loi portant sur un conseil national de réconciliation. Le conseil créé par ce projet de loi aurait le mandat de surveiller et d’évaluer les efforts de réconciliation du gouvernement fédéral et de l’ensemble de la société canadienne et d’en faire rapport; de souligner et de communiquer les pratiques exemplaires; de consulter les Canadiens dans le but de créer une meilleure compréhension générale de la réconciliation et d’être un catalyseur d’innovation et d’action.

Tout d’abord, j’aimerais remercier sincèrement la sénatrice Audette d’avoir parrainé cette mesure législative et mis à profit son expérience à titre d’ancienne commissaire de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Comme elle l’a dit dans ses observations lorsque nous avons reçu ce projet de loi en décembre dernier :

[...] ce projet de loi est plus que nécessaire; c’est un pas vers la guérison et la réparation.

[...] le projet de loi C-29 nous donne l’occasion de poser le premier montant du shaputuan — la grande tente des Innus — ou de faire un pas vers notre responsabilité collective.

Je suis d’accord au sujet de l’importance et du potentiel du projet de loi C-29. Il s’inscrit dans un contexte d’entités et d’organismes axés sur la réconciliation qui visent à rendre la vie plus facile sur son territoire innu, sur mon bien-aimé territoire du Traité no 6, ici, sur les terres du peuple algonquin anishinabe, et pour les Autochtones et les non-Autochtones d’un bout à l’autre du pays.

Je remercie également les autres sénateurs qui ont contribué au débat sur le projet de loi jusqu’à présent, notamment les sénatrices Dupuis, McCallum et Anderson et le sénateur Patterson. Il ne fait aucun doute que nous partageons tous l’objectif de voir à ce que la réconciliation ne soit pas seulement un mot, mais une description précise de la façon dont nous vivons, dont nous guérissons et dont nous construisons l’avenir ensemble.

Au cours de notre débat, nous avons entendu des préoccupations concernant certains éléments précis du projet de loi, tels que la composition et le mode de financement du Conseil national de réconciliation. Ce sont des questions importantes, sénateurs, que j’ai hâte d’approfondir au sein du Comité des peuples autochtones.

L’objectif principal de mes observations aujourd’hui est d’aborder la question de la genèse du projet de loi et du processus de consultation et d’engagement qui a précédé sa présentation.

Il y a quelques semaines, nous avons entendu la sénatrice Anderson dire que le processus comportait de graves lacunes, au point où nous ne devrions peut-être pas faire avancer le projet de loi C-29 au-delà de la deuxième lecture, du moins pour un certain temps.

J’ai un point de vue différent. D’ailleurs, les chefs autochtones sont en désaccord les uns avec les autres depuis des temps immémoriaux, il n’est donc pas surprenant que les Autochtones du Sénat aient également des points de vue différents sur des projets de loi importants. Je pense que ces désaccords font partie d’un débat sain qui aboutit à un bon projet de loi.

À mon avis, le projet de loi C-29 est le fruit d’années d’efforts menés par les Autochtones, à commencer par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Cette commission, sous la direction de notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair, a passé des années à parcourir le Canada, a entendu plus de 6 500 témoins — dont la plupart étaient des survivants des pensionnats — et a lancé 94 appels à l’action.

Ces appels à l’action comprennent les appels à l’action nos 53 à 56, qui préconisent la création d’un conseil national de réconciliation et formulent des recommandations sur la manière dont il devrait être doté en ressources et dont les différents pouvoirs publics pourraient interagir avec lui. Il ne suffirait certainement pas de passer directement de l’appel à l’action de la Commission de vérité et réconciliation à une loi. Un processus d’engagement est nécessaire pour passer du point A au point B, et je suis sur le point d’aborder le sujet, mais je pense qu’il est important de garder le contexte à l’esprit.

L’idée du conseil national de réconciliation n’a pas été imaginée lors d’un remue-méninges dans une salle de conférence rue Wellington. Elle est issue des travaux de la Commission de vérité et réconciliation.

Ensuite, en 2017, le gouvernement a créé un conseil d’administration provisoire composé de dirigeants autochtones, inuits et métis pour conseiller la ministre sur la manière de traduire l’idée de la Commission de vérité et réconciliation en un projet de loi et, ultimement, comment aboutir à un conseil qui fonctionne. Parmi les membres du conseil provisoire, il y avait des personnes qui avaient une expérience des gouvernements autochtones, comme Wilton Littlechild, ancien grand chef du traité 6; de l’action communautaire, comme la militante autochtone québécoise de longue date Édith Cloutier; du développement économique, comme Clint Davis, Inuk qui a été le PDG du Conseil canadien pour le commerce autochtone; et du droit des droits autochtones, comme l’avocat métis Jean Teillet.

En plus de mettre à profit leur propre expertise, le conseil intérimaire a créé un mécanisme en ligne pour accepter des mémoires écrits sur la façon dont le conseil national de réconciliation devait être constitué. Le conseil intérimaire a organisé une énorme session de consultation en avril 2018 auprès de dizaines de participants autochtones et non autochtones de partout au pays, provenant de divers milieux et possédant diverses expériences et connaissances.

Parmi les participants, il y avait Melanie Omeniho, présidente des Femmes Michif Otipemisiwak; Jocelyn Formsma, membre du conseil de l’Association du Barreau autochtone et PDG de l’Association nationale des centres d’amitié; Maggie Emudluk Sr, présidente de la Nunavik Langholding Corporations Association; Harold Robinson, avocat métis et médiateur de la Commission canadienne des droits de la personne; Stephen Kakfwi, ancien premier ministre des Territoires-du-Nord-Ouest et survivant des pensionnats autochtones; l’aînée Claudette Commanda, première chancelière autochtone de l’Université d’Ottawa.

Quelques mois après cette séance de consultation, plus tard, en 2018, le conseil provisoire a remis à la ministre un rapport qui a servi de fondement au projet de loi dont nous sommes saisis. À l’époque, ce rapport a été transmis à l’Assemblée des Premières Nations, à l’Inuit Tapiriit Kanatami et au Ralliement national des Métis. En février dernier, chers collègues, ce rapport vous a été transmis, ainsi qu’un résumé de la séance de consultation d’avril 2018.

L’une des recommandations contenues dans le rapport visait la création d’un comité de transition dirigé par des Autochtones afin d’effectuer des consultations plus ciblées et plus techniques, et pour examiner l’ébauche du cadre juridique qui serait élaborée par le gouvernement. Essentiellement, le premier organisme — le conseil intérimaire — a formulé des recommandations conceptuelles à l’avance et a élaboré une première ébauche du projet de loi, tandis que le deuxième organisme — le comité de transition — a eu pour mission d’effectuer le travail plus technique et détaillé de révision du langage législatif au fur et à mesure que le texte était peaufiné.

(1750)

Le comité de transition a été nommé en janvier 2021, avec certains membres reconduits du conseil intérimaire, ainsi que quelques nouveaux membres nommés. Au début de l’année, le Sénat a eu l’occasion d’entendre plusieurs d’entre eux : Edith Cloutier, que j’ai mentionnée plus tôt; Rosemary Cooper, de Pauktuutit Inuit Women of Canada; Mitch Case, de la Nation métisse de l’Ontario; et Mike DeGagné, ancien président de l’Université Nipissing et de l’Université du Yukon et ancien PDG de la Fondation autochtone de guérison.

Le comité de transition a remis son rapport définitif au ministre en mars 2022. Le ministre a ensuite discuté du projet de loi avec les dirigeants de l’Assemblée des Premières Nations, du Ralliement national des Métis et de l’Inuit Tapiriit Kanatami au début du mois de mai. Le projet de loi C-29 a été présenté à la fin du mois de juin.

Voilà donc le processus qui nous a menés de l’idée lancée par la Commission de vérité et de réconciliation à l’introduction du projet de loi au printemps dernier. D’autres consultations sont prévues, comme l’exige le paragraphe 13(2) du projet de loi, qui indique :

[...] le Conseil consulte diverses personnes possédant des connaissances, une expertise ou une expérience pertinentes, notamment des aînés, des survivants des politiques discriminatoires et assimilationnistes du gouvernement du Canada et des juristes autochtones.

Le gouvernement a délibérément évité d’être trop rigide sur les détails du fonctionnement du conseil, laissant une grande marge de manœuvre au conseil lui-même pour s’engager plus avant avec les individus et les organisations au fur et à mesure qu’il élabore ses méthodes et ses procédures, et détermine ses champs d’action. Néanmoins, il est certainement légitime de penser que les consultations menées jusqu’à présent auraient dû être plus approfondies, qu’il aurait fallu ratisser plus large, ou qu’un plus grand nombre de personnes ou des personnes différentes auraient dû participer d’une manière plus ou moins importante.

Toutefois, je n’accepte pas que le processus que j’ai décrit puisse être qualifié de « peu sérieux ». Au contraire, ce projet de loi est le fruit d’un travail considérable réalisé par des personnalités autochtones remarquables, crédibles et éminentes — des membres des Premières Nations, des Inuits et des Métis qui ont des moyens d’action. Il s’agit de dirigeants autochtones dotés d’une expérience et d’une expertise considérables. Nous leur devons le respect en envoyant ce projet de loi au comité, en les invitant à témoigner et en nous engageant à examiner consciencieusement le produit de leur travail.

En parlant de respect, la marraine du projet de loi C-29 dans notre chambre est aussi une cheffe autochtone remarquable, crédible et éminente qui n’est pas vraiment une novice en matière d’engagement avec les peuples et les organisations autochtones. Cela ne veut pas dire que nous devons tous être d’accord avec la sénatrice Audette ou voter comme elle le voudrait — même si je suis sûr qu’elle le souhaiterait — mais j’espère que cela signifie que notre approche collective à l’égard de ce projet de loi sera studieuse, réfléchie et dépourvue de dérision.

Il importe aussi de nous rappeler que nous ne sommes pas le premier point de contact du projet de loi C-29 avec le Parlement du Canada. Il y a quelques semaines, le sénateur Tannas a soulevé l’exemple de l’ancien projet de loi S-3, que le Sénat a retenu au comité pendant plusieurs mois en 2016 et 2017 pendant que le gouvernement menait des consultations supplémentaires. Il s’agissait toutefois d’un projet de loi présenté au Sénat avant que les députés de l’autre endroit aient eu la chance de se prononcer.

Dans le cas présent, la mesure législative a déjà été étudiée et adoptée par nos collègues à quelques coins de rue. Leur Comité des affaires autochtones et du Nord a tenu huit réunions sur le sujet à l’automne dernier. Il a entendu 38 témoins et apporté plusieurs amendements. Au bout du compte, les députés de tous les partis ont appuyé cette mesure législative à l’unanimité, y compris les députés des Premières Nations, inuits et métis suivants : Lori Idlout, du Nunavut, Michael McLeod, des Territoires du Nord-Ouest, Jaime Battiste, de la Nouvelle-Écosse, Marc Dalton, de la Colombie-Britannique, Leah Gazan, de Winnipeg, et Blake Desjarlais — un ami —, d’Edmonton.

Cet appui ne signifie pas que nous sommes obligés de mettre de côté les préoccupations que nous pouvons avoir. Ce n’est absolument pas le cas, bien au contraire. Il est temps maintenant de soumettre la mesure législative à l’examen du Sénat. Toutefois, lorsque les représentants élus, après avoir mené une étude en profondeur, nous renvoient un projet de loi qu’ils considèrent tous comme digne d’être appuyé, notre travail est — à tout le moins — de le renvoyer au comité pour mener notre propre étude en profondeur.

Au comité, nous entendrons indubitablement des témoignages de la part des architectes et des partisans du projet de loi, ainsi que de ses détracteurs et des gens ayant des questions à son sujet. Je suis impatiente d’entendre tous ces témoins et de leur poser moi-même quelques questions, y compris sur le processus de consultation. J’ai aussi hâte d’analyser le projet de loi C-29 en détail, en tenant compte de leur rétroaction.

L’étude en comité permettra aux voix des Autochtones d’être entendues encore une fois, à divers points de vue d’être pris en considération, et aux sénateurs de déterminer s’il y a des améliorations à apporter au projet de loi. C’est au cœur du rôle institutionnel du Sénat, qui doit servir de Chambre complémentaire dans le parcours législatif de ce projet de loi.

Je ne me fais pas d’illusions : un seul projet de loi ne permettra pas de parvenir à la réconciliation. Cependant, au cours des dernières années, nous avons eu l’occasion d’appuyer des projets de loi sur les langues autochtones, la protection de l’enfance et la gestion des terres; des projets de loi s’attaquant à la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale; des projets de loi mettant en œuvre des ententes sur l’autonomie gouvernementale; et, bien sûr, le projet de loi C-15 concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

À mon avis, le projet de loi C-29 est un élément important de cette série de mesures législatives, à laquelle viendra s’ajouter de nombreuses autres initiatives.

Encore une fois, je remercie la sénatrice Audette d’avoir parrainé ce projet de loi, ainsi que tous les sénateurs ayant participé au débat. Même quand nous sommes en désaccord sur certaines mesures législatives, je sais que nous souhaitons tous parvenir à une réconciliation véritable et efficace.

Dans cet esprit, j’espère que l’étude du projet de loi C-29 par le comité pourra commencer bientôt.

Hiy hiy.

L’honorable Dennis Glen Patterson : J’aimerais poser une brève question à la sénatrice LaBoucane-Benson.

Merci pour votre discours.

Avez-vous un commentaire à faire sur l’importance de l’organisation respectée qui représente les Inuits du Canada, c’est-à-dire l’ITK, qui a rejeté ce projet de loi parce qu’il porte préjudice aux Inuits du Canada?

La sénatrice LaBoucane-Benson : Merci pour votre question.

Je ne sais pas s’ils l’ont rejeté parce qu’il porte préjudice. Je sais que Natan Obed a exprimé des réserves. J’ai hâte d’entendre son témoignage au comité et d’avoir une discussion approfondie sur le projet de loi et sur ses réserves. Je pense que j’aurai plus de choses à dire à ce sujet après l’étude en comité.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il nous reste moins d’une minute avant 18 heures, et je me sens mal à l’aise de demander à un sénateur de commencer un discours que je devrai interrompre dans une minute.

En conséquence, avec la permission du Sénat et conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure? J’ai entendu un « non ». Nous allons donc suspendre la séance jusqu’à 20 heures. Il en est ainsi ordonné.

(La séance du Sénat est suspendue.)

(Le Sénat reprend sa séance.)

(2000)

Le discours du Trône

Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Mary May Simon, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, en novembre 2021, quand la gouverneure générale Mary May Simon a prononcé son premier discours du Trône, elle nous a lu ces paroles émouvantes :

Lorsqu’une personne, dans notre pays, est ciblée en raison de son genre, de la personne qu’elle aime, de son origine, de la façon dont elle prie, de la langue qu’elle parle ou de la couleur de sa peau, nous sommes tous affaiblis.

Elle a par la suite souligné l’engagement du gouvernement à défendre les communautés LGBTQ2, un engagement qui semble encore plus urgent aujourd’hui, une année et demie plus tard, alors que nous constatons une montée de la haine à l’égard des personnes transgenres chez nous, sous l’influence de ce qui se passe aux États-Unis.

C’est dans ce contexte que je prends la parole — en ce jour de Yom ha-Choah — pour célébrer l’une des victoires les plus importantes en matière de droits de la personne dans l’histoire canadienne et pour saluer le courage des Edmontoniens courageux qui l’ont rendue possible.

Ce mois-ci marque le 25e anniversaire de l’arrêt Vriend, où la Cour suprême du Canada a ajouté l’orientation sexuelle aux droits protégés par la Charte.

En 1991, Delwin Vriend, qui était moniteur de laboratoire au Collège King’s, à Edmonton, a été congédié parce qu’il était homosexuel. Âgé de 25 ans, ce jeune homme tranquille et réfléchi aimait les mathématiques et les sciences. Il avait grandi dans une famille chrétienne réformiste aimante et pratiquante qui l’acceptait inconditionnellement. Le conseil d’administration du Collège King’s, par contre, n’était pas aussi ouvert d’esprit.

Après son congédiement, M. Vriend a porté plainte auprès de la Commission des droits de la personne de l’Alberta. À l’époque, l’Alberta était l’une des deux seules provinces à n’avoir pas ajouté la protection contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle à ses lois sur les droits de la personne. Par conséquent, la Commission des droits de la personne de l’Alberta a répondu à Delwin Vriend qu’elle ne pouvait rien faire pour lui.

Il s’est alors adressé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, qui lui a donné raison. La juge Anne Russell a conclu que la loi sur les droits de la personne de l’Alberta était inconstitutionnelle. Elle a qualifié le refus de la province d’y ajouter l’orientation sexuelle de « limitation législative qui mine le principe même qu’elle est censée incarner ».

Le gouvernement de l’Alberta a interjeté appel à son tour. La communauté LGBTQ d’Edmonton s’est ralliée derrière Delwin Vriend, tout comme un petit groupe de courageux avocats d’Edmonton dirigé par Sheila Greckol et Doug Stollery, qui ont porté l’affaire devant la Cour d’appel de l’Alberta.

Par un étrange hasard de l’histoire, le comité de la Cour d’appel de l’Alberta qui a entendu l’affaire était présidé par le juge John McClung, petit-fils de Nellie McClung, suffragette et membre des Célèbres cinq à l’origine de l’affaire « personne », qui a permis de déterminer que les femmes avaient le droit de siéger au Sénat et d’établir le principe juridique selon lequel la Constitution du Canada est un arbre vivant — pour reprendre les paroles immortelles de lord Sankey —, « un arbre vivant capable de croissance et d’expansion à l’intérieur des limites naturelles ».

Cependant, le juge McClung n’était pas un adepte de principe et il n’était pas non plus convaincu par la Charte. En effet, alors que Sheila Greckol, l’avocate principale de Delwin Vriend, s’adressait à la Cour, le juge McClung a pivoté sur sa chaise pour lui tourner le dos pendant qu’elle parlait, et le jugement qu’il a écrit dans cette affaire dégouline de mépris et de condescendance.

L’Assemblée législative de l’Alberta, a-t-il écrit, « n’a pas à être [régie] par des juges nommés par le gouvernement fédéral et brandissant la Charte ».

Le rôle des assemblées législatives, écrit le juge McClung, n’est pas de s’immiscer dans chaque « controverse sociale moralement éruptive » ni de choisir entre ce qu’il appelle « la droite divinement guidée et la gauche grisée de droits qui se moque des considérations financières ».

Le juge McClung a également écrit :

Je ne peux conclure qu’il était interdit à la province de l’Alberta — et encore moins qu’il faut infirmer sa décision — de refuser d’entériner les relations homosexuelles, y compris la sodomie [...]

Mais Delwin Vriend n’a pas abandonné, et Me Greckol, Me Stollery et leur équipe ont refusé d’abandonner. Ils ont interjeté appel, une démarche financée en grande partie par les parents de Doug Stollery, Bob et Shirley Stollery, des philanthropes d’Edmonton bien connus dont un hôpital pour enfants de la ville porte le nom.

L’équipe de M. Vriend a réuni d’autres alliés juridiques puissants. Tous, du Congrès du travail du Canada au Congrès juif canadien, en passant par L’Église Unie du Canada, ont accepté d’intervenir en faveur de Delwin Vriend.

Julie Lloyd, qui est aujourd’hui juge au tribunal de la famille de l’Alberta, était à l’époque une jeune avocate et l’une des premières avocates ouvertement lesbiennes en Alberta. Ce jour-là, elle représentait l’Association du Barreau canadien à la Cour suprême.

Me Lloyd m’a dit ceci :

Cela reste l’une des expériences les plus bouleversantes de ma vie. Tout a basculé. On pouvait voir le changement. Tous les arguments ridicules invoqués pour justifier la discrimination contre les gais et les lesbiennes ont commencé à s’estomper. Ils sont partis en fumée à la lumière de la Cour suprême. Chacun des arguments s’est révélé spécieux, moralisateur, alarmiste et tout simplement faux. Ils se sont effondrés comme un château de cartes.

Ce jour-là, tout le monde s’attendait à ce que Sheila Greckol présente le plaidoyer final, car elle était une avocate chevronnée. Cependant, au tout dernier moment, elle a insisté que Doug Stollery, un avocat à la voix posée qui n’avait pratiquement aucune expérience en salle d’audience, prenne la parole au nom de M. Vriend — et, en tant qu’homosexuel, en son nom propre.

Des années plus tard, Me Stollery m’a dit ceci :

Je me rappelle que, lorsque le moment est venu de présenter le plaidoyer, j’aurais dû être nerveux, mais tout ce que j’espérais, c’était de ne pas pleurer. Je n’ai d’ailleurs pas pleuré, mais de justesse.

Puis, le 2 avril 1998, la Cour suprême du Canada a déclaré que le fait que l’orientation sexuelle n’ait pas été inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés au moment de sa rédaction, en 1982, n’avait aucune importance. Elle a estimé que l’orientation sexuelle était un motif analogue à la race, au sexe ou à la religion.

Dans leur décision unanime, les juges ont fait valoir que notre Constitution était toujours comme un arbre vivant que nous, les Canadiens, avions cultivé pour en arriver au point de rendre inconstitutionnelle toute discrimination envers les Canadiens LGBTQ. La cour est allée plus loin en jugeant cette protection implicite dans la Charte et la loi sur les droits de la personne de l’Alberta.

En Alberta, cela a déchaîné un torrent de haine. C’était effrayant. Dans la foulée de cette décision, le premier ministre Ralph Klein a subi d’énormes pressions, y compris de son propre caucus, pour qu’il invoque la disposition de dérogation afin que l’homophobie demeure légale en Alberta.

Je me rappelle avoir fait un reportage à ce sujet pour l’Edmonton Journal, qui, sous la direction courageuse et le leadership moral de l’éditrice Linda Hughes et du rédacteur en chef Murdoch Davis, s’était vivement opposé à l’invocation de la disposition de dérogation. Les tensions étaient vives. À l’époque, nous n’avions ni Twitter, ni Facebook, ni TikTok, mais la ville et la province bouillonnaient de colère et d’impatience, en attendant de voir ce qui allait se passer.

Le premier ministre Klein a fini par s’opposer à certains éléments de droite de son parti, motivé notamment par un déferlement de lettres, de télécopies et d’appels homophobes à son bureau. On m’a dit qu’il avait été véritablement consterné par certains de ces messages haineux et qu’il n’avait aucune idée de la haine et de la discrimination dont les Albertains homosexuels étaient victimes.

Le fait que Fay Orr, l’une de ses plus proches conseillères politiques et confidentes, était une femme queer est cependant un autre drôle de hasard. Comme Ralph Klein avait une amie lesbienne, il a pu mettre un visage sur une décision politique et philosophique. La décision a donc été maintenue et a établi les droits des gais, des lesbiennes et des personnes bisexuelles, trans, non binaires et bispirituelles en Alberta et dans le reste du Canada. Tout le reste, du mariage entre conjoints de même sexe à l’interdiction des thérapies de conversion, découle de la décision Vriend.

Cette décision a également contribué à délimiter les pouvoirs et les droits de la Cour suprême en matière d’interprétation de la Charte canadienne des droits et libertés. Elle a aidé à redonner vie à la doctrine de l’arbre et à nous libérer de la tyrannie de la littéralité textuelle. Elle a donné aux tribunaux la permission d’interpréter la Constitution et la Charte en fonction de l’époque et de l’évolution des mœurs et de la culture sociales. Je dirais que, indirectement, l’arrêt Vriend a permis de montrer les limites concrètes de la disposition de dérogation et les risques moraux et politiques pour les politiciens qui seraient tentés d’y avoir recours. Par contre, l’arrêt Vriend n’a pas fait que changer le droit canadien. Je crois qu’il a changé profondément la façon dont M. et Mme Tout-le-Monde voient leurs amis, voisins et connaissances qui sont gais.

(2010)

Écrivant au nom de la Cour d’appel de l’Alberta, le juge John McClung s’est moqué de l’idée qu’une loi ou une décision de la cour puisse changer l’attitude du public, mais il s’est trompé là aussi.

Voici ce que Julie Lloyd m’a déjà dit :

L’arrêt Vriend a décidément jeté les jalons. Il accueille de manière retentissante les gais et les lesbiennes dans la société. Il a fallu éduquer les gens pour leur faire comprendre qu’on ne peut soumettre les droits d’une minorité vilipendée à un vote populaire. La seule façon de protéger les droits et les libertés garantis par la Charte et inscrits dans notre Constitution est de faire des instances juridiques les gardiens actifs de ces droits.

La décision et ses répercussions ont également changé le visage de l’Alberta. Sheila Greckol, que John McClung avait traitée de manière si scandaleuse, est elle-même devenue une juge respectée de la Cour d’appel. Doug Stollery est devenu recteur de l’Université de l’Alberta. Julie Lloyd, comme je l’ai mentionné, est devenue juge de la cour provinciale. Michael Phair, un activiste gai qui s’est battu avec ardeur pour défendre l’affaire Vriend depuis le tout début est devenu le premier conseiller municipal gai d’Edmonton. Ritu Khullar, qui était alors une jeune avocate spécialisée en droit du travail et qui est intervenue dans l’affaire Vriend au nom de l’Église unie est aujourd’hui la nouvelle juge en chef de l’Alberta. Oh, et le Collège King’s, devenu l’Université King’s, accueille maintenant ses propres activités pour célébrer la fierté gaie, organisées par son groupe d’étudiants SPEAK, qui signifie Sexuality, Pride and Equality Alliance at King’s, ou alliance de la sexualité, de la fierté et de l’égalité à l’Université King’s.

Les Albertains et les Canadiens doivent beaucoup aux efforts que Delwin Vriend a déployés avec humilité et courage pour défendre ses principes. Nous avons une statue de Nellie McClung et des autres femmes du groupe des Célèbres cinq tout près de cet édifice. On peut voir le portrait de Viola Desmond sur les billets de 10 $. Cependant, il n’y a pas de statue ni de portrait de Delwin Vriend, qui a défendu les droits de la personne de manière tout aussi héroïque. Il n’y voit probablement aucun inconvénient. Il n’a jamais cherché à se faire remarquer. Il a même tout fait pour éviter d’attirer l’attention sur lui. Il a quitté le Canada il y a plusieurs années afin de travailler comme informaticien, d’abord dans la Silicon Valley, puis à Paris. Delwin Vriend a toujours compris qu’il ne luttait pas que pour lui, mais pour nous tous :

Même pendant cette lutte, nous ne voyions pas cela seulement comme une lutte pour l’inclusion des gens de diverses orientations sexuelles. C’était tellement plus que cela. La décision dit qu’on ne peut pas exclure les gens. Cela veut dire que tous les Canadiens sont égaux et qu’il faut les inclure.

Vingt-cinq ans plus tard, lorsque nous voyons encore une montée des réactions hostiles à l’égard des droits des personnes homosexuelles et des personnes transgenres partout sur le continent, lorsque nous voyons l’horrible persécution de la part des gouvernements de pays comme la Hongrie, l’Ouganda et l’Afghanistan, lorsque nous voyons des pays comme l’Italie limiter les droits des membres de la communauté LGBTQ, nous ne devons jamais oublier que l’arrêt Vriend portait essentiellement sur la reconnaissance de la dignité, de l’humanité et des droits civiques des Canadiens homosexuels.

En ce vingt-cinquième anniversaire, alors que nous avons récemment vu des manifestants haineux faire le piquet devant des spectacles de drag queens en Colombie-Britannique et des brutes homophobes klaxonner dans les rues d’Ottawa et menacer les commissaires d’école d’Ottawa, je voudrais vous laisser, chers collègues du Sénat, avec ces mots de mon amie, la juge Julie :

C’est le devoir des citoyens de surveiller leur gouvernement. C’est le devoir des citoyens de faire les choses, même quand c’est difficile. La Constitution ne se concrétise pas toute seule. Nous devons le faire nous-mêmes.

En tant que sénateurs, nous avons le devoir de surveiller le gouvernement et de lui demander des comptes, de protéger la Constitution et la Charte, de nous ériger en rempart contre la tyrannie de la majorité et de défendre les droits des Canadiens, même, et surtout, lorsque c’est impopulaire. Il est particulièrement important de s’en souvenir aujourd’hui, à l’occasion du Yom ha-Choah, la journée de commémoration de l’Holocauste, où nous nous souvenons des 6 millions de Juifs morts à cause de la haine qui s’est déchaînée, ainsi que des milliers d’homosexuels persécutés, emprisonnés et assassinés par le régime nazi pétri de haine.

En ce 25e anniversaire, je tiens à remercier tous ces remarquables habitants d’Edmonton qui se sont battus avec tant d’acharnement, de courage et de succès en faveur de l’égalité et de la justice pour tous les Canadiens. En outre, je souhaite également demander aux sénateurs de faire tout ce qu’ils peuvent pour veiller à ce que le gouvernement tienne les promesses contenues dans son propre discours du Trône et continue à faire du Canada un symbole des droits des homosexuels et des droits de la personne en général dans le monde entier. Nous sommes tous les gardiens et les jardiniers de l’arbre vivant qu’est notre constitution. Nous devons veiller à l’entretenir et à la protéger.

Merci et hiy hiy.

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant le Code criminel et une autre loi en conséquence (mise en liberté provisoire et engagement en cas de violence familiale), tel que modifié.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que porte-parole concernant le projet de loi S-205. Sénateur Boisvenu, depuis l’horreur du meurtre épouvantable de votre fille, vous avez fait tout votre possible pour veiller à ce que ces questions demeurent au cœur de nos discussions et pour protéger les droits et les intérêts des victimes. Pour cela, tous les sénateurs vous saluent et vous remercient de votre travail.

Comme vous, la plupart d’entre nous veulent appuyer les efforts visant à combattre et à prévenir la violence faite aux femmes, notamment la violence contre un partenaire intime. Par conséquent, l’impulsion d’appuyer des projets de loi comme celui-ci — ainsi que d’autres — est forte, et sincèrement motivée par une compassion et un souci extrêmes. Malheureusement, je dois dire que le projet de loi S-205 propose des modifications législatives qui, si elles sont mises en œuvre, ne fourniraient guère plus que des promesses de mesures législatives et des interventions incomplètes, inadéquates et inefficaces, créant un faux sentiment de sécurité très dangereux pour beaucoup trop de personnes qui sont déjà vulnérables et victimisées.

Comme l’ont dit de nombreux témoins au Comité des affaires juridiques, les dispositions proposées seraient difficiles, sinon impossibles, à appliquer dans la plupart des régions du Canada. C’est parce que le principal problème pour la plupart des femmes est que des attitudes misogynes font en sorte que trop souvent, personne ne les croit quand elles allèguent avoir été maltraitées. De surcroît, les services à large bande inadéquats et l’équipement de surveillance électronique peu fiable et très cher pourraient avoir comme conséquence de détourner des ressources dont on a grandement besoin pour prévenir et combattre la violence faite aux femmes.

En effet, comme l’a récemment souligné la Commission des pertes massives dans la partie C de son rapport final, il y a un échec collectif et systémique pour protéger les femmes.

Il y est aussi indiqué que :

Une épidémie de violence faite aux femmes, de violence entre partenaires intimes et de violence familiale fait rage. Comme la pandémie de COVID-19, il s’agit d’une urgence de santé publique qui requiert une réponse concrète à l’échelle de la société.

Il paraît que ce projet de loi a pratiquement été rédigé par des survivantes, et je n’ai aucun doute là-dessus. Pourtant, comme nombre d’entre vous le savent parce que vous faites ce travail depuis des décennies, dans un contexte où très peu d’aide a été offerte aux survivantes au fil des années, si l’on se fie aux témoignages entendus, il ne faut pas être surpris de les voir applaudir toute action qui semble leur être favorable, peu importe si elle est inadéquate.

La surveillance électronique est offerte comme une solution aux victimes et aux survivantes de violence entre partenaires intimes qui ont désespérément besoin de tout ce qui peut les aider à retrouver un sentiment de sécurité. Cela correspond à une tendance qui dure depuis longtemps où l’on offre moins que ce qui est nécessaire pour aider et protéger les personnes les plus vulnérables et marginalisées. Au lieu de prendre des mesures inadéquates et inefficaces, le temps n’est-il pas venu que nous décidions de nous attaquer à la source de cette vulnérabilité et de cette marginalisation plutôt que de continuer à adopter des lois déficientes, qui contribuent malencontreusement à ce que la violence persiste impunément?

Chers collègues, les principaux problèmes du projet de loi sont que, premièrement, la surveillance électronique est présentée comme un outil efficace qui empêcherait la violence contre les femmes, alors qu’en fait, les données montrent plutôt le contraire. La surveillance électronique s’est avérée peu fiable, peu cohérente et peu efficace pour s’attaquer aux causes de la violence contre les femmes.

Comme nous l’a rappelé plus tôt le sénateur Boisvenu en parlant de la Commission des pertes massives, nous avons besoin de mesures urgentes et exhaustives de la part du gouvernement pour combattre la violence entre partenaires intimes, pour y mettre fin et pour la prévenir. Malheureusement, les mesures que propose le projet de loi sont superflues et risquent de n’être qu’une distraction. Elles détourneraient des ressources cruellement nécessaires qui pourraient être consacrées à des services et des interventions s’étant révélés à maintes reprises plus efficaces pour prévenir la violence contre les femmes.

(2020)

Le projet de loi S-205 met l’accent sur l’utilisation de dispositifs de surveillance à distance pour les hommes qui ont commis des actes de violence contre des femmes. Il prévoit le recours à ces dispositifs lorsque les individus ne sont pas en détention comme moyen d’assurer la sécurité des femmes. Cependant, le projet de loi S-205 ne fait pas ce qu’il faut pour s’attaquer au tissu de la misogynie, du racisme et des préjugés de classe qui alimente la violence faite aux femmes et qui est entretenu par les systèmes de justice criminelle et pénale.

Le projet de loi S-205 ne s’attaque pas aux inégalités économiques, sociales, raciales et de genre qui condamnent les femmes à être victimes de violence, de pauvreté et de racisme. Il ne cherche pas non plus à démanteler les valeurs et les attitudes qui renforcent ces inégalités. La hausse marquée à l’échelle mondiale de la violence contre les femmes et des féminicides pendant la pandémie de COVID-19 montre une corrélation claire et directe entre les pressions socioéconomiques et la violence contre les femmes et à caractère racial. Il faut plutôt privilégier les investissements dans les services et les méthodes qui apportent sécurité et soutien.

La violence physique n’est qu’un aspect d’un ensemble plus vaste de comportements coercitifs et contrôlants. Les stratégies utilisées contre les femmes comprennent l’intimidation, l’isolement et le contrôle, et ce sont de meilleurs facteurs prédictifs des homicides commis contre un partenaire intime que la gravité ou la fréquence des violences physiques.

Les messages sociaux et culturels qui privilégient les idées et les attitudes patriarcales ainsi que l’hyperresponsabilisation des femmes dès l’enfance afin qu’elles se considèrent comme responsables de la prévention des agressions dont elles pourraient être victimes — en plus des comportements qui contrôlent, isolent ou intimident les femmes par des moyens émotionnels, physiques, sociaux ou financiers, l’abus des inégalités ou souvent une combinaison de ces éléments — contribuent à une sous-déclaration flagrante de la violence contre les femmes.

Lorsqu’on offre seulement un modèle d’application de mesures pénales aux femmes, notamment lorsqu’elles n’ont connu que des réponses inadéquates pendant des millénaires, on ne devrait pas s’étonner qu’elles acceptent de saisir la seule option qui s’offre, au lieu de privilégier des approches globales efficaces qui sont nécessaires pour s’attaquer à la violence faite aux femmes. Il s’agit d’un cas où le caractère inadéquat des options donne l’illusion d’un choix et d’une sécurité qui ne sont justement que cela : des apparences illusoires.

Plutôt que de répéter les questions que j’ai soulevées à l’étape de la deuxième lecture, permettez-moi de vous faire part des points de vue des témoins, en particulier des groupes de femmes, de la police et des organisations juridiques qui ont comparu devant le comité au sujet du projet de loi.

Rosel Kim, du Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, nous a rappelé que la surveillance électronique existe déjà en tant qu’option que les juges peuvent l’imposer comme condition de mise en liberté sous caution. Cette mesure fait déjà partie de notre législation. Elle fait également partie de nos options en matière de condamnation, de probation et de libération conditionnelle. Bien qu’elle puisse aider les gens à se sentir plus en sécurité et protéger certaines victimes, la surveillance électronique peut être inefficace, voire nuisible, en particulier pour les victimes noires, autochtones et racialisées.

Pour les victimes vivant dans des régions rurales et des collectivités isolées, y compris des communautés autochtones, les problèmes de connectivité et le manque d’accès aux services de géolocalisation réduisent l’efficacité de la surveillance. De nombreuses femmes fuyant la violence courent le risque d’être elles-mêmes placées sous surveillance électronique. En outre, la surveillance électronique est coûteuse. En Ontario, les dispositifs de surveillance électronique coûtent entre 400 $ et 600 $ par mois. Le gouvernement du Québec a quant à lui prévu 41 millions de dollars pour mettre en œuvre son programme de bracelets électroniques.

Selon le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes :

Nous vivons à l’heure actuelle une situation de crise dans les refuges, et nous devons, dans l’ensemble du système, composer avec un manque criant de ressources. Selon moi, il faut d’abord dénicher ces ressources pouvant nous permettre d’apporter aux personnes survivantes l’aide dont elles ont tant besoin, avant d’envisager des solutions comme la surveillance électronique.

Le sénateur Boisvenu cite à juste titre l’expérience québécoise comme modèle, mais, comme l’a révélé la récente couverture médiatique de cette expérience, outre l’absence d’Internet ou de capacités policières dans de nombreuses localités rurales et éloignées, les survivantes sont confrontées à la difficulté supplémentaire de ne pas disposer des soutiens économiques et sociaux qui leur permettraient de se sortir d’une situation de violence. Les témoins nous ont exhortés à envisager de consacrer des ressources au soutien direct et donc à l’autonomisation des survivantes plutôt qu’à l’achat de matériel et d’infrastructures de surveillance électronique coûteux et inefficaces.

Alain Bartleman, de l’Association du Barreau autochtone, a dit :

[...] selon une étude réalisée en 2018, 21 % des femmes qui ont quitté le système des refuges au Québec estimaient ne pas avoir d’autre choix que de retourner chez elles, là où vivait leur agresseur.

Il a parlé des nombreuses communautés qu’il connaît et où il travaille, où il n’y a pas de connectivité cellulaire, et il a exprimé son inquiétude quant à la géolocalisation :

Je ne suis pas certain de la valeur qu’aurait un service de géolocalisation si l’emplacement de la personne n’avait une précision que d’environ un kilomètre et demi de rayon, ce qui pourrait couvrir la totalité de la réserve [...]

D’autres avocats et lui-même ont également fait part de leurs préoccupations concernant les fausses alertes créées :

[...] par exemple, les grands froids et les événements météorologiques extrêmes qui entraînent des pannes fréquentes de ces dispositifs de surveillance [...]

Il a donné des exemples où de telles situations entraînent des défaillances du matériel, comme le déchargement de batteries, ce qui déclenche une alerte dans le système et entraîne un stress supplémentaire pour les services de police qui manquent déjà de ressources financières et de personnel. C’est d’ailleurs ce que m’ont dit les agents de l’Association canadienne des policiers que j’ai eu le privilège de rencontrer cet après-midi.

Il a souligné que le fait d’exiger ou d’élargir l’utilisation des services de surveillance au sein des communautés autochtones, que ce soit dans le cadre d’une initiative provinciale ou d’une initiative fédérale, pourrait représenter une charge supplémentaire pour les services de police, ce qui pourrait limiter involontairement les ressources et empêcher les services de police de venir en aide aux victimes de violence familiale, de les protéger et d’intervenir auprès d’elles lorsqu’elles les appellent.

Il nous a également exhortés à faire en sorte que le gouvernement — plutôt que d’acheter des dispositifs de surveillance électronique —, affecte les quelque 400 $ que coûte chaque appareil à l’ouverture d’un plus grand nombre de refuges dans les communautés des Premières Nations, où le manque de logements n’est pas seulement un problème urgent, mais plutôt une crise ou une calamité. Il a déclaré :

Ce montant de 400 $ ne va peut-être pas assez loin. Je tiens cependant à souligner que dans de nombreux cas, la thérapie et les autres traitements liés aux troubles mentaux non résolus pourraient être facilités par l’octroi d’une subvention d’un montant de 400 $ pour l’accusé, bien franchement [...] je pense que cela pourrait contribuer à réduire, sinon la prévalence, du moins la gravité des difficultés que connaissent de nombreuses femmes et filles autochtones confrontées à la violence familiale.

Il ajoute :

Je vais surtout vous parler de la situation dans le contexte des Premières Nations. Pendant des siècles, nous avons été victimes de racisme systémique et de mauvais traitements qui ont atteint leur point culminant, dans bien des cas, avec les horreurs du système des pensionnats auxquelles on n’a que récemment mis un terme. C’est peut-être un lieu commun, mais il est vrai de dire que les gens qui souffrent vont à leur tour infliger de la souffrance.

Je dirais que rompre le cycle du traumatisme en rendant accessibles davantage de ressources, notamment en santé mentale, est sans doute la façon la plus efficace de prévenir la violence familiale, de préférence à la surveillance que l’on peut exercer sur les individus.

Daniel Brown, de la Criminal Lawyers’ Association, était du même avis et a ajouté que le projet de loi :

[...] n’est pas nécessaire, car notre système judiciaire dispose déjà des outils nécessaires [...]

Ce projet de loi va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour suprême [...] crée des obstacles pratiques insurmontables à la mise en œuvre [...] aura des conséquences disproportionnées sur les accusés racisés, autochtones, vulnérables et à faible revenu.

Il ajoute ensuite :

D’un point de vue pratique, il est pratiquement impossible de mettre en place la surveillance au moyen d’un bracelet porté à la cheville à ce stade précoce. Même lorsque nos clients ont les moyens de se faire imposer ces conditions, il faut des jours, parfois même des semaines, pour élaborer un tel plan et s’assurer qu’il est mis en œuvre.

De donner ainsi le pouvoir à la police d’imposer une condition aussi sévère, mais pas celui d’imposer une quelconque forme de supervision judiciaire, comme une caution, par exemple, est vraiment incohérent [...]

Sarah Niman, représentante de l’Association des femmes autochtones du Canada, a indiqué que :

L’AFAC apporte son soutien à la sécurité des femmes autochtones et défend cette cause au moyen de stratégies et de services [...] Pour prévenir la violence familiale et la violence entre partenaires intimes, le Canada ne doit pas compter sur des modifications législatives pour améliorer la situation des Autochtones victimes de violence. [Pour lutter] contre le racisme systémique [...]

Il est impératif de répondre aux 231 appels à la justice du rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et filles autochtones assassinées ou portées disparues.

Les dispositifs de surveillance électronique exposent davantage de personnes autochtones à des sanctions pénales croissantes plutôt que de s’attaquer à la cause profonde.

Elle poursuit en disant :

L’Association des femmes autochtones du Canada n’est pas en faveur de la surveillance électronique comme moyen de prévenir la violence entre partenaires intimes et entre conjoints.

Nous comprenons qu’au cours de l’élaboration de ce projet de loi, le sénateur Boisvenu a entendu directement des victimes se prononcer en faveur de la surveillance électronique, mais avec tout le respect qui est dû au sénateur et au travail qu’il effectue, là où les femmes autochtones composent un pourcentage élevé des victimes de violence familiale, ce n’est pas ce que demandent les femmes que nous représentons.

Elle a également ajouté :

Dans le cadre du travail de l’association et de l’enquête nationale, nous avons constaté que la police arrête souvent les deux parties quand elle est appelée dans une affaire de violence familiale, perpétuant ainsi la surreprésentation des femmes autochtones en milieu carcéral et dans le système de justice pénale [...]

Même si l’association cherche à protéger les droits des victimes, elle souhaite également éviter l’incarcération des Autochtones...

 — surtout des femmes autochtones —

[...]

D’après ce que l’Association des femmes autochtones du Canada sait au sujet des diverses raisons qui font hésiter les femmes à dénoncer la violence familiale […] peut-être [que l’agresseur est] le principal soutien de famille, peut-être qu’elles devraient alors quitter leur maison, ou souvent il y a des préoccupations culturelles, familiales et communautaires plus vastes —, si tous ces éléments interviennent dans les raisons pour lesquelles une femme craindrait d’appeler la police ou de dénoncer la violence à quelqu’un, comme un tiers, cela pourrait aussi la faire hésiter […]

[D]’après ce que nous disent les femmes, […] lorsque [des] ressources de guérison ne sont pas offertes, elles ont souvent l’impression qu’il leur incombe de réparer les pots cassés […]

En outre, nous n’entendons pas non plus, bien sûr, la voix des enfants. Notre association espère que lorsque les enfants autochtones constatent que leurs parents, leurs tantes ou leurs grands-mères sont victimes de violence, ils voient que quelqu’un vient les aider et que cette personne le fait d’une manière positive, respectueuse et adaptée à leur culture.

(2030)

Emilie Coyle, de l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, a dit ceci :

Dans le cas du projet de loi, nous devons nous demander si les mesures empêcheront la violence entre partenaires intimes de se produire au Canada ou si l’on utilisera des ressources nécessaires qui pourraient être consacrées à la prévention. S’attaquera-t-on aux causes profondes de la violence entre partenaires intimes, c’est-à-dire la misogynie et le patriarcat?

Ces questions nous renvoient à des exemples où des mesures législatives dont l’objectif était louable ont mal tourné et ont causé davantage de dommages au lieu de les prévenir […]

Je suis sûre que vous avez entendu parler, par exemple, de la femme qui fuit une situation de violence et qui jette un jouet [une assiette ou une poêle] en guise de légitime défense. Ce jouet devient l’arme dans l’accusation d’agression armée qui est ensuite portée contre elle [...] [I]l est fort possible que, si ce projet de loi est adopté, ce soient [les femmes victimes] qui portent un bracelet de surveillance électronique.

On ne peut contrer la violence fondée sur le genre et la violence entre partenaires intimes en agissant [seulement] de manière réactive. Il faut adopter une approche à plusieurs volets. Il faut agir en lançant une série d’initiatives qui visent à s’attaquer à la cause profonde des méfaits.

Nous croyons que, pour ce faire, nous devons nous concentrer davantage sur une approche durable et à long terme plutôt que sur une solution carcérale. Il faut faire un travail de sensibilisation à l’échelle nationale. Nous avons besoin d’un bon système de soins de santé mentale qui permet à chaque personne d’accéder à l’aide dont elle a besoin pour être en bonne santé.

Il nous faut un revenu universel de base pour que les personnes ne restent pas avec leur partenaire violent pour des raisons économiques. Des services de consultation doivent être facilement accessibles. Après tout, la violence entre partenaires intimes est une question sociale et pas seulement une question d’ordre privée.

Concernant les ressources et les services qu’elles demandent, les survivantes mentionnent souvent les travailleurs sociaux, l’aide financière, le logement, les ressources adaptées à la culture, les médiateurs, les spécialistes de la violence familiale, les pairs, la prévention et le désamorçage au sein de la communauté. La liste est longue.

Nous savons que nous devons et que nous pouvons mettre fin à la violence entre partenaires intimes, en gardant les personnes qui y survivent au centre de tous les efforts que nous déployons.

En définitive, la surveillance électronique est une entreprise coûteuse qui ne s’attaque pas aux causes profondes de la violence entre partenaires intimes.

Mary Campbell, une spécialiste à la retraite et ancienne fonctionnaire de Sécurité publique Canada, a souligné :

[...] je suis prête à saisir toute occasion de garder les gens en sécurité hors de l’enfer de la prison. Vous serez alors peut-être surpris d’entendre que je n’aime pas l’idée de recourir à la surveillance électronique.

[...] les recherches ne permettent pas de conclure que la surveillance électronique apporte quelque chose. Il y aura des situations particulières, mais dans l’ensemble, les recherches n’appuient pas l’idée.

[La surveillance électronique] ne donnera pas les résultats escomptés pour ce genre de dépense. Nous connaissons de nombreux autres outils qui, dans les faits, seraient beaucoup plus efficaces.

Elle nous a également rappelé que nous ne connaissons pas l’histoire personnelle de la plupart des témoins qui ont comparu devant le comité, et nous a donc exhortés à ne pas faire de suppositions simplistes sur qui a ou n’a pas subi de victimisation grave :

L’essentiel, c’est que nous sommes tous unis vers un même but. Je pense que ce serait une gouvernance plus prudente d’investir l’argent du peuple dans ce qui peut donner de véritables résultats.

L’Association nationale Femmes et Droit a rappelé la nécessité d’autres solutions et d’un changement systémique. Les groupes de femmes demandent depuis longtemps des solutions qui s’attaquent aux causes profondes de la violence à l’égard des femmes :

[Le] cadre législatif requis pour empêcher et combattre la [violence à l’égard des femmes] doit être [conçu] de façon à également reconnaître et résoudre la pauvreté et la précarité économique des femmes, lesquelles structurent et façonnent l’expérience que les femmes ont de la violence et, en particulier, les groupes de femmes davantage vulnérables à la [violence] sous ses multiples formes. Veiller à ce que le contexte historique et actuel soit bien compris est essentiel si l’on veut que cette analyse soit éclairée, et particulièrement en ce qui a trait au colonialisme et [...] ses conséquences sur la violence à l’égard des femmes autochtones.

Les groupes de femmes ont aussi noté ceci :

Toute réforme du droit en matière de [violence à l’égard des femmes] au Canada doit refléter une analyse féministe intersectorielle et être ancrée dans les droits de la personne et les droits humains des femmes en particulier.

Tout changement significatif devra tenir compte des problèmes cognitifs et comportementaux sous-jacents qui mènent à la violence contre les femmes. Placer un bracelet électronique à la cheville d’une personne ne l’empêchera pas de continuer de commettre des gestes de violence, pendant que le bracelet électronique est en marche ou après qu’il ait été enlevé. Les experts sont catégoriques : nous ne devons pas confondre appareil électronique et intervention et traitement efficaces. Un traitement qui se veut efficace doit s’attarder aux raisons fondamentales qui poussent une personne à agir de manière violente afin de véritablement éliminer le problème et de briser le cycle de la violence.

Je tiens à souligner que c’est aussi l’objectif que le sénateur Boisvenu souhaite atteindre avec ce projet de loi, mais l’élément central est la surveillance électronique.

La lutte contre l’inégalité économique des femmes est un aspect essentiel. ONU Femmes et l’Organisation mondiale de la santé ont souligné que les liens entre la pauvreté et la violence à l’égard des femmes sont bien établis. Selon une étude menée par le groupe Surviving Economic Abuse, 95 % des victimes de violence conjugale connaissent aussi l’exploitation économique.

Presque toutes les victimes de violence ont subi de l’exploitation économique. S’attaquer à la racine du problème exige que les femmes aient d’autres solutions que de rester dans des situations familiales et communautaires dangereuses. Le logement et l’aide financière doivent être à la fois adéquats et accessibles. Plus important encore, il leur faut des mesures de soutien que, contrairement à la plupart des programmes actuels, elles ne risqueront pas de perdre après avoir demandé de l’aide pour elles-mêmes et leur famille.

Le rôle des ressources économiques pour faciliter l’accès à la sécurité physique est clair, ce qui met en évidence la nécessité d’un revenu de base garanti qui réduirait le fardeau financier des femmes et leur permettrait de prendre des décisions quant à la meilleure façon de prendre soin d’elles-mêmes et de leurs familles et de voir plus loin que la sécurité à court terme. Nous devons d’abord faire tout en notre pouvoir pour prévenir la violence plutôt que de concentrer nos efforts sur des interventions en aval inadéquates comme la surveillance électronique.

Un récent article du Globe and Mail indique qu’au Québec :

[...] malgré l’augmentation du nombre d’appels téléphoniques et de textos de victimes cherchant de l’aide cette année, des femmes sont refusées dans des refuges dont la capacité est dépassée.

Cela montre que, même au Québec, il y a un besoin criant de soutien adéquat pour lutter contre la violence et y mettre fin.

Il est essentiel que les femmes disposent des ressources nécessaires pour quitter un conjoint violent au lieu de simplement appliquer des approches inadéquates après coup. Le sous-financement chronique des services destinés aux femmes les maintient, elles et leurs enfants, dans une situation de risque accru et les pousse à retourner dans des situations dangereuses, trop souvent mortelles. Le projet de loi S‑205 n’aborde pas ce problème.

Plus précisément, le projet de loi S‑205 ne fera rien pour résoudre ces problèmes pour les Autochtones, les Noirs et les autres personnes racialisées au Canada. Au contraire, il met davantage l’accent sur l’utilisation d’un système qui suscite déjà la méfiance et qui ne répond pas aux attentes de ces groupes, tout en leur demandant de faire à nouveau confiance à ce système. Prendre des mesures isolées crée un faux sentiment de sécurité; le potentiel de résultats inadéquats, voire horribles est franchement terrifiant.

Pour conclure, honorables sénateurs, permettez-moi de résumer les cinq principales raisons pour lesquelles ce projet de loi n’atteindra pas les objectifs très louables de son parrain, objectifs que je soutiens de tout cœur.

Premièrement, aussi inefficace soit-elle pour prévenir la violence contre les femmes, la surveillance électronique est déjà en place dans certaines provinces. C’est déjà dans le Code criminel. Ce projet de loi n’est donc pas nécessaire. De toute évidence, le fait de rendre la surveillance électronique obligatoire dans une loi n’est pas la clef qui permettra de remédier à la violence contre les femmes.

Deuxièmement, le projet de loi ne tient pas compte des nombreux problèmes technologiques de la surveillance électronique, ce qui risque manifestement de susciter une fausse impression de sécurité pour ceux qui pensent que cette surveillance les protégera.

Troisièmement, ce texte ne tient pas non plus compte du fait que la police n’est pas toujours en mesure d’intervenir immédiatement, et le problème peut venir de l’éloignement géographique, des ressources insuffisantes, des autres urgences à gérer et parfois des stéréotypes, des préjugés ou des conclusions rapides — par exemple dans le cas de déclenchements répétés, voire de fausses alarmes selon les autorités.

Quatrièmement, ce projet de loi part du principe qu’un homme qui a jusqu’alors ignoré toute forme de normes sociales ou légales sera soudainement disposé à respecter la loi, simplement parce qu’on lui passe un bracelet autour de la cheville.

Dernièrement, la surveillance électronique ne permet pas de résoudre les problèmes systémiques qui sont au cœur de la question et qui engendrent et perpétuent la violence misogyne. Cet outil permet encore moins de modifier la gestion de la colère et d’autres facteurs qui poussent ces hommes à perpétrer des actes de violence envers des femmes.

En terminant, je vous remercie le sénateur Boisvenu et chers collègues pour votre engagement à mettre fin à la violence. Il est évident que nous voulons tous un objectif que nous pouvons atteindre. Nous voulons tous accomplir ce travail.

Comme l’ont souligné l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et plus récemment, la Commission des pertes massives, nous devons nous attaquer à ce problème de manière à atténuer ces inquiétudes. Malheureusement, comme je l’ai déjà expliqué, l’approche proposée dans le projet de loi n’est pas la direction dans laquelle nous devrions avancer. Il faut plutôt, à mon avis, s’attaquer aux idées et aux attitudes qui alimentent cette violence dans la société, tout en mettant en place des systèmes de soutien social, sanitaire et économique solides qui peuvent vraiment aider les femmes en évitant l’établissement des circonstances qui mènent à la violence et, lorsque ces mesures sont insuffisantes — ce qui se produira inévitablement — qui aident les victimes à fuir la violence.

(2040)

Meegwetch, merci.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

D’abord, je vous remercie pour vos bons mots. Je les accepte, mais je les envoie aux centaines de femmes qui ont travaillé avec moi sur ce projet de loi. Ce sont surtout elles qui méritent les bons mots que vous avez prononcés, parce qu’elles ont agi avec énergie et en plaçant leur foi et leur confiance dans le Sénat.

Vous avez beaucoup parlé dans votre discours de la situation économique des femmes; je suis tout à fait d’accord avec vous. Il y a encore au Canada trop de femmes qui vivent des situations économiques difficiles — je dirais même dangereuses pour certaines —, car elles vivent une situation de violence conjugale où elles sont complètement dépendantes de leur conjoint ou de la situation.

Mon projet de loi ne veut pas corriger des iniquités sociales. Il n’est pas coercitif. Il permet de faire de la prévention et de la réhabilitation, parce que le bracelet électronique n’est pas au cœur de ce projet de loi; il s’agit plutôt de réhabiliter des hommes violents, en laissant aux juges la possibilité d’envoyer ces hommes en thérapie pour qu’ils ne reviennent pas constamment dans les palais de justice et qu’ils ne fassent pas une, deux, trois ou dix victimes de violence conjugale. C’est un projet de loi qui est d’abord réhabilitant pour ces hommes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous avez une question, sénateur Boisvenu?

Le sénateur Boisvenu : Oui. Le Québec a adopté le projet de loi no 24. À l’échelle fédérale, une députée libérale a fait adopter à l’autre endroit le projet de loi C-233, qui traite de la violence conjugale. Dans son discours, le sénateur Dalphond a rappelé que, sur les 800 femmes qui portaient le bracelet électronique en Espagne, aucune n’avait été assassinée.

Si ce projet de loi avait été adopté il y a cinq ou dix ans, s’il avait permis de sauver une, deux, cinq ou dix femmes d’une mort violente dans une situation de violence conjugale, ce projet de loi en aurait-il valu la peine?

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je veux également prévenir ces décès. Nous avons également entendu une partie de ce dont nous parlons et de ce que j’essayais de souligner de la part des personnes qui ont comparu devant nous, à savoir que ces dispositions pourraient déjà avoir force de loi.

Le Code criminel autorise actuellement les types d’interventions dont vous parlez. Le fait qu’elles ne soient pas mises en œuvre, que la violence faite aux femmes ne soit pas prise au sérieux et que de nombreuses personnes ne la signalent pas fait précisément partie du problème. Il ne s’agit pas d’un désir de ne pas apporter de soutien ou de sécurité aux femmes, qu’il s’agisse des femmes avec lesquelles vous travaillez ou des femmes avec lesquelles je travaille. Il s’agit d’examiner ce qui peut réellement faire avancer les choses au sens large et protéger des vies en général.

Je ne suis pas en désaccord avec vous. Cependant, ces dispositions existent dans la loi, et le fait qu’elles n’aient pas été utilisées s’explique en grande partie par les raisons que vous et moi connaissons et par les préjugés du système.

C’est difficile. Je ne comprends pas; je ne suis pas à votre place. Je compatis et j’ai des attitudes et des valeurs semblables et un désir semblable de voir ces questions être abordées. Étant donné que j’ai travaillé dans ce système pendant si longtemps, je ne vois pas comment le projet de loi pourrait le faire. Je veux voir des mesures qui changeront réellement ce qui se passe. Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J’ai une autre question.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Pate, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Sénatrice Pate, le Code criminel ne prévoit actuellement que deux situations où l’on autorise le port du bracelet électronique : le terrorisme et le cas d’un individu ayant commis un crime assez grave pour que l’on craigne qu’il s’évade du pays. Le Code criminel ne prévoit aucun autre cas où le port du bracelet électronique est autorisé.

Ne croyez-vous pas qu’il faudrait élargir le Code criminel aux hommes violents, si l’on sait qu’ils commettront un assassinat ou qu’ils mettront en danger la vie de leur conjointe ou ex-conjointe? Ne devrait-on pas élargir le Code criminel à un autre cas que les deux cas que j’ai évoqués?

[Traduction]

La sénatrice Pate : Je ne sais pas si c’était votre question, mais je suis d’accord avec vous.

Trop souvent, lorsque des femmes se manifestent pour dénoncer la violence qui représente une véritable menace pour elles — ce qu’elles savent bien, car elles la vivent —, on ne les croit pas. À mon humble avis, c’est la raison pour laquelle nous tentons constamment de faire progresser les choses dans ce domaine. Ce n’est pas lié au fait qu’il ne s’agit pas d’une infraction violente. C’est plutôt lié au fait que ces situations sont réduites à des cas de « il a dit ceci, elle a dit cela », et que la violence n’est pas prise au sérieux. Souvent, on ne croit pas les femmes, pour des raisons raciales, pour des raisons liées au genre, et pour des raisons économiques. Je ne pense pas que ce soit juste. Bien que je ne sois pas d’accord avec cela, c’est la raison fondamentale pour laquelle ces outils ne sont pas utilisés. En effet, il s’agit d’infractions violentes, et personne n’est mieux placé pour le savoir que celles qui en sont victimes, comme en témoignent les trop nombreuses femmes que nous avons connues, et dont beaucoup ne sont plus parmi nous.

L’honorable Marty Klyne : Sénatrice Pate, ce que nous ont dit beaucoup de témoins, en particulier les victimes de crimes violents tragiques, c’est qu’elles ne peuvent plus vivre normalement, qu’elles ne peuvent plus quitter leur domicile en toute quiétude. Ces personnes veulent que le projet de loi soit adopté afin de pouvoir retrouver un semblant de vie normale et sortir de leur résidence.

Je comprends ce que vous dites et je suis d’accord. Cependant, on dit parfois qu’il est préférable de ne pas laisser le désir de perfection empêcher le progrès.

Je voudrais bien que nous puissions régler tous les maux de la planète. Je voudrais cependant que nous nous attaquions à certaines des causes sous-jacentes des problèmes. En même temps, je ne vois pas pourquoi ces femmes devraient souffrir et demeurer captives de leur propre foyer parce qu’elles ont peur de le quitter. Si cette mesure leur donne un peu d’assurance, même si elle n’est pas dissuasive, elle présente assurément un élément de prévention pour empêcher les personnes qui menacent ces femmes. Je me demande si vous croyez que ces deux objectifs peuvent coexister dans un processus parallèle.

Je comprends et je suis d’accord sur ce que vous avez dit, mais je ne voudrais pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

La sénatrice Pate : Je ne suis pas en désaccord avec vous. Des gens ont comparu devant nous, et comme je l’ai mentionné au comité, de nombreuses femmes ont téléphoné mais ne voulaient pas venir et parler de leur situation personnelle devant le comité. Nous rencontrons certaines d’entre elles pour parler, par exemple, des discussions-cadres du sénateur Manning et du projet de loi qu’il fait valoir, car elles ont certainement relevé les mêmes problèmes que ceux dont nous parlions.

Ce qui me rend le plus mal à l’aise dans tout cela, c’est que je n’ai aucun doute quant aux objectifs du sénateur Boisvenu. J’espère que vous ne doutez pas que je partage les mêmes objectifs. Le fait est que les dispositions actuelles ne sont pas utilisées, que des dispositions qui ont été mises en place pour protéger les femmes, comme les pratiques obligatoires en matière d’accusation, sont principalement utilisées contre des femmes, en particulier des femmes autochtones et d’autres femmes racialisées, si bien que ces dernières sont criminalisées alors qu’elles tentent d’échapper à la violence. Or, lorsque la police intervient ou que la Couronne entend une histoire... Vous avez entendu la sénatrice Simons parler de la juge Sheila Greckol, et n’eût été sa décision, Helen Naslund purgerait encore une peine d’emprisonnement de 18 ans, parce que tout le monde croyait que c’était elle le problème, et non l’homme qui l’a gardée emprisonnée dans sa maison, l’a violée et a tiré sur elle et sur ses enfants durant 37 ans.

(2050)

Voilà le cœur du problème. Nous n’en tenons pas compte. Chaque fois que nous ajoutons une nouvelle mesure qui s’ajoute à une foule de dispositions juridiques, nous augmentons les coûts sans accroître l’efficacité. C’est pour cela que je pense que nous avons la responsabilité, en tant que sénateurs, de prendre cela au sérieux.

C’est le cœur lourd que je parle de ce genre de choses, car je n’ai aucun doute que nous voulons tous mettre fin à cela. Cependant, aurons-nous les ressources nécessaires pour faire le dur travail à accomplir pour y arriver?

Merci.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Est-ce que la sénatrice Pate accepterait de répondre à une autre question?

La sénatrice Pate : Oui.

Le sénateur Dalphond : En décembre 2021, quand le gouvernement du Québec a annoncé l’implantation de bracelets antirapprochements grâce à un financement de 30 millions de dollars, il l’a fait pour donner suite à la recommandation d’un comité d’experts sur l’accompagnement de victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale dans son rapport intitulé Rebâtir la confiance. Le gouvernement a accompagné cette mesure de plusieurs autres mesures.

Quand le gouvernement a annoncé qu’il accordait un financement de 41 millions de dollars sur cinq ans pour mettre en place des bracelets antirapprochements, cette annonce a été applaudie, notamment par l’Alliance des maisons d’hébergement de 2e étape pour femmes et enfants victimes de violence conjugale, l’Alliance MH2. Cette dernière a invité le gouvernement du Québec à s’assurer que les bracelets antirapprochements soient utilisés efficacement partout au Québec.

Sénatrice Pate, que dites-vous à ces experts, qui ont conclu que le bracelet était une mesure efficace et nécessaire? Que dites-vous à ces femmes qui militent dans ces maisons d’hébergement et qui affirment que cette mesure est nécessaire?

[Traduction]

La sénatrice Pate : Merci pour cette question. C’est ce dont j’ai parlé dans mon discours. En effet, j’ai parlé à ces femmes. Elles estimaient que c’était ce qu’elles pouvaient obtenir de mieux. Elles y voyaient une manière pour le gouvernement de montrer son soutien et de donner l’impression de s’occuper de la violence à l’égard des femmes. Certaines d’entre elles font partie du même groupe qui s’est maintenant exprimé dans le reportage de la CBC que j’ai mentionné dans mes commentaires. Ces mêmes groupes disent que cet argent aurait pu être consacré à un plus grand nombre de lits et aurait pu être utilisé de manière plus efficace, parce que les communautés rurales et éloignées n’ont pas été aidées par cette mesure.

Cela nous ramène à l’argument même que j’espère avoir clairement exprimé — peut-être que ce n’est pas le cas et je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de le reformuler — à savoir que les femmes ne disent pas qu’elles veulent le bracelet électronique, mais elles disent qu’elles le veulent quand c’est la seule solution qui leur est offerte. Voilà la question à laquelle, je pense, nous devons nous attaquer en tant que sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi sur la protection des jeunes contre l’exposition à la pornographie

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénatrice Audette, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-210, Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, tel que modifié.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-210. Le parcours de cette mesure législative a été long, et je félicite la sénatrice Miville-Dechêne de sa détermination à travailler avec des experts internationaux pour trouver des solutions à ce problème qui prend de l’ampleur, de ses efforts soutenus pour surmonter les obstacles législatifs et de son ouverture aux améliorations tout au long du processus.

Les conséquences individuelles et sociétales de l’exposition des enfants à du contenu sexuellement explicite, en particulier au matériel violent, sont de plus en plus évidentes au fur et à mesure que des études sont publiées. Nous savons également que les enfants ont accès à plus de contenu de ce genre à un jeune âge — ils peuvent avoir aussi peu que 6 ans. Le nombre total d’enfants qui sont régulièrement exposés à la pornographie en ligne est à la hausse.

Comme vous le savez peut-être, le projet de loi S-210 est la version améliorée et peaufinée avec soin d’une mouture précédente, le projet de loi S-203. Les deux projets de loi ont été étudiés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et ont été examinés en profondeur, notamment au moyen de témoignages d’experts sur les torts importants causés au cerveau en développement des enfants qui accèdent au contenu misogyne, violent et sexuellement explicite qui est beaucoup trop répandu sur les sites Web de pornographie.

Dans son mémoire adressé au Comité sénatorial des affaires juridiques, le Centre canadien de protection de l’enfance a dit ce qui suit :

Des études ont mis en évidence les nombreux effets négatifs de la pornographie sur les enfants :

- Difficulté à tisser des liens sains.

- Croyances et comportements sexuels préjudiciables. [U]ne croyance erronée selon laquelle les femmes et les filles sont toujours disponibles sur le plan sexuel, ainsi que des attitudes et des croyances néfastes concernant le consentement sexuel.

- Une banalisation du préjudice sexuel.

Nous avons déjà entendu les statistiques. La plupart ne sont pas faciles à entendre, et beaucoup sont vraiment difficiles à croire. Mme Gail Dines a témoigné devant le Comité sénatorial des affaires juridiques pour exprimer son appui au projet de loi. Professeure émérite de sociologie, elle est la fondatrice et la présidente de Culture Reframed, une organisation sans but lucratif qui élabore des programmes axés sur la recherche pour enseigner aux parents et aux professionnels comment renforcer la résilience des jeunes et leur résistance à la pornographie.

Mme Dines a fait un travail révolutionnaire dans ce domaine. Ses récentes recherches et les dernières données qu’elle a recueillies brossent un tableau navrant. Son travail est axé sur ce qu’elle appelle « la crise », qu’elle définit de la manière suivante.

En l’absence d’une éducation sexuelle complète et appropriée, la pornographie constitue la principale forme d’éducation sexuelle pour des millions d’enfants. Et qu’apprennent les enfants? Ils apprennent que la dégradation, l’humiliation et la violence sont au cœur des relations, de l’intimité et de la sexualité.

Culture Reframed a mis en lumière des faits stupéfiants qui témoignent de l’ampleur du problème. Les sites pornographiques reçoivent chaque mois plus de visiteurs que Netflix, Amazon et Twitter réunis. Environ un tiers de tous les téléchargements sur le Web aux États-Unis sont liés à la pornographie. Pornhub, qui se décrit comme le chef de file des sites pornographiques gratuits au monde, a enregistré 42 milliards de visites en 2019.

Dans une analyse de contenu des films pornographiques les plus vendus et les plus loués, les chercheurs ont constaté que 88 % des scènes analysées contenaient des agressions physiques violentes, et que 50 % des parents sous-estiment la quantité de pornographie que leurs adolescents ont vue. Selon une méta-analyse de 22 études réalisées entre 1978 et 2014 dans sept pays, la consommation de pornographie est associée à une probabilité accrue que le consommateur commette des actes d’agression sexuelle verbale ou physique, quel que soit son âge.

Une autre méta-analyse a mis en évidence une importante association positive générale entre la consommation de pornographie et les attitudes en faveur de la violence contre les femmes. Dans une étude menée auprès d’étudiants américains, les chercheurs ont constaté que 83 % d’entre eux déclaraient avoir vu de la pornographie grand public et que ceux qui en avaient vu étaient plus susceptibles de dire qu’ils commettraient un viol ou une agression sexuelle s’ils savaient qu’ils ne se feraient pas prendre, comparativement aux hommes qui n’avaient pas vu de pornographie au cours des 12 mois précédents.

Enfin, depuis 2011, 30 études évaluées par des pairs ont montré que la consommation de pornographie a des répercussions négatives et néfastes sur le cerveau. Les lois canadiennes reflètent la gravité des répercussions sur le cerveau des jeunes lorsque ceux-ci ont accès à de la pornographie dans le monde réel. Cependant, il existe un grand décalage en ce qui concerne la réglementation du monde numérique pour assurer la protection des enfants. Quand on songe à quel point il serait difficile pour un enfant de se procurer un film classé R, de voir un film classé R au cinéma ou d’acheter un magazine pornographique, il est inconcevable que le même enfant puisse avoir accès à de la pornographie explicite et violente en un clic. Comme l’a dit la sénatrice Miville-Dechêne, dans le monde réel, l’accès aux bars de danseuses nues et aux cinémas pour adultes est réservé aux personnes qui ont 18 ans et plus. Le projet de loi S-210 cherche essentiellement à appliquer la même règle dans le monde virtuel.

S’il est adopté, le projet de loi S-210 exigerait que les sites de pornographie emploient des méthodes efficaces de vérification de l’âge de leurs utilisateurs. Le projet de loi érige en infraction le fait qu’un organisme — mais pas un individu — donne accès à une jeune personne à du contenu sexuellement explicite en ligne à des fins commerciales. Afin d’éviter les sanctions, les sites Web pornographiques doivent mettre en place un mécanisme de vérification de l’âge prévu par règlement. La loi prévoit une amende maximale de 250 000 $ pour une première infraction. Toutefois, comme un témoin l’a fait remarquer, il est très peu probable que de telles amendes soient infligées parce que le siège de la plupart des sites pornographiques se trouve à l’étranger, ce qui complique la tâche pour faire appliquer la loi canadienne.

(2100)

Le projet de loi S-210 s’attaque à ce problème en prévoyant un processus administratif pour appliquer la loi. En effet, un organisme désigné peut présenter une demande à la Cour fédérale afin de bloquer les sites Web contrevenants. Le processus serait appliqué après l’envoi d’un avis détaillé et après une période de 20 jours. Concrètement, cela signifie que les sites pornographiques qui ne respectent pas la loi pourraient être bloqués, même si leur siège n’est pas au Canada. Il est important de souligner que ces dispositions s’appliquent seulement aux organisations et non aux personnes pour éviter de cibler directement les travailleurs du sexe et les distributeurs commerciaux.

La plupart des préoccupations liées à la version précédente du projet de loi ont été prises en compte dans les modifications apportées à la version actuelle. Toutefois, quelques personnes ayant témoigné devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles avaient encore des inquiétudes à propos de la vie privée et, par conséquent, de la constitutionnalité du projet de loi. Des points précis ont été soulevés en ce qui concerne le type de technologie de vérification de l’âge susceptible d’être utilisée, et l’incidence de cette dernière sur la vie privée et la sécurité des adultes qui choisissent d’avoir accès en toute légalité à la pornographie en ligne. Par exemple, on s’interrogeait sur la manière dont les données personnelles seraient recueillies et conservées.

L’Association du Barreau canadien a demandé un renforcement des mesures de protection de la vie privée dans le projet de loi. Keith Jansa, directeur général du Conseil stratégique des DPI, a abondé dans le même sens tout en faisant des recommandations précises quant à la clarification du libellé du projet de loi. Il a recommandé que les mots « mécanisme de vérification de l’âge efficace, fiable et protégeant la vie privée » soient ajoutés à la mesure législative.

La sénatrice Miville-Dechêne a proposé un amendement à cet effet lors de l’étude article par article du comité.

L’amendement précise qu’avant de prévoir un mécanisme de vérification de l’âge, le gouverneur en conseil examine si le mécanisme est fiable; s’il assure le respect de la vie privée des utilisateurs et protège leurs renseignements personnels; s’il recueille et utilise des renseignements personnels à des fins de vérification de l’âge seulement, à moins que la loi ne prévoie d’autres fins; s’il détruit tout renseignement personnel recueilli à des fins de vérification de l’âge, une fois la vérification terminée; et s’il respecte généralement les pratiques exemplaires dans les domaines de la vérification de l’âge et de la protection de la vie privée.

Même si cet amendement ne plaira pas à tous ceux qui restent préoccupés par la constitutionnalité de cette proposition, il convient de préciser que nos estimés collègues du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont approuvé les deux versions de cette mesure législative. Après un examen minutieux et approfondi, le comité a décidé d’aller de l’avant avec le projet de loi modifié.

Le comité est conscient des préjudices associés à ce problème grandissant et de notre rôle de décideurs pour offrir la meilleure solution possible. En cas de contestation constitutionnelle, comme d’habitude, les tribunaux seraient les mieux placés pour gérer la situation.

Honorables sénateurs, alors que l’accès des jeunes à du matériel préjudiciable et sexuellement explicite est en hausse, le niveau de sensibilisation et d’ouverture permettant de dénoncer les dommages causés par l’industrie de la pornographie l’est tout autant.

L’année dernière, Billie Eilish, une auteure-compositrice-interprète de renommée internationale qui compte des centaines de millions d’abonnés sur les médias sociaux, a fait la une des journaux lors de son passage au Howard Stern Show. Elle a parlé d’une lutte personnelle très profonde qu’elle a menée à la suite d’une exposition répétée à la pornographie à partir de l’âge de 11 ans. Elle a parlé de l’effet dévastateur que cette exposition a eu sur sa capacité à développer des relations avec les autres. Dans un moment poignant, elle a déclaré : « Je pense que ça a vraiment détruit mon cerveau, et je me sens complètement anéantie d’avoir été exposée à tant de pornographie. »

Les mots « détruit mon cerveau » peuvent sembler hyperboliques, mais il existe une multitude de recherches concluantes au sujet des effets néfastes de la pornographie sur le cerveau des adolescents et des préadolescents. Les filles qui regardent de la pornographie ont un taux plus élevé d’automutilation et sont plus vulnérables à l’exploitation sexuelle et à la traite des personnes.

Pour les garçons, comme vous pouvez vous en douter, le mal tend à se manifester sous la forme d’agressions sexuelles envers les femmes, de violences dans les fréquentations à l’école secondaire et d’une difficulté à nouer des relations intimes avec les femmes dans la vie réelle.

Quel que soit leur sexe, les jeunes qui regardent de la pornographie ont des taux plus élevés d’anxiété et de dépression.

On ne saurait trop insister sur la gravité de ce problème.

Même si ce projet de loi ne résoudra pas le problème dans son intégralité, il s’agit d’une étape essentielle pour réduire le nombre d’enfants touchés et le niveau d’exposition.

Nous avons récemment eu l’occasion de faire adopter rapidement une version de cette proposition par l’intermédiaire du projet de loi C-11. La sénatrice Miville-Dechêne a présenté cet amendement à l’étape de l’étude article par article par le comité. L’amendement a été adopté au comité, et de nouveau à l’étape de la troisième lecture. Cela aurait pu être un grand pas en avant pour ce mouvement, mais, hélas, le gouvernement Trudeau a supprimé cette disposition du projet de loi.

L’adoption rapide du projet de loi S-210 est donc d’autant plus importante.

En tant qu’ancienne éducatrice et en tant que mère d’une fille, je sais à quel point les jeunes esprits sont impressionnables et à quel point leurs premières années sont cruciales pour leur développement. Pour nos enfants et pour les générations futures, utilisons le rôle puissant et privilégié que nous avons dans cette enceinte pour traiter cette question avec l’urgence qui s’impose et pour apporter ce changement nécessaire à notre législation.

Je vous laisserai sur quelques réflexions tirées du témoignage de Gail Dines devant le Comité sénatorial des affaires juridiques :

Quand j’ai commencé à travailler dans ce domaine il y a plus de 30 ans, il fallait prouver qu’on avait 18 ans pour acheter du matériel pornographique. Quand la pornographie s’est transportée dans le monde en ligne vers les années 2000, elle est non seulement devenue plus explicite, plus violente et plus avilissante pour les femmes, mais elle est devenue universellement accessible. On y accède maintenant d’un simple clic.

Comment en sommes-nous arrivés à un point où des enfants d’à peine 7 ans ont accès à du matériel pornographique montrant des femmes agressées sexuellement à des fins commerciales? Où sont les décideurs et les professionnels chargés de protéger les enfants? En fait, où sont les adultes qui ont tout intérêt à préserver le bien-être de la prochaine génération?

La bonne nouvelle, c’est qu’un grand nombre de ces intervenants sont ici, au Canada, appuyant avec détermination et courage un projet de loi pour empêcher que des jeunes soient entraînés dans le monde de la pornographie explicite.

Honorables sénateurs, adoptons une position audacieuse et courageuse et faisons du Canada un chef de file dans la protection des jeunes contre les contenus destructeurs, violents et misogynes qui causent des torts irréparables. Le projet de loi S-210 n’est qu’un pas — mais un pas important — dans la bonne direction et a le potentiel d’avoir des répercussions profondes sur nos enfants et les générations futures.

Merci.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

Projet de loi sur le Mois du patrimoine libanais

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Cordy, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-246, Loi instituant le Mois du patrimoine libanais.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, en tant que porte-parole amical pour ce projet de loi, non seulement je prends la parole pour exprimer mon appui sans réserve au projet de loi, mais je promets aussi de ne pas utiliser la totalité des 45 minutes dont je dispose.

(2110)

Pour commencer, je remercie la marraine de ce projet de loi, la sénatrice Jane Cordy, d’avoir présenté cette mesure législative et d’avoir travaillé sans relâche avec son équipe pour en arriver à ce point.

La grande majorité des immigrants libanais sont arrivés au Canada entre 1975 et 1990. Ils fuyaient la guerre civile du Liban, ce qui illustre le fait que beaucoup d’autres immigrants sont venus au Canada pour fuir des situations désespérées dans leur pays d’origine. Ils sont venus ici en quête de liberté, de paix, de possibilités et de prospérité.

Tous les Canadiens, qu’ils soient arrivés directement ou indirectement, et qui sont ici depuis des années, sont venus pour fuir la guerre civile ou les difficultés économiques, en quête de liberté et de possibilités. Bien entendu, c’est ce que ce formidable pays offre aux immigrants depuis des dizaines et des dizaines d’années.

Cependant, les communautés libanaises du Canada remontent à bien plus loin. Certaines trouvent leurs racines dans la première vague d’immigrants libanais qui ont débarqué au Quai 21, à Halifax, en 1880.

Mes parents sont arrivés à Halifax à la fin des années 1950, car ils fuyaient un pays magnifique, mais qui était ravagé par la guerre civile, les difficultés économiques et la Seconde Guerre mondiale. Ils sont venus ici en rêvant d’un avenir meilleur pour eux et leurs enfants. Ils sont parvenus à réaliser ce rêve grâce à leur travail acharné et à leur persévérance.

Je me souviens d’avoir dit à mes parents — à ma mère en particulier, qui nous a quittés; Dieu ait son âme — : « Vous avez quitté votre pays à l’âge de 17 ans et vous avez traversé la moitié de la planète. Que pensez-vous de votre décision aujourd’hui, toutes ces années plus tard? » Ma mère m’avait répondu : « Je ne changerais cette décision et je ne quitterais ce pays pour rien au monde. Jeune femme, dans mon pays, j’ai travaillé très fort; plus je travaillais fort, moins j’avançais. Le futur était sombre. Je suis venue au Canada avec un rêve en tête : respecter la loi et les règles et travailler fort. Plus je travaillais fort, plus j’avançais. »

C’est ce que représente le Canada pour tous les immigrants que nous avons reçus. Évidemment, la communauté libanaise n’est qu’un des éléments qui forment notre grand pays. Comme bien des groupes d’immigrants, ces personnes sont venues au pays, elles ont travaillé fort et elles ont contribué à l’identité du Canada; leur contribution culturelle comprend la délicieuse cuisine méditerranéenne, qui s’est faufilée jusque dans la cuisine canadienne. Que vous soyez d’origine asiatique, sud-asiatique, grecque, italienne, irlandaise ou française n’a pas d’importance; toutes ces origines réunies forment le Canada — le pays réunit tout ce que le monde a de meilleur à offrir.

La communauté libanaise excelle en entrepreneuriat. Nous le constatons d’un océan à l’autre. Elle ajoute au tissu culturel de ce pays. De nombreuses personnes qui ont fui le Liban étaient déjà officiellement bilingues à leur arrivée au Canada. Elles n’ont pas eu besoin de suivre de cours d’immersion française. Elles se sont incorporées à la fibre bilingue de la société canadienne. Les Canadiens d’origine libanaise forment une communauté dynamique à Halifax, où ils s’expriment en anglais.

[Français]

La communauté libanaise est également très forte à Montréal — en français. C’est une communauté minoritaire, mais bien intégrée au Québec — en français.

[Traduction]

Le Canada compte de nombreux exemples de membres de la communauté libanaise qui excellent, et ce, dans tous les domaines. Dans le domaine athlétique, Nazem Kadri est un joueur de hockey de la LNH et champion de la Coupe Stanley. Marwan Hage est champion de la Coupe Grey et a joué pour les Tiger-Cats d’Hamilton. Il y a eu de nombreux politiciens d’origine libanaise. L’ancien premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Joe Ghiz, était un si bon premier ministre que, des années plus tard, les habitants de l’île ont élu son fils à titre de premier ministre.

Au Parlement du Canada, dans notre propre Chambre, le sénateur Pierre De Bané était l’un de ces géants de qui j’ai appris comment faire mon travail a la Chambre haute. Ziad Aboultaif est un député conservateur de l’Alberta. Lena Metlege Diab est une députée libérale de la Nouvelle-Écosse. Fayçal El-Khoury est le député libéral de Laval—Les Îles. Il en existe tant d’autres, y compris Kevin O’Leary. Je pourrais continuer longtemps. Nous reconnaissons tous leurs excellentes contributions.

Je remercie la sénatrice Cordy d’avoir proposé ce projet de loi. Il est important. Certains diront que nous avons déjà trop de mois et de jours consacrés au patrimoine et que nous allons bientôt manquer de jours. Le sénateur Plett et moi-même avons eu quelques débats à ce sujet en privé. Je suis d’avis que notre institution doit représenter toutes les richesses de notre pays et que nous devons célébrer les contributions de chaque groupe. Si nous organisons un grand nombre de célébrations sur un grand nombre de jours, qu’il en soit ainsi. En fin de compte, en tant que parlementaires, nous devons reconnaître et célébrer notre diversité. C’est cela être Canadien. C’est pourquoi je soutiens de tout cœur cette initiative de la sénatrice Cordy et j’espère que nous lui accorderons un soutien unanime. Je vous remercie, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi sur la protection des pensions

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Martin, au nom de l’honorable sénateur Wells, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole encore une fois pour participer au débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-228, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, en ma qualité de parrain au Sénat de cette mesure législative.

Avant de commencer, je veux remercier le Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie et sa présidente, la sénatrice Wallin, de leur travail expert sur ce projet de loi. Le comité a tenu 3 réunions, a entendu 16 témoins et a reçu 27 mémoires. Nous avons eu de longues discussions avec les témoins, et nous avons fini par convenir que le projet de loi C-228 devrait être adopté sans amendement.

Je veux aussi remercier mon collègue, le sénateur Yussuff, qui a appuyé vivement le projet de loi et qui a été le meilleur porte-parole qu’un parrain aurait pu espérer. Il a été agréable de pouvoir travailler ensemble pour faire avancer ce projet de loi qui se fait attendre depuis longtemps. La collaboration du sénateur Yussuff témoigne de l’importance de la mesure législative, et de l’urgence de la faire adopter.

En dernier lieu, j’aimerais féliciter l’auteure de ce projet de loi crucial, Marilyn Gladu, la députée de Sarnia—Lambton. Elle a créé une mesure législative qui apporte aux Canadiens une aide directe dans un domaine ayant une incidence importante sur leur retraite et leur qualité de vie. La députée Gladu a comparu devant le comité pour défendre le projet de loi. Elle l’a fait avec une habileté et une volonté impressionnantes.

Chers collègues, comme je l’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, le projet de loi comporte trois éléments simples. Premièrement, les travailleurs ayant un régime de retraite à prestations déterminées doivent être payés en priorité en cas de faillite de l’entreprise. Le projet de loi C-228 permettra enfin, en cas d’insolvabilité, d’accorder la priorité aux pensions des employés plutôt qu’aux primes des cadres et au remboursement des principaux créanciers.

Deuxièmement, le projet de loi fournira un mécanisme de transfert de fonds vers un fonds de pension afin de rétablir sa solvabilité.

Troisièmement, il obligera le surintendant des institutions financières à présenter au Parlement un rapport annuel qui décrit ce qui suit :

[...] la mesure dans laquelle les régimes de pension satisfont aux exigences de capitalisation [...] et les mesures correctives prises ou ordonnées pour remédier aux régimes de pension qui ne satisfont pas aux exigences de capitalisation.

Ces trois changements importants contribueront à protéger le revenu différé des employés qui participent à un régime privé à prestations déterminées.

Avant d’aller plus loin, je vais prendre un instant pour corriger une réponse que j’ai donnée après mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Le sénateur Dalphond m’a demandé si la Loi sur les normes de prestation de pension s’appliquait seulement aux régimes de pension dans les secteurs de compétence fédérale ou si elle s’appliquait aussi aux régimes réglementés par les provinces. Je me suis trompé en disant qu’elle s’appliquait aux régimes de pension provinciaux, ce qui n’est pas le cas — du moins, pas entièrement. Permettez-moi de m’expliquer.

Le projet de loi C-228 modifie trois lois distinctes. L’une d’entre elles est la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension. Cette loi n’a d’incidence que sur les régimes de retraite sous réglementation fédérale. La modification apportée par le projet de loi C-228 à la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension crée simplement l’exigence d’un rapport annuel détaillé pour les régimes sous réglementation fédérale. Il ne crée aucune exigence de rapport pour les régimes réglementés par les provinces et n’empiète donc pas sur la compétence provinciale. Je crois que c’était la préoccupation du sénateur Dalphond, et il a raison.

Les deux autres lois modifiées par le projet de loi C-228 sont la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Ces deux lois ont une portée nationale, et elles ont des répercussions sur les procédures de faillite et d’insolvabilité de toutes les sociétés au Canada, qu’elles soient constituées en vertu d’une loi fédérale ou provinciale. C’est de cela que je parlais lorsque j’ai répondu à la question.

(2120)

Alors que les modifications à la Loi sur les normes de prestation de pension créent l’obligation de faire rapport, tous les autres éléments du projet de loi C-228, y compris la création d’un nouvel ordre de priorité — un élément clé du projet de loi — sont créés par des modifications à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Chers collègues, les groupes de défense des pensionnés réclament depuis longtemps ce projet de loi, et ils ont comparu devant le comité pour nous donner leur appui sans réserve. Ils ont souligné que le projet de loi C-228 augmenterait enfin la protection pour des millions d’aînés canadiens et leur famille qui dépendent des régimes de pension à prestations déterminées pour leur sécurité financière pendant la retraite. C’est une mesure dont on a grandement besoin.

Comme je l’ai indiqué précédemment, le projet de loi C-228 permet de le faire en faisant passer les intérêts des personnes avant ceux des banques. À l’heure actuelle, si une entreprise dotée d’un régime à prestations déterminées devient insolvable ou déclare faillite, comme nous l’avons vu dans l’histoire récente du Canada, les titulaires de régimes de pensions n’ont pas voix au chapitre. Lorsqu’il s’agit de recouvrer ce qui leur est dû, ils se retrouvent à la queue de la file d’attente avec tous les autres créanciers non garantis. Le projet de loi C-228 remédie à cette situation en leur accordant ce que l’on appelle le statut de priorité absolue. Il s’agit du statut déjà accordé aux salaires et indemnités impayés qui sont dus aux employés, ainsi qu’aux cotisations de l’employé ou de l’employeur à un régime de pension agréé. Ce projet de loi place désormais les prestations de pension dans la même catégorie. Étant donné que les prestations de pension sont des revenus différés, ce changement est tout à fait logique.

Toutefois, chers collègues, je tiens à souligner que cela ne garantit pas que les prestations des régimes de pension seront toujours payées intégralement en cas d’insolvabilité ou de faillite. Il pourrait y avoir des cas où, malgré la priorité absolue, les actifs de l’entreprise en faillite ne suffisent pas à couvrir toutes les créances de la priorité absolue. Toutefois, le projet de loi a pour effet de placer les retraités vers l’avant de la file d’attente, au lieu de les laisser à l’arrière.

En outre, en créant une obligation de rapport annuel, les modifications apportées par le projet de loi C-228 se traduiront par une plus grande responsabilité et une plus grande transparence, ce qui contribuera à garantir que les régimes de pension soient entièrement contrôlés et capitalisés.

C’est en raison de ces simples objectifs que le projet de loi C-228 a été appuyé à l’unanimité à l’autre endroit. Les 318 députés qui étaient présents, le 23 novembre, lors du vote à l’étape de la troisième lecture, ont voté en faveur du projet de loi, y compris le premier ministre, la ministre des Finances, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, le ministre de la Justice et 31 autres ministres. Avec un tel appui à l’égard d’un projet de loi d’initiative parlementaire, il est difficile pour qui que ce soit de trouver des raisons de s’y opposer, mais certains ont tenté de le faire.

Un certain nombre d’associations, y compris des gestionnaires des régimes de pensions et des intervenants du milieu des finances et des affaires ont soulevé des préoccupations à l’égard du projet de loi, et le comité les a étudiées attentivement. Vous avez peut-être entendu parler de ces préoccupations sans toutefois avoir pu assister aux audiences du comité, alors je vais prendre un instant pour parler des principales préoccupations qui ont été soulevées.

Premièrement, le comité a entendu dire à plusieurs reprises que le projet de loi C-228 va plutôt nuire aux retraités s’il est adopté, puisqu’il poussera les employeurs à délaisser les régimes à prestations déterminées pour offrir plutôt des régimes inférieurs à cotisations déterminées.

Chers collègues, permettez-moi tout d’abord de dire que, même si cette affirmation était vraie, un régime de retraite à cotisations déterminées qui est garanti est plus précieux qu’un régime à prestations déterminées qui n’est pas garanti. Des prestations de retraite qui peuvent être réduites de 10 %, 20 %, 30 % ou même 50 % en cas de faillite n’offrent pas une grande sécurité. Si c’est la plus grande menace que les opposants au projet de loi C-228 peuvent trouver, elle n’a pas beaucoup de poids aux yeux des retraités.

Mais il s’avère que cette menace est facilement écartée. Comme l’ont souligné de nombreux témoins, les régimes de retraite privés à prestations déterminées sont déjà en déclin depuis plus de 20 ans. En 2000, 21,3 % des régimes de retraite du secteur privé étaient des régimes à prestations déterminées. En 2020, ce chiffre était passé à 9,6 %. Et il est encore plus bas aujourd’hui, chers collègues.

Les raisons de ce déclin des régimes à prestations déterminées n’ont pas été entièrement documentées, mais l’un des facteurs qui y a contribué, et qui a été souligné en comité, est que les régimes à prestations déterminées à employeur unique n’attirent plus les salariés comme auparavant. Pour maximiser les avantages des régimes à prestations déterminées à employeur unique, il faut travailler pour le même employeur pendant 25 ou 30 ans. Le problème est que la plupart des gens ne considèrent plus cela comme un plan de carrière probable. Les régimes à prestations déterminées à employeur unique sont de moins en moins utilisés depuis des décennies. C’est une menace vide de sens que de suggérer que le projet de loi C-228 déclenchera ce qui est déjà en train de se produire et qui se produit depuis une génération.

Toutefois, chers collègues, en plus de ceci, il y a trois autres raisons pour lesquelles le projet de loi C-228 ne constitue pas une menace pour les régimes à prestations déterminées et les pensions de plus de 1,2 million de Canadiens qui continuent de cotiser à ceux-ci. Premièrement, dans l’éventualité où le projet de loi C-228 effrayerait un employeur au point où il voudrait mettre fin à son régime à prestations déterminées, précisons qu’un grand nombre de ces régimes sont assujettis à des conventions collectives. Comme un témoin l’a soulevé, ces entreprises ne seront vraisemblablement pas capables de mettre fin à leur régime sans d’abord convenir d’une entente à la table de négociation.

Deuxièment, dans l’éventualité où une entreprise réussirait à négocier la fin d’un régime à prestations déterminées, la cessation de ce régime ne pourrait avoir lieu avant qu’il ne soit pleinement capitalisé. Cela signifie que tous les employés touchant une pension ou ayant droit à une pension future seraient protégés. Conformément à la loi en vigueur, si une entreprise veut mettre fin à un régime à prestations déterminées, elle a cinq ans pour veiller à ce qu’il soit pleinement capitalisé.

Troisièmement, si un employeur s’inquiète de l’incidence du projet de loi C-228 et qu’il souhaite offrir un régime à prestations déterminées et à employeur unique, il peut quand même se prévaloir de l’option de participer à un régime de pension interentreprises. Ces régimes sont solides et ils connaissent une croissance importante, en partie parce qu’ils offrent aux employés la possibilité d’avoir un seul régime de pension même s’ils changent d’employeur participant.

De plus, comme leurs fonds de pension sont mis en commun par de nombreux employeurs, la pension d’un membre n’est pas affectée si son employeur fait faillite. Son régime de retraite demeure intact parce qu’il fait partie d’un fonds beaucoup plus vaste qui ne dépend pas d’un seul employeur. Une des personnes venues témoigner devant le comité représentait le régime de retraite des Collèges d’arts appliqués et de technologie ou CAAT, et ce régime craignait que les employeurs croient à tort que le projet de loi C-228 vise leur régime de retraite interentreprises.

Dans son mémoire, le régime de retraite des CAAT admet que cette perception serait inexacte. Il note ceci :

Partout au Canada, il existe des types de régimes de retraite interentreprises [...] pour lesquels l’employeur, selon ce que prévoit la loi, n’a aucune obligation de financer des montants supérieurs à ses cotisations mensuelles.

Le régime ajoute ceci :

Nous reconnaissons que la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne peut pas créer une dette là où il n’y en a pas et que, par conséquent, les régimes interentreprises à risque partagé ne sont probablement pas couverts par le projet de loi C-228.

Ils ont raison sur ce point. Le projet de loi C-228 ne crée pas de créances en cas d’insolvabilité ou de faillite. Il fait simplement en sorte que s’il existe des créances, on accorde la priorité aux régimes de retraite des employés ainsi qu’aux traitements et aux salaires dus.

Le rapport du comité sénatorial concernant le projet de loi C-228 contenait une observation au sujet des régimes de retraite interentreprises :

[...] ce type de régime de retraite n’était pas visé par le projet de loi et [...] seuls les employeurs légalement responsables du maintien d’une caisse de retraite seraient tenus de verser les paiements dus à leurs employés en cas de faillite.

C’est une précision, chers collègues, que nous avons décidé d’inclure dans les observations.

Une autre préoccupation dont le comité a entendu parler à propos du projet de loi C-228 est l’idée que la priorité absolue accordée aux régimes de retraite des employés, parmi les créanciers, risquerait sérieusement de nuire à l’accès de l’entreprise au crédit. Il s’agit là, chers collègues, d’une curieuse objection au projet de loi. Au fond, on soutient que ce sont les salariés qui devraient assumer le risque associé à leurs régimes de retraite, et non les employeurs. On affirme que si l’on fait porter aux employeurs la responsabilité de respecter l’engagement qu’ils ont pris envers leurs employés, cette situation est injuste pour eux et menacera d’une certaine manière la viabilité de leur entreprise.

Non seulement cette position est étrange, mais il convient de souligner, tout d’abord, que si une entreprise peut démontrer que son régime à prestations déterminées est entièrement capitalisé, comme il devrait l’être, un tel risque n’existe pas.

En second lieu, le projet de loi C-228 donnera aux employeurs quatre ans pour s’assurer que leurs régimes sont solvables et les incitera à maintenir leurs régimes solvables. Si une entreprise n’est pas en mesure de rendre ses régimes solvables dans un délai de quatre ans, il est évident qu’elle présente un risque plus élevé et qu’elle devrait peut-être payer des taux d’intérêt plus élevés.

Laisser entendre que la loi ne devrait pas protéger les régimes de pension des employés seulement pour que les employeurs aient accès au crédit à moindre coût est incroyablement égoïste. Cela laisse entendre que ce sont les employés qui devraient supporter les risques de l’entreprise. Le comité n’a pas souscrit à cet argument.

Le comité a aussi entendu des intervenants s’inquiéter qu’en cas d’insolvabilité, le projet de loi C-228 risque d’empêcher une entreprise de se restructurer ou, si elle est vendue, d’empêcher l’acheteur d’assumer le passif du régime de pension afin d’en maintenir l’intégrité. On laisse entendre qu’en accordant la priorité absolue au passif des régimes de retraite on éliminerait en quelque sorte les options de restructuration qui existeraient autrement.

(2130)

C’est inexact. En cas d’insolvabilité, le projet de loi C-228 garantirait aux retraités un siège à la table du processus de restructuration. Comme l’a fait remarquer le Congrès du travail du Canada :

En l’absence d’une super-priorité du déficit du régime de retraite, les personnes participantes actives et retraitées se trouvent dans une situation très difficile et très inéquitable. Afin d’éviter la liquidation du régime de retraite — et les tout à fait catastrophiques réductions des pensions et des prestations qu’elle comporte — les personnes participant au régime sont incitées à accepter « volontairement » des réductions radicales des pensions et des prestations au cours des procédures découlant de la LACC. Habituellement, les travailleurs et travailleuses et les personnes qui participent au régime sont incitées vers le début de la procédure à accepter des réductions massives sous la menace de subir des coupures encore plus dévastatrices si elles résistent.

Puisqu’elles n’ont aucune protection en cas de faillite ou de liquidation, ces personnes risquent de tout perdre si elles n’acceptent pas une profonde coupure de leurs pensions et prestations [...]

Chers collègues, le projet de loi C-228 n’augmente pas le risque pour les retraités; il le réduit. En cas de restructuration, il leur donne une voix forte et une bien meilleure position de négociation au lieu de les reléguer au dernier rang. Le projet de loi C-228 est grandement nécessaire et se fait attendre depuis trop longtemps. Au nom des travailleurs de tout le pays, je souhaite que nous adoptions rapidement ce projet de loi et que nous donnions aux travailleurs la protection qu’ils méritent. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-228, Loi sur la protection des pensions.

Bon nombre de retraités, de militants, de travailleurs et de syndicalistes ont travaillé sans relâche et avec dévouement pendant des décennies pour que ce jour arrive enfin. Aujourd’hui, nous devons penser à eux et aux efforts qu’ils ont déployés pour obtenir des résultats sans précédent pour les travailleurs et les retraités.

Honorables collègues, vous pouvez jouer un rôle de premier plan pour mener à bien ce projet en appuyant dès aujourd’hui ce projet de loi sans proposition d’amendement.

Lorsqu’on me demande en quoi consiste le projet de loi C-228, je réponds simplement que c’est une question d’équité, de respect à l’égard des contributions des travailleurs et de leur dévouement pour leurs employeurs, et qu’il s’agit de reconnaître le droit de tous de vivre leur retraite dans la dignité.

Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord saluer le sénateur Wells et le remercier d’avoir parrainé le projet de loi. C’est un collègue formidable avec qui travailler. Je tiens aussi à remercier mes collègues du Comité sénatorial des banques de leur travail exceptionnel. Je remercie la sénatrice Wallin, présidente du Comité, et l’ensemble des membres du Comité pour le travail très important qu’ils ont fait avant de renvoyer le projet de loi au Sénat.

Je crois que les membres du Comité sont conscients de l’injustice fondamentale que des retraités ont subie à cause du cadre législatif actuel sur la faillite. Cette solution n’est peut-être pas parfaite, mais je sais que c’est la meilleure dont nous disposons à l’heure actuelle pour protéger les perspectives de retraite des travailleurs et des retraités.

Chers collègues, les détracteurs de ce projet de loi fondent leurs arguments sur les conséquences imprévues qu’il pourrait avoir s’il était adopté. Ils affirment que le projet de loi pourrait rendre l’accès aux capitaux plus difficile, qu’il pourrait augmenter les coûts d’emprunt, ou qu’il pourrait entraîner une diminution du nombre de régimes à prestations déterminées. Or, il ne s’agit que de suppositions. Ce sont des arguments qui ont peu de poids quand on les compare à la certitude que les lois actuelles sur la faillite ont coûté cher aux travailleurs et aux retraités qui travaillaient pour une entreprise ayant fait faillite avec un fonds de pension déficitaire.

Nos lois actuelles relèguent au second plan la dignité de ces travailleurs et le respect de leur carrière.

Chers collègues, ce sont les conséquences inhérentes et néfastes bien connues de nos lois actuelles sur la faillite que je vous demande de corriger dans l’intérêt des travailleurs qui, en toute bonne foi, ont convenu avec leur employeur de reporter leur salaire d’aujourd’hui pour assurer leur retraite demain.

Les sénateurs peuvent se demander ce qui fait que l’on doit accorder la priorité absolue à un régime à prestations déterminées en cas de déficit dans le cadre d’une procédure de faillite. Cela dépend de l’importance que l’on accorde au lien de confiance et au respect d’une promesse lorsqu’il s’agit de l’atout le plus important d’une entreprise, à savoir, ses employés. Les régimes à prestations déterminées établis par un employeur font partie intégrante du processus de négociation collective et du contrat de travail. Ils sont négociés et acceptés de la même manière que les salaires.

Les travailleurs seront souvent prêts à réduire leur salaire et préféreront que l’argent aille plutôt dans un régime de pensions afin d’avoir une retraite plus sûre — ce qui représente concrètement une rémunération différée. L’entente négociée repose sur la promesse de l’employeur de verser les contributions exigées dans le régime de pension des employés et sur la confiance des employés envers l’employeur à cet égard.

La future retraite des travailleurs repose sur le respect de cette promesse et de cette confiance. Dans la plupart des cas, la promesse est tenue et la confiance des employés était justifiée. Par contre, il est arrivé que l’employeur rompe sa promesse et trahisse la confiance des travailleurs. Nous connaissons ces employeurs : Nortel, Sears, Eaton, Massey Ferguson, Cliffs Natural Resources et bien d’autres encore. Les conséquences peuvent être dévastatrices pour les pensionnés et leur famille qui ont travaillé toute leur vie en croyant que la promesse serait respectée et que leur confiance serait récompensée.

Je veux parler un instant de ce que cela signifie pour un pensionné lorsque la promesse est rompue et que sa confiance est trahie. Je vais parler de pensionnés qui ont subi les conséquences imprévues de la législation actuelle en matière de faillites.

Ron, Audrey et Attilio sont 3 des 1 600 anciens employés de Sears qui ont dû composer avec la réalité d’une réduction de leur pension de près de 15 %. Voici quelques passages du mémoire de l’association des retraités de Sears Canada concernant ce projet de loi. Ron Husk, de Mount Pearl, à Terre-Neuve, qui a travaillé pour Sears durant 35 ans, a dit : « C’est épouvantable. Je n’en dors pas la nuit; je ne sais pas du tout quoi faire. »

C’est ce qu’a dit l’ancien vendeur d’appareils électroménagers aujourd’hui âgé de 77 ans. Ron a dû retourner sur le marché du travail pour compenser la baisse de sa pension et de ses prestations.

Audrey, de Beaver Dam, au Nouveau-Brunswick, a travaillé durant 50 ans pour Sears et jusqu’au dernier jour d’ouverture du magasin. Elle ne parvenait pas à croire que la pension à laquelle elle avait contribué et qu’on lui avait promise toute sa vie pouvait être amputée de 20 %. « C’est tellement injuste », s’est-elle désolée.

Attilio, de l’Alberta, a dû envisager de retourner travailler comme vendeur pour compenser la baisse de revenus, ce qu’il n’avait pas l’intention de faire. « Qui, dites-moi, va embaucher un vieil homme de 73 ans?, s’est-il exclamé. Je ne peux pas rester debout plusieurs heures. Je fais de l’arthrite. » Attilio a été au service de Sears durant 44 ans.

Voici un exemple provenant du mémoire des Métallos qui parlait des 1 700 pensionnés de Cliffs Natural Resources, qui a fait faillite en 2015 : pour Rose et Aurelien, la faillite de Cliffs représentait une perte de 400 $ par mois. Ils ont expliqué : « À notre âge, nous ne retournerons pas travailler. Nous vivrons avec ce qu’il nous reste. »

Les pensionnés de l’Usine Stadacona de Papiers White Birch ont fait face à une réduction de 47 % de leur pension en décembre 2012. Au bout du compte, après avoir fait des gains, ils doivent vivre le reste de leur vie avec une réduction de 30 % de leur pension. Ils en ont tous été touchés d’une manière ou d’une autre, au chapitre de la santé, de la famille, des loisirs, et ainsi de suite. Nombre d’entre eux vivent désormais sous le seuil de la pauvreté. Certains retournent au travail à 70 ans ou plus, s’ils sont en assez bonne santé pour pouvoir le faire.

(2140)

Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à empêcher que des pensionnés subissent le même sort que d’autres ont connu lors de faillites, par le passé. Les créanciers commerciaux, comme les banques et les institutions financières, sont des prêteurs avisés qui peuvent prendre des mesures pour protéger leur investissement contre le risque de défaut de paiement. Ils peuvent examiner minutieusement leurs prêts, transférant le risque à l’investisseur. Ils peuvent s’attendre à ce que les entreprises capitalisent entièrement leurs régimes de pension et d’avantages sociaux et qu’elles gèrent prudemment les risques. Ils peuvent aussi exiger qu’on leur divulgue plus de détails sur l’état de capitalisation de leur régime de pension.

Les pensionnés, eux, ne peuvent pas protéger leurs pensions et leurs prestations contre le risque de défaut de paiement. Ils n’ont pas de multiples régimes privés de pension et d’économies importantes pour compenser leurs pertes, et ils ne peuvent pas forcer leur ancien employeur à maintenir la pleine capitalisation de leur régime de pension.

J’aimerais revenir sur la question des conséquences involontaires que j’ai mentionnée plus tôt, un sujet dont les critiques ont souvent parlé et, en particulier, sur la façon dont ce projet de loi peut influer sur la capacité d’une entreprise d’accéder à des capitaux. Honorables sénateurs, je dirais que la question n’est pas de savoir si une entreprise risque de ne pas avoir accès aux capitaux. Il s’agit des conséquences des choix financiers qu’une entreprise fait lorsqu’il y a un déficit du fonds de pension. La seule conséquence involontaire de ce projet de loi est que les choix financiers d’une entreprise incluront désormais, bien sûr, les intérêts des pensionnés, ce que les lois actuelles sur la faillite ne prennent délibérément pas en compte. Je pense, comme beaucoup, que si l’on change les règles, les entreprises changeront de comportement.

Est-ce que je crois que ce changement de comportement sera encouragé par les institutions de crédit qui seront plus vigilantes et veilleront à ce que les entreprises auxquelles elles accordent des prêts disposent d’un régime de pension bien provisionné? Oui, je le crois. Cela signifie-t-il que les entreprises ne pourront pas verser de dividendes ou racheter des actions avant d’avoir comblé leur déficit? C’est très probable.

Honorables sénateurs, ne pensez-vous pas que ce serait une bonne chose si les pensionnés étaient moins susceptibles de perdre une grande partie de leur future retraite?

Avant de conclure, je tiens à saluer, bien évidemment, les nombreuses personnes qui ont permis que nous en soyons là aujourd’hui. D’abord, je remercie les parlementaires qui ont commencé à proposer des projets de loi d’initiative parlementaire et des projets de loi d’intérêt public sur le sujet il y a plus de 15 ans. Deux d’entre eux l’ont fait dans cette enceinte. Il s’agit, bien sûr, de l’actuel Président et du sénateur à la retraite Art Eggleton. Leurs efforts ont pavé la voie pour la députée Marilyn Gladu, qui a travaillé avec tous les partis à l’autre endroit pour que le projet de loi soit adopté à l’unanimité.

Je veux aussi souligner le travail des associations de travailleurs comme Unifor, le Syndicat des Métallos et le Congrès du travail du Canada, qui n’ont jamais laissé ce dossier tomber dans l’oubli au nom de leurs membres et de leurs pensionnés.

Je voudrais également remercier les pensionnés qui ont pris le temps de communiquer avec moi et tous les autres sénateurs, que ce soit par téléphone, par courriel ou par la poste. Bon nombre d’entre eux ne profiteront pas du projet de loi C-228, mais ils nous ont tout de même raconté leurs histoires émouvantes de stress, de difficultés et de dur labeur.

Enfin, je tiens à saluer tout particulièrement les défenseurs des pensions et les efforts inlassables et désintéressés qu’ils déploient pour assurer un avenir plus équitable aux retraités de tout le pays. Je tiens à reconnaître et à remercier des groupes comme la Fédération canadienne des retraités, le Groupe des pensionnés Pages Jaunes, l’organisation Pionairs d’Air Canada, CanAge, CARP, le Réseau canadien pour la prévention du mauvais traitement des aînés, le réseau FADOQ, l’Association des syndicalistes retraités du Canada et la Fédération nationale des retraités. Ces groupes ont lutté, non pas pour leur propre intérêt, mais pour celui de la prochaine génération de retraités au pays. C’est grâce à toutes ces personnes et à tous ces groupes que nous sommes saisis de ce projet de loi aujourd’hui.

Ils attendent de nous que nous fassions le dernier pas pour garantir une retraite juste et digne aux retraités comme eux.

En conclusion, honorables sénateurs, nous avons devant nous un projet de loi qui vise à corriger des lois injustes sur la faillite, qui ont maintenu la dignité des personnes et le respect de toute une vie de travail bien trop longtemps à l’arrière de la file d’attente dans des faillites qu’elles n’ont pas contribué à provoquer en premier lieu.

Les travailleurs et les retraités ne doivent pas être considérés comme des biens de consommation courante dans les procédures d’insolvabilité, comme cela a été le cas lors des faillites de Nortel, de Sears, de Massey Ferguson et de la White Birch Paper Company, ainsi que de bien d’autres entreprises. Les entreprises peuvent financer entièrement leurs régimes de retraite, mais elles choisissent de ne pas le faire, car la législation actuelle leur permet de sous-financer leurs régimes, ce qui a pour conséquence involontaire de ne léser personne d’autre que les employés et les retraités. Aujourd’hui, chers collègues, vous pouvez redresser la situation et rétablir l’équité pour les employés et les retraités dans nos lois sur les faillites, afin de garantir que leur travail soit placé au premier rang, et non pas au dernier.

Bien entendu, la question que vous devez vous poser est la suivante : après une vie de dur labeur, quelqu’un devrait-il peiner à joindre les deux bouts durant sa retraite à cause d’une loi injuste? Honorables sénateurs, je pense que la réponse est non, et je vous invite, bien sûr, à soutenir le droit des retraités à une retraite digne en adoptant ce projet de loi.

Sur une note personnelle, cela fait 30 ans que j’attends de pouvoir faire ce discours. Je me disais qu’un jour, la loi finirait par changer. Je ne m’attendais pas à me trouver dans cet endroit au moment où cela se produirait.

Je dois avouer que le chemin parcouru pour se rendre ici n’est pas tout à fait normal. J’aimerais remercie la députée Marilyn Gladu pour son ouverture à collaborer avec moi. J’ai communiqué avec elle pour m’informer sur son projet de loi. Elle m’a répondu : « Certainement. » Je lui ai dit que j’avais des suggestions à lui faire et lui ai demandé si elle voulait les examiner. Elle était d’accord. Nous avons discuté et travaillé ensemble, mais le plus important, c’est qu’elle a fait preuve d’ouverture pour collaborer avec les autres partis de l’autre endroit afin d’atteindre des objectifs communs. Je ne saurais dire à quel point la tâche a été colossale pour obtenir l’adhésion de tout le monde.

En terminant, chers collègues, je pourrais vous raconter de nombreuses autres histoires tristes. Je sais que des hommes et des femmes auraient aimé être avec nous ce soir pour prendre part à la discussion et être témoins de ce débat. En raison des contraintes de temps pour ce projet de loi, ces gens ne sont pas avec nous. Je sais par contre qu’ils lèveront leur verre pour nous remercier de faire la bonne chose. J’espère que vous vous joindrez à mes collègues et à moi pour voter en faveur de ce projet de loi dans sa forme actuelle, sans apporter d’amendements, afin de créer un moment historique pour les travailleurs de notre pays.

Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-228, Loi sur la protection des pensions, que j’appuie. Ce projet de loi a été présenté à l’autre endroit par notre collègue, la députée Marilyn Gladu, et parrainé de main de maître au Sénat par le sénateur Wells. Je les remercie tous les deux pour leur travail et leur engagement à veiller à ce que le Parlement adopte ce projet de loi visant à protéger les pensions des travailleurs canadiens.

Comme vous le savez, le projet de loi C-228 vise à modifier la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ainsi que la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies afin d’accorder la priorité absolue aux retraités lorsque des entreprises font l’objet de procédures de faillite ou d’insolvabilité. Il s’agit d’un changement bienvenu qui était attendu depuis longtemps.

Pendant les délibérations du comité, on nous a souvent rappelé que le projet de loi C-228 avait été adopté à l’unanimité à l’autre endroit par 318 voix contre 0. Si nous devons nous fier à nos boîtes de réception de courriels, des centaines, voire des milliers de Canadiens nous ont envoyé des messages pour nous demander d’adopter ce projet de loi le plus rapidement possible.

Je suis d’accord avec eux. C’est un bon projet de loi. Ses intentions sont bonnes, et il devrait être adopté dès que possible, voire ce soir.

La plupart d’entre nous peuvent probablement approuver l’idée de donner à la pension et aux prestations un statut de priorité absolue dans le cadre des procédures d’insolvabilité. Les travailleurs ont passé leur vie à travailler fort et à cotiser pour leur retraite, et nous devons les protéger. C’est un juste retour des choses. Je suis d’accord avec le sénateur Yussuff pour dire que les actifs les plus précieux d’une entreprise sont ses travailleurs.

J’ai toujours eu l’habitude de visualiser le triangle magique, où il y a le client au sommet, les actionnaires et les travailleurs. Sans les travailleurs, le client n’est pas satisfait.

Toutefois, je tiens à faire part de certaines préoccupations qui doivent être surveillées dans l’intérêt de tous les futurs travailleurs. J’ai toujours dit : « Les entreprises créent des emplois. Si les entreprises prospèrent, les clients prospèrent, les collectivités prospèrent et les travailleurs prospèrent. » Je veux présenter ces arguments, de même que ceux entendus en comité.

(2150)

Certains intervenants s’inquiètent du fait qu’en donnant au passif des régimes de retraite la priorité sur les intérêts des créanciers garantis, il pourrait être de plus en plus difficile d’obtenir un financement et les régimes de retraite à prestations déterminées pourraient devenir moins attrayants et moins populaires.

À l’heure actuelle, le passif de l’employeur en matière de pension n’est « superprioritaire » en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies que dans la mesure où il s’agit, d’une part, de montants impayés déduits de la rémunération des employés pour contribuer au fonds de pension ou, d’autre part, de coûts normaux impayés ou d’autres montants impayés que l’employeur était tenu de verser au fonds de pension ou à l’administrateur dans le cadre d’une disposition à cotisations déterminées ou d’un régime de pension agréé, respectivement.

Le projet de loi C-228 propose d’élargir la liste des passifs en matière de pension ayant une superpriorité pour inclure, premièrement, les paiements spéciaux que l’employeur est tenu de verser au fonds pour liquider un passif non capitalisé ou combler un déficit de solvabilité et, deuxièmement, tout montant requis pour la liquidation de tout autre passif non capitalisé ou déficit de solvabilité du fonds.

Lorsqu’il est question du passif non capitalisé d’un régime de pension, il s’agit habituellement du montant additionnel qui doit être ajouté aux actifs du fonds pour permettre au fonds de continuer à payer les prestations à leur échéance si le fonds devait fonctionner indéfiniment. Le déficit de solvabilité est le montant supplémentaire dont le fonds a besoin pour remplir ses obligations s’il devait être liquidé.

Le passif non capitalisé et le déficit de solvabilité n’ont pas de valeur fixe parce qu’ils fluctuent de temps à autre et ne peuvent être évalués par les actuaires qu’à un moment donné. Cela peut être problématique dans le cas des régimes de retraite à prestations déterminées.

Pour plus de clarté, selon la définition de Statistique Canada, un régime de retraite à prestations déterminées est un type de régime de retraite dans lequel un employeur ou un promoteur promet un paiement de pension précis, un paiement forfaitaire ou une combinaison de ces paiements au moment de la retraite. L’employeur est responsable de la gestion des investissements et des risques du régime.

Nous savons que deux tiers de tous les participants à un régime de pension agréé au Canada sont couverts par un régime à prestations déterminées, soit 4,4 millions de Canadiens. Nous savons également que les régimes à prestations déterminées ont connu une forte baisse dans le secteur privé. Selon Statistique Canada, 21,3 % des régimes du secteur privé étaient des régimes à prestations déterminées en 2000. Ce pourcentage est tombé à 9,6 % en 2020. On nous a rappelé en comité que les petits et grands employeurs qui ont des régimes à prestations définies ont aussi de plus en plus tendance à faire la transition à des régimes à cotisations déterminées, ce qui n’est évidemment pas le scénario idéal pour les travailleurs canadiens. Par exemple, les régimes à cotisations déterminées, ainsi que les régimes mixtes et les modèles hybrides, sont passés de 6,8 % en 2000 à 14,5 % en 2020.

Je crois fermement qu’un régime de retraite à prestations déterminées présente encore de nombreux avantages lorsqu’il est correctement capitalisé. Le problème, c’est que le passif non capitalisé n’est pas toujours voulu. La capitalisation de ces régimes de retraite comporte une grande part d’incertitude. Ils doivent donc être correctement capitalisés, et de nombreuses solutions existent pour y parvenir. Toutefois, compte tenu de la valeur incertaine du passif non capitalisé et du déficit de solvabilité des régimes à prestations déterminées, les prêteurs ne seront pas en mesure de déterminer le montant du passif potentiel du régime de pension dans l’éventualité d’une faillite. Comme je l’ai indiqué, il s’agit d’une incertitude. Cette incapacité à mesurer le risque de manière fiable limitera probablement la volonté des prêteurs à accorder du crédit et augmentera les coûts d’emprunt pour les emprunteurs ayant des régimes à prestations déterminées, surtout dans les cas de restructuration pour insolvabilité, ce qui, malheureusement, pourrait accroître le risque de faillite.

Comme je l’ai indiqué, je suis favorable à ce plan, et je l’approuve. En revanche, il convient de surveiller ces risques à l’avenir. À titre d’ancien banquier, je peux affirmer que les banquiers n’aiment pas les incertitudes et les risques qu’ils ne sont pas en mesure de mesurer ou de limiter. Les prêteurs accordent des prêts en fonction de formules de calcul de la marge, qui sont exactes, et qui réduisent précisément les créances antérieures afin de déterminer les marges d’emprunt. L’adoption du projet de loi risque de réduire ces marges, notamment dans les cas d’insolvabilité, et d’avoir l’effet pervers de rendre les restructurations d’entreprises plus difficiles.

Au bout du compte, il est probable que le projet de loi C-228 provoque ou accélère le passage des employeurs des régimes de pension à prestations déterminées à des régimes à cotisations déterminées. Concrètement, même si le projet de loi a pour objectif de protéger les régimes de pension, il pourrait potentiellement amener les employeurs à profiter de la période de transition de quatre ans pour mettre de côté leurs régimes de pension à prestations déterminées.

Randy Bauslaugh, de McCarthy Tétrault, a récemment écrit pour l’Institut C.D. Howe que l’adoption du projet de loi C-228 allait probablement faire passer le risque financier sur les épaules des créanciers, des actionnaires et des partenaires financiers. À leur tour, les prêteurs :

[...] imposeront de nouvelles conditions pour l’obtention de prêts ou de capitaux. Il pourrait notamment s’agir de garanties de sécurité accrues équivalentes ou supérieures au passif du régime de pension, de l’imposition de coûts d’emprunt accrus, de l’exigence d’un financement complet, plutôt que provisoire, des charges à payer et, dans bien des cas, d’une exigence pour l’employeur de laisser tomber son régime de pension à prestations déterminées.

M. Bauslaugh a même laissé entendre que l’on conseillait déjà aux prêteurs et à d’autres intervenants du secteur financier de passer en revue la documentation et de la modifier afin que les débiteurs ou les partenaires n’aient pas de régime de pension à prestations déterminées et n’en créent pas de nouveaux. S’il a raison, cela laisse présager ce qui risque d’arriver.

Les leaders de l’industrie du secteur bancaire et du secteur des pensions ont fait écho, dans une lettre commune, aux observations de M. Bauslaugh et ont fait une mise en garde quant à la possibilité que « [...] le projet de loi C-228 modifie fondamentalement la façon dont les créditeurs évaluent le profil de risque [...] », ce qui les amènerait probablement à s’ajuster au risque accru de voir un emprunt ne pas être remboursé.

L’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation a également indiqué au comité qu’elle craignait la chose suivante :

 . . . la priorité absolue causera sans doute l’élimination progressive des régimes à prestations déterminées restants, en raison des défis que pose l’obtention du financement de la dette.

L’Association pense que le projet de loi C-228 :

… va probablement toucher les processus de réorganisation en vertu de la Loi sur l’insolvabilité, en décourageant le financement provisoire nécessaire pour envisager un processus de réorganisation ou pour débourser les fonds afin de terminer le processus.

Et cela permettra aussi de protéger des emplois.

Jean-Daniel Breton, le président de l’Association, fait aussi remarquer que :

Chaque fois qu’un créancier a la possibilité d’accorder ou non un crédit, il prend en considération le niveau de risque perçu à l’égard de l’entreprise.

Son collègue Alexander Morrison a ajouté que lorsqu’une entreprise traverse un processus de restructuration et se trouve en difficulté financière :

… il est essentiel qu’elle dispose de financement provisoire afin de gagner du temps et mener à bien la restructuration. Les créanciers qui se spécialisent dans le financement provisoire sont très réticents à offrir un prêt dans une situation où il y a une importante créance prioritaire potentielle sur un régime de retraite à prestations déterminées ayant priorité sur leur prêt.

En réponse à ce qu’ont dit certains joueurs de l’industrie, on nous a dit au comité que les banques trouveront des moyens de s’adapter et de se protéger de même que de contourner le système. Je suis d’accord pour dire que les banques vont s’adapter. Elles vont réévaluer leur formule de calcul de la marge, si bien qu’il pourrait être plus difficile pour les entreprises d’accéder à du financement si les calculs donnent un résultat négatif. Cependant, le problème, ce n’est pas seulement la banque, mais également l’employeur qui souhaite établir un régime de pension à prestations déterminées sachant que les banques considéreront d’abord les créances ayant préséance. Les banques vont évaluer les risques et pourraient, au bout du compte, exiger plus de frais pour accéder aux capitaux ou simplement réduire leur capacité de prêt. En fait, nous risquons d’observer une raréfaction des régimes à prestations déterminées en raison de ce projet de loi. Nous devrions pourtant encourager les employeurs à adopter de tels régimes, qui présentent, selon moi, de nombreux avantages comparativement aux régimes à cotisation déterminée.

Au contraire, étant donné que le marché du travail est très compétitif de nos jours, de nombreux employeurs se sentiront obligés d’adopter un régime à prestations déterminées pour attirer des employés et les conserver. On a présenté cet argument au comité. J’espère que ce sera le cas. Comme je l’ai déjà dit, la prospérité des entreprises et des employeurs entraîne la prospérité des collectivités et des employés ainsi que la création d’emplois.

Honorables sénateurs, compte tenu de ce que je viens de dire, je veux réaffirmer mon appui au projet de loi. Je l’appuie bel et bien. Il est essentiel que nous protégions les pensions des vaillants Canadiens, qui ont cotisé à leur régime de pension et comptent sur lui pour profiter d’une retraite bien méritée. Cependant, j’estimais important d’aborder et de ne pas perdre de vue certaines des conséquences involontaires que pourrait avoir le projet de loi C-228 ainsi que certains changements de dynamique qui pourraient avoir une incidence sur la relation entre les entreprises, les prêteurs et les travailleurs s’il est adopté.

Je ne veux certes pas avoir l’air d’être alarmiste, mais je soutiens que les créanciers ou les banques modifieront leur approche en matière d’octroi de prêts, ce qui pourrait compliquer de plus en plus les efforts de restructuration des entreprises en difficulté. On nous en a donné un exemple récent au comité quand on nous a parlé du cas de l’aciérie Algoma à Sault-Sainte-Marie. J’ai souvent entendu parler de la remise de chèques, de primes ou de dividendes. Au début de ma carrière dans le secteur bancaire, j’ai surveillé les activités de nombreuses entreprises insolvables, et je n’aurais jamais approuvé la remise de chèques, de primes ou de dividendes dans des situations d’insolvabilité. De tels chèques ne seraient jamais approuvés. Dans de tels cas, la banque travaille avec l’entreprise pour assurer sa viabilité et sa survie futures. On n’approuve jamais la remise de chèques en cas de restructuration.

À l’instar de la Chambre de commerce du Canada, j’estime que :

Les entreprises en difficulté auraient plus de mal à obtenir des prêts, ce qui irait à l’encontre d’un objectif fondamental de la législation sur l’insolvabilité, à savoir encourager les restructurations fructueuses qui permettent aux entreprises de continuer à employer des Canadiens […]

(2200)

Je crois que, en tant que sénateurs, nous avons le loisir de prendre du recul par rapport à ces questions. Je crains que le projet de loi C-228 n’atteigne pas nécessairement les objectifs de toujours être avantageux pour les futurs travailleurs et de leur accorder la priorité. Il serait malheureux qu’il n’y parvienne pas.

On pourrait même faire valoir que le projet de loi C-228 risque d’être avantageux pour les travailleurs et les pensionnés d’aujourd’hui, mais d’avoir des répercussions négatives sur les travailleurs et les pensionnés de demain, ceux qui n’ont pas encore intégré le marché du travail et qui pourraient ne pas avoir de pension du tout ou avoir des régimes moins favorables.

J’espère que les régimes de pension à prestations déterminées ne continueront pas à reculer avec l’adoption du projet de loi. Les régimes de pension à prestations déterminées offrent une plus grande sécurité aux pensionnés et, comme on nous l’a dit au comité, une protection contre la volatilité des marchés. Nous voulons encourager les employeurs à adopter ce type de régimes. Il sera important de suivre la situation et de recueillir des données dans les années à venir pour tenir compte de l’évolution des régimes de pension, surtout pendant la période de transition de quatre ans.

J’exhorte les sénateurs à adopter le projet de loi dans sa forme actuelle aujourd’hui. C’est ce que les travailleurs et les pensionnés canadiens attendent de nous. Cependant, j’invite le Sénat à surveiller la situation et à déterminer si le projet de loi a des répercussions imprévues sur les pensionnés actuels et futurs. J’espère qu’il n’en aura pas. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des députées Anju Dhillion, Pam Damoff et Ya’ara Saks. Elles sont accompagnées de représentantes de maisons d’hébergement pour femmes situées à Ottawa, Toronto et Montréal. Elles sont les invitées de l’honorable sénateur Dalphond.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Code criminel
La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dalphond, appuyée par l’honorable sénatrice Bernard, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime). Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, j’appuie le projet de loi à titre de porte-parole officiel et je crois qu’il pourrait avoir une incidence importante sur le règlement des cas de violence à l’égard d’un partenaire intime et sur les accords de garde.

Je tiens également à saluer les nombreuses personnes qui se sont jointes à nous ce soir et qui ont travaillé sur ce projet de loi depuis des années. Je vous remercie sincèrement pour vos efforts, votre détermination et votre volonté de faire en sorte que ce jour arrive enfin.

Je m’intéresse à la violence entre partenaires intimes depuis 2017. J’ai parlé à de nombreuses victimes et j’ai entendu des histoires poignantes, dont certaines que j’ai racontées dans cette enceinte. Comme mes honorables collègues le savent, à la suite de mes consultations, j’ai présenté le projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence conjugale.

Les statistiques sont éloquentes, et elles brossent un portrait sombre qui montre à quel point aucun gouvernement n’a pris la violence conjugale au sérieux par le passé. C’est peut-être difficile à croire, mais à l’heure actuelle, le Canada n’a pas de plan ni de stratégie de lutte contre la violence envers les femmes à l’échelle nationale. Des déclarations ont été faites, on continue de publier des gazouillis pour offrir des condoléances à l’occasion de l’anniversaire de tragédies comme la fusillade de Polytechnique, et des consultations auraient eu lieu pour élaborer un nouveau plan, mais les personnes qui militent en faveur du changement en ont assez des promesses. Il est temps d’agir.

Le projet de loi C-233 fait partie des outils importants à notre disposition, mais j’espère sincèrement que l’étude du projet de loi S-249 avancera rapidement afin que nous puissions commencer à mettre en œuvre une stratégie nationale complète pour lutter contre ce problème de société complexe.

Je rappelle à mes honorables collègues que le projet de loi C-233 comporte deux dispositions clés qui visent à réduire la prévalence de la violence conjugale et à atténuer les méfaits qui s’y rattachent. Premièrement, le projet de loi prévoit que le juge ait l’obligation, avant de rendre une ordonnance de mise en liberté à l’égard d’un prévenu inculpé d’une infraction contre son partenaire intime, de considérer s’il est souhaitable pour la sécurité de toute personne d’imposer au prévenu, comme condition dans l’ordonnance, de porter un dispositif de surveillance à distance.

Les mesures relatives aux dispositifs de surveillance électronique ont fait l’objet de certaines critiques et il est possible qu’elles créent un faux sentiment de sécurité chez les victimes. J’ai eu l’occasion de participer à la première réunion du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles sur ce projet de loi et j’ai interrogé les marraines à ce sujet. Elles ont répondu que, dans le cadre de leur travail auprès des victimes et des refuges pour femmes, elles avaient constaté que l’option de la surveillance, même si elle n’est pas parfaite, contribue à atténuer le stress ressenti par les plaignantes, et peut donner aux victimes une tranquillité d’esprit.

Même si je pense que la technologie n’est probablement pas parfaite, je crois aussi qu’il est utile de donner aux victimes la possibilité d’évaluer si leur agresseur se trouve dans les environs. De cette façon, elles peuvent prendre les choses en main, alerter la police et trouver un endroit sûr pour se protéger et protéger leur famille. Nous savons que redonner aux victimes un sentiment de contrôle peut être un instrument puissant pour qu’elles reconstruisent leur vie.

La deuxième disposition majeure du projet de loi est la modification de la Loi sur les juges. Le projet de loi C-233 ajoute les thèmes de la « violence entre partenaires intimes » et du « contrôle coercitif » à la liste des colloques de formation continue pour les juges. Cette partie du projet de loi est appelée « Loi de Keira », en l’honneur de Keira Kagan, une fillette ontarienne de quatre ans qui aurait été tuée par son père dans un meurtre-suicide motivé par la vengeance.

Le père de Keira avait un comportement abusif à l’endroit de sa mère, mais les tribunaux n’ont pas reconnu que ce comportement constituait un risque accru pour la sécurité de Keira. Les faits démontrent que malgré le chevauchement des facteurs de risque en matière de violence familiale et de mauvais traitements infligés aux enfants, les juges négligent souvent ce lien lorsqu’ils examinent des affaires de garde d’enfants. Deux semaines avant la mort de Keira, sa mère, Jennifer Kagan-Viater, avait présenté une demande visant à empêcher le père de Keira de la voir ou de la voir sous supervision, car elle s’inquiétait pour la sécurité de sa fille. Deux semaines plus tard, on a retrouvé Keira et son père morts au fond d’un ravin à Milton, en Ontario.

Le 9 février 2023, à l’occasion du troisième anniversaire de la mort de Keira, le Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale a publié un rapport à la suite de son examen. Ce rapport confirme que Keira avait probablement été tuée par son père, qui s’était suicidé par la suite. Toujours selon ce rapport, malgré des avertissements répétés, des facteurs de risque et de multiples audiences devant les tribunaux, le système avait été incapable de protéger Keira. Le même jour, le Bureau du coroner en chef de l’Ontario a annoncé qu’il allait mener une enquête sur la mort de Keira. Cette enquête se penchera sur les circonstances entourant sa mort, et un jury émettra des recommandations visant à prévenir d’autres décès.

Je n’ai aucun doute concernant le fait que ces développements sont dus à la ténacité de Jennifer et Philip Viater. Les efforts qu’ils ont déployés à la suite de cette tragédie pour faire avancer cette cause et attirer l’attention du public sur ce dangereux manque de compréhension sont vraiment louables et inspirants. Ils ont passé trois ans à promouvoir des propositions législatives et à mener une campagne de sensibilisation afin qu’aucune autre famille n’ait à vivre une tragédie aussi insensée et évitable.

(2210)

M. et Mme Viater ont témoigné dans le cadre de l’étude du projet de loi devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, aux côtés de Jo-Ann Dusel, directrice générale de l’Association provinciale des maisons et services de transition de la Saskatchewan. Mme Dusel a travaillé aux premières lignes, avec des milliers de victimes et de survivants de la violence entre partenaires intimes. Dans son témoignage, elle a cerné le problème en déclarant :

À ce jour, il semble que trop de juges ne reconnaissent pas les torts causés aux enfants lorsqu’un parent a maltraité l’autre. Pourtant, lorsque les victimes de violence entre partenaires intimes soulèvent cette question devant le tribunal de la famille, cela peut réduire le temps que le parent non violent est autorisé à passer avec son enfant. Même lorsque les juges reconnaissent les cas d’abus, ils les considèrent souvent comme des incidents isolés, et estiment que cela ne se reproduira plus, que c’est du passé, ou que c’est une caractéristique typique d’une relation très conflictuelle.

Chers collègues, s’il semble évident pour beaucoup d’entre nous qu’un agresseur est un agresseur, ce n’est manifestement pas reconnu de manière universelle. Lorsque j’ai posé des questions sur ce manque de compréhension et sur la raison pour laquelle ces facteurs de risque cruciaux sont traditionnellement ignorés, Mme Dusel a indiqué que les juges ne disposent pas d’un mécanisme pour recevoir continuellement des informations sur les nouvelles recherches ou les facteurs de risque au fur et à mesure qu’ils sont déterminés. Par conséquent, ce n’est peut-être pas tant que les juges ignorent les facteurs de risque, mais plutôt qu’ils n’en sont pas conscients.

Philip Viater, qui est lui-même avocat en droit de la famille, a ajouté :

Les juges ne semblent pas être au courant des facteurs de risque. De plus, les évaluations des risques sont pratiquement inexistantes. Lorsque je souligne des facteurs de risque devant les tribunaux, je peux vous dire que je me fais souvent rabrouer, parce que les juges n’y croient pas. Il y a un manque flagrant d’éducation à ce sujet.

Chers collègues, voilà pourquoi la partie du projet de loi qui porte sur la formation continue est essentielle. Les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. Nous parlons d’enfants qui sont sous la tutelle non supervisée d’un agresseur connu. Je suis impatient de voir l’adoption rapide du projet de loi et je suis reconnaissant de la coopération entre les caucus des deux Chambres pour le faire adopter aussi rapidement que nous l’avons fait. Je crois que cela témoigne de l’urgence des propositions.

Lorsque Mme Kagan a comparu devant le comité, je lui ai demandé de nous parler un peu plus de sa fille Keira. Pour rendre hommage à Keira et à sa famille, je pense qu’il est important que je vous fasse part de son témoignage ce soir :

Keira était une enfant adorable. À bien des égards, c’était une petite fille de 4 ans comme toutes les autres. Elle aimait jouer, elle aimait passer du temps avec ses amis. Elle était impétueuse et elle avait du cran. Elle disait ouvertement ce qu’elle pensait. Elle disait souvent qu’elle voulait changer le monde, qu’elle voulait transformer la vie des gens. Nous lui avons inculqué la valeur d’aider les personnes les plus vulnérables et d’essayer vraiment d’apporter sa contribution dans le monde, aussi fou que ce monde puisse nous sembler, de nos jours.

C’était une petite fille brillante, et je suis convaincue que si elle en avait eu l’occasion, elle aurait atteint son plein potentiel et accompli de grandes choses.

Selon moi, le projet de loi C-233 est empreint de l’esprit de Keira. Bien qu’il soit triste et malheureux qu’elle ne soit plus parmi nous, je souhaite que nous nous unissions pour adopter ce projet de loi pour réaliser le rêve de Keira de faire une différence en changeant les choses.

En pensant à Keira ce soir, je me suis rappelé la citation d’une autre personne spéciale, mère Teresa. Je la cite : « Seule, je ne peux pas changer le monde, mais en lançant une pierre dans l’eau je peux créer de nombreuses vagues. »

Chers collègues, en mémoire de Keira, je suis fier de voter en faveur du projet de loi C-233. J’espère que vous le ferez aussi.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi sur les compétences linguistiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Carignan, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi modifiant la Loi sur les compétences linguistiques (gouverneur général).

(Sur la motion de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)

Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Dean, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-233, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant, parrainé par notre collègue la sénatrice Pate.

Ce projet de loi ordonne au ministre des Finances d’élaborer un cadre national afin de mettre en œuvre un programme de revenu de base garanti dans l’ensemble du Canada pour toute personne âgée de plus de 17 ans, y compris les travailleurs temporaires, les résidents permanents et les demandeurs d’asile.

Avant de poursuivre, je tiens à féliciter la sénatrice Pate du travail qu’elle a accompli en se faisant la championne de tant d’initiatives visant à améliorer la vie des personnes démunies au Canada. Cette démarche nous permet de réfléchir à des choses qui, parfois, ne sont pas au premier plan de nos préoccupations. En grandissant dans une petite ville du Cap-Breton, j’ai vu beaucoup de personnes marginalisées, ayant accès à des débouchés limités. Sur le plan financier, la plupart des personnes vivaient dans un monde que l’on pourrait qualifier de classe moyenne inférieure. C’était assurément le cas de ma famille, même si, avec 10 enfants et une famille élargie, maman et papa avaient probablement un peu plus de bouches à nourrir que la plupart des gens.

J’ai également été témoin de la vraie pauvreté, bien que les raisons de celle-ci, comme beaucoup d’autres choses, soient souvent le résultat de circonstances plus nuancées que certains pourraient être portés à croire. Il existe aussi beaucoup de zones grises. Je ne sais pas si la pauvreté est pire aujourd’hui qu’il y a 50 ans, mais je sais que ce ne devrait pas être le cas compte tenu de la quantité d’argent et de ressources qui est consacrée aujourd’hui aux personnes et aux communautés par rapport à il y a 50 ans. Je ne partage peut-être pas toujours les opinions de la sénatrice Pate concernant les solutions à apporter à certains problèmes, mais les efforts inlassables qu’elle déploie dans ces dossiers difficiles enrichissent le discours du Sénat et je tiens à la saluer pour cela.

Le concept d’un revenu de base n’est pas nouveau. On peut dire qu’il remonte à 1516 avec la publication de L’utopie de Thomas More. M. More était un homme sage et un conservateur brillant et influent qui avait des principes. Bien entendu, en raison de ses principes, il a plus tard été emprisonné dans la Tour de Londres par Henri VIII, reconnu coupable de trahison et décapité. Apparemment, le choix d’adhérer à ses principes peut comporter certains risques. Considéré comme un martyr pour sa foi, il a été canonisé en 1935 et, en l’an 2000, le pape Jean-Paul II l’a déclaré saint patron des hommes d’État et des politiciens. Le pauvre homme n’a pas de répit. Imaginez que vous ayez cette responsabilité et ce fardeau dans l’au-delà.

À l’ère moderne, on a accordé une attention considérable au concept d’un revenu annuel garanti lorsqu’il a été défendu par le lauréat du prix Nobel et économiste du libre marché Milton Friedman. Ce dernier a fait valoir qu’un revenu universel de base serait une méthode moins paternaliste et plus efficace pour offrir une assistance sociale que des programmes administrés par des bureaucraties. En gros, il proposait d’envoyer un chèque à tout le monde, en fonction du revenu du ménage et d’un seuil d’imposition négatif, et de permettre à la personne de se servir de l’assistance sociale comme elle l’entendait. Aucun examen des ressources, aucun besoin de contrôleurs. Je trouve cette idée très attrayante.

Robert Stanfield a discuté de cette question et l’a étudiée lorsqu’il était le chef des conservateurs fédéraux. De plus, notre ancien collègue Hugh Segal défend de façon éloquente et persistante l’idée d’un revenu garanti. Il est réjouissant de voir la sénatrice Pate embrasser ce qui a toujours été un concept associé à la pensée conservatrice, et j’encourage d’autres personnes à suivre son exemple.

(2220)

Je me suis porté volontaire pour être le porte-parole pour ce projet de loi lorsqu’il a été présenté. J’ai toujours été intrigué par l’idée d’un revenu garanti, d’autant plus que nous vivons aujourd’hui dans un véritable État-providence. Si nous dépensons chaque année des millions de dollars pour divers programmes d’aide, et s’il s’avère que le revenu de base garanti reviendrait en fait moins cher à financer et à mettre en œuvre, pourquoi ne pas l’envisager?

Il est important de rappeler que les premiers modèles de revenu de base prévoyaient en contrepartie, parallèlement à l’instauration du revenu de base garanti, l’élimination des bureaucraties et des programmes redondants qui fournissent les prestations sociales actuelles. Malheureusement, les défenseurs de la plupart des modèles contemporains de programmes de revenu de base ne semblent pas disposés à suggérer des coupes dans nos vastes et coûteux programmes d’aide sociale, ce qui, à mon avis, remet en cause la simplicité et l’égalitarisme du concept et compromet sa bonne application. Le revenu de base garanti ne saurait être un énième programme d’aide sociale. Il doit en fait les remplacer.

Comme vous le savez, nos bureaux ont reçu un nombre sans précédent de courriels sur ce projet de loi. Certains messages étaient erronés ou fondés sur de mauvaises informations, mais bon nombre d’entre eux soulevaient des préoccupations légitimes et judicieuses sur le projet de loi, les répercussions qu’il aurait sur les auteurs de ces messages, ainsi que sur les prestations dont ces gens dépendent et pour lesquelles ils ont versé des cotisations pendant une bonne partie de leur vie. Je pense que leurs inquiétudes découlent, en grande partie, du fait que le projet de loi fournit peu de détails. Toutefois, les détails qu’il contient soulèvent des préoccupations et constituent le talon d’Achille du projet de loi. Après avoir ordonné au ministre des Finances d’élaborer un cadre sur le revenu de base garanti, le projet de loi fixe, de façon arbitraire, des critères d’âge et des critères généraux d’admissibilité. Si nous envisageons sérieusement d’établir un revenu de base garanti, nous ne pouvons pas imposer les règles de base de manière dogmatique. C’est une chose d’offrir un programme aux citoyens, mais c’en est une toute autre d’en élargir automatiquement l’accès aux travailleurs temporaires et aux non-citoyens. Je suis certain que la plupart des gens auraient de nombreuses préoccupations légitimes au sujet de l’admissibilité de non-citoyens à un tel programme, plus particulièrement ceux qui entrent illégalement au Canada.

Il est inconcevable pour moi que des gens touchent un revenu annuel dès l’âge de 17 ans. Je pense que cela aurait un effet très négatif sur les jeunes. Je crois que cela nuirait à l’ambition et à la motivation personnelles dont ont besoin toutes les personnes, surtout les jeunes, pour prospérer et avancer dans la vie.

Le Réseau canadien pour le revenu garanti, une organisation résolument de gauche sur les questions sociales, a des modèles de revenu de base garanti qui estiment le coût annuel de 187 milliards à 637 milliards de dollars. Pour mettre ces chiffres en perspective, en 2021-2022, le total des recettes provenant de l’impôt sur le revenu des particuliers au Canada était de 189 milliards de dollars, et le budget fédéral était de 394 milliards de dollars. Aujourd’hui, un seul exercice plus tard, la situation financière du Canada s’est détériorée de façon marquée et inquiétante. Cependant, en dépit de la situation financière précaire du pays, passons en revue les conclusions d’une analyse éclairée sur la capacité du Canada à envisager et à mettre en œuvre un programme de revenu garanti.

Durant la pandémie, l’Institut Fraser a publié un rapport intitulé How Much Could a Guaranteed Annual Income Cost qui examine les coûts de quatre variantes de modèles de revenu de base. La première variante utilise la PCU comme base de référence, c’est-à-dire l’aide d’urgence du gouvernement liée à la pandémie, qui s’élève à 2 000 $ par mois pour les personnes admissibles. Vous vous souvenez peut-être que de nombreux partisans des programmes de revenu de base ont demandé que le Canada conserve la PCU et l’applique en tant que revenu de base universel. L’Institut Fraser a calculé qu’offrir à chaque Canadien en âge de travailler un revenu annuel de base inconditionnel de 24 000 $ par année représenterait un coût net total de 464 milliards de dollars, ce qui augmenterait les dépenses liées aux programmes fédéraux de plus de 132 %. Il va sans dire que cette variante est tout simplement insoutenable. Le rapport a également conclu que, même si un revenu de base universel comme celui-ci apporterait un soutien financier important et qu’il aurait moins d’effets négatifs sur l’incitation au travail que d’autres modèles, il a non seulement un coût faramineux, mais il fournit également de l’aide à des Canadiens qui n’en ont pas vraiment besoin.

L’Institut Fraser a également réalisé des estimations pour des modèles qui prévoient la récupération par le gouvernement de certains transferts lorsque le revenu net d’une personne dépasse un certain seuil. Le rapport note que si un taux de réduction plus élevé peut réduire les coûts globaux d’un programme de revenu garanti, il décourage les bénéficiaires de travailler parce qu’ils conservent une part moins importante de leurs revenus lorsqu’ils atteignent le seuil.

Le rapport indique :

[U]n taux de réduction élevé se trouve à frapper les Canadiens d’un plus fort taux d’imposition marginal dès qu’ils atteignent le seuil minimal de revenu, car il réduit la récompense associée au fait de gagner plus de revenus. On appelle ce concept le « piège de l’aide sociale », car cela décourage les bénéficiaires de renoncer à l’aide sociale.

Le rapport décrit les intérêts concurrentiels à considérer lors de la conception des modèles de revenu garanti. Il faut comprendre que le modèle de revenu de base garanti repose sur trois éléments clés : le transfert de fonds, le taux de réduction et le seuil de revenu. Il faut tenir compte de trois facteurs concurrentiels qui se rapportent à trois intérêts concurrentiels, c’est-à-dire qu’il faut à la fois prévoir des transferts suffisamment importants pour réduire la pauvreté, réduire au minimum les coûts et éviter de décourager le travail. Selon le rapport, « [...] il est impossible d’atteindre les trois objectifs à la fois ».

Plus loin, le rapport dit ceci :

[...] il y a des tensions inhérentes aux régimes de revenu garanti que les promoteurs de ces régimes doivent prendre en considération. Ces tensions se rapportent essentiellement au compromis qu’il faut inévitablement trouver lorsqu’il s’agit de réduire les coûts par l’élimination draconienne des paiements à mesure que le revenu augmente tout en évitant de décourager le travail de façon importante [...] D’autres mesures que le revenu de base garanti pourraient s’avérer plus efficaces pour réduire la pauvreté et devraient être étudiées plus en détail.

Dans un article de l’Institut Fraser intitulé « The expensive truth about a universal basic income », on parle des effets négatifs que les programmes de revenu garanti pourraient avoir sur la participation au marché du travail en raison des recouvrements qui inciteraient les Canadiens à réduire leurs heures de travail. L’article dit ceci :

[...] réduire la rémunération d’une personne qui travaille un plus grand nombre d’heures l’encourage à travailler moins — il s’agit d’un effet pervers qui peut déboucher sur les problèmes liés à l’aide sociale dont beaucoup de Canadiens ont fait les frais dans les années 1980 et au début des années 1990.

J’aimerais également attirer votre attention sur un récent rapport rédigé par Brian Lee Crowley, directeur général de l’Institut Macdonald-Laurier, et par Sean Speer, agrégé supérieur à la Munk School, intitulé A Work and Opportunity Agenda for Canada, et qui traite du travail et des possibilités qui s’offrent au Canada. En réaction au débat public de plus en plus vif sur les modèles de revenu de base garanti, les auteurs de ce rapport ont cherché à déterminer si les versements inconditionnels en espèces, bien qu’ils partent d’une bonne intention, ont en fait plus d’inconvénients que d’avantages. Les auteurs ont constaté que de tels programmes, qui se traduisent par une augmentation des impôts et des dépenses publiques, sont non seulement préjudiciables à l’économie, mais qu’ils répondent également mal aux besoins des personnes à qui ils sont censés venir en aide.

Le rapport donne un aperçu de plusieurs aspects importants des modèles de revenu de base, notamment l’abordabilité, l’efficacité intergouvernementale et administrative et la désincitation au travail, pour ne citer que ceux-ci. En ce qui concerne l’abordabilité des modèles de revenu de base et après avoir effectué les calculs nécessaires, le rapport en parvient à la conclusion suivante :

Ces coûts impliqueraient nécessairement une augmentation significative des impôts, une réduction à grande échelle des dépenses, le financement par le déficit, ou une combinaison de ces trois éléments.

Plus loin, on peut lire :

Le réel effet pervers du versement d’un revenu de base à toute la population serait d’empêcher le gouvernement de verser des prestations ciblées plus généreuses directement aux personnes dans le besoin comme les Canadiens handicapés. Donner moins aux personnes réellement dans le besoin pour donner plus aux personnes en âge de travailler et en bonne santé est loin d’être une mesure empreinte de compassion. Il s’agit d’une utilisation indéfendable des précieux fonds publics.

Je suis d’accord.

Le rapport conclut également que les programmes de revenu de base auraient un effet négatif sur la participation au marché du travail au Canada.

Le bon sens nous dit que verser de gros paiements sans condition aux gens ne peut que rendre le travail moins attrayant et gratifiant, en particulier parce que les bénéficiaires n’auraient à travailler que pour combler l’écart entre leur revenu de base et le salaire qu’ils veulent gagner.

Comme la situation actuelle n’a pas permis d’enrayer la pauvreté et que les programmes de revenus de base ne constituent pas une solution viable, quelle est la solution? Le rapport de l’Institut Macdonald-Laurier propose un programme axé sur l’élargissement des perspectives professionnelles et la multiplication des débouchés pour tous les Canadiens en s’inspirant de la décennie rédemptrice du Canada, comme les auteurs l’appellent, celle des années 1990. Ils expliquent que le Canada a connu une croissance extraordinaire dans les années 1990, incluant un recul de la pauvreté, parce qu’il a laissé de côté la taxation et la redistribution de l’argent au profit de la rigueur financière, de la déréglementation, de l’investissement et de la croissance.

En outre, la viabilité d’un tel programme de revenu de base garanti a également été mise en question. Je m’en voudrais de ne pas attirer notre attention sur la contribution de notre économiste attitrée. La sénatrice Bellemare est en effet titulaire d’un doctorat en économie et elle se spécialise dans la macroéconomie. Elle a une longue expérience et un curriculum vitæ impressionnant dans son domaine d’expertise.

(2230)

Si je puis me le permettre, j’aimerais citer un extrait du discours du sénateur Bellemare sur le projet de loi :

Pour financer un tel programme, les gouvernements devront revoir l’impôt sur le revenu. Or, les modifications fiscales nécessaires pour financer un tel programme nuiront à la participation au marché du travail, pas parce que les gens sont paresseux, mais tout simplement parce qu’ils sont rationnels. En somme, le nombre de personnes soutenues par ce programme augmentera au-delà du nombre de personnes qu’on voulait aider à l’origine. Or, moins d’heures travaillées et imposées, cela signifie moins de revenus pour le gouvernement. Bref, le financement du revenu de base garanti est insoutenable.

Fournir de l’argent aux Canadiens pour qu’ils ne travaillent pas, sans les inciter à travailler ou presque, soulève toute une série de problèmes, dont le moindre n’est pas la mise en place d’un système non viable qui a des effets négatifs sur la participation au marché du travail, ce qui se traduit par moins d’heures travaillées, moins de revenus, moins d’impôts sur le revenu et moins de recettes pour financer ce qui était censé être une initiative de lutte contre la pauvreté.

Chers collègues, je vous encourage également à lire la lettre d’opinion de la sénatrice Bellemare à ce sujet, qui a été publiée dans le Globe and Mail et dans laquelle elle explique pourquoi le revenu de base garanti serait l’un des moyens les plus complexes sur le plan constitutionnel et les plus ruineux de lutter contre la pauvreté et les inégalités.

En 2018, la Colombie-Britannique s’est engagée à créer un groupe d’experts chargé d’étudier le concept de revenu garanti pour la province. L’étude s’est appuyée sur plus de 40 projets de recherche menés par des experts de partout au pays, et on dit qu’il s’agit d’une des études du revenu de base garanti les plus exhaustives au monde.

Le groupe a conclu dans son rapport que la transition vers un système dont le pilier principal serait un revenu de base n’est pas l’option stratégique la plus juste. Je cite un extrait du rapport :

Les besoins des membres de cette société sont trop variés pour que l’on puisse y répondre efficacement au moyen d’un simple chèque du gouvernement. Le revenu de base est une approche très coûteuse pour atteindre un objectif particulier, tel que la réduction de la pauvreté.

Le groupe d’experts de la Colombie-Britannique a également conclu que tout modèle de revenu de base viable aurait aussi pour effet de dissuader les gens de travailler et que :

[...] les avantages d’un revenu de base mis de l’avant par les partisans sont difficiles à démontrer, et les objectifs stratégiques qu’ils impliquent peuvent être atteints aussi bien, voire mieux, avec d’autres approches.

Le groupe a conclu qu’il n’était même pas dans l’intérêt de la province d’approfondir la question au moyen d’un projet pilote.

Ainsi, de nombreuses personnes ont émis de sérieuses mises en garde concernant le recours à un revenu de base garanti pour lutter contre la pauvreté. Cette idée a-t-elle un avenir?

J’ai l’impression qu’avant d’instituer un revenu de base garanti, il faudrait absolument une gestion financière plus solide et plus responsable de la part du gouvernement fédéral, peu importe son allégeance politique.

Comme l’a si bien expliqué notre collègue la sénatrice Marshall dans son excellent discours sur le projet de loi de crédits, la dette nationale du Canada a doublé pour passer de 650 milliards de dollars en 2015 à plus de 1,2 billion de dollars aujourd’hui. En moins de huit ans, le gouvernement actuel a plus alourdi notre dette nationale que tous les gouvernements précédents réunis, depuis la Confédération, alors même que notre pays a passé une bonne partie de la première moitié du XXe siècle engagé dans des guerres internationales.

Pour examiner objectivement l’idée d’un revenu de base garanti, nous devrions d’abord poser un regard critique sur ce que représente exactement une dette de 1 billion de dollars. Le groupe américain réputé Certified Financial Group a fourni une description qui mérite notre second examen objectif. À raison de 100 liasses de billets de 100 $ d’une valeur de 10 000 $ chacune, 1 million de dollars a le même volume que trois emballages de papier d’imprimerie de 8 pouces sur 11 pouces. On pourrait transporter cette somme dans un sac d’épicerie. Pour 100 millions de dollars, il suffirait d’une palette d’expédition standard, et la pile ferait 3 pieds de hauteur. Pour empiler 1 billion de dollars, par contre, il faudrait 10 palettes d’expédition.

Prenons le temps de réfléchir à ce que représente un billion de dollars. Est-ce que les gens réalisent vraiment ce que sont un billion de dollars? Un billion de dollars, c’est un million de millions de dollars ou encore un millier de milliards de dollars, faites votre choix.

À quoi est-ce que cela ressemble? Un billion de dollars placés sur des palettes occuperaient une zone équivalant à près de cinq acres. C’est cinq terrains de football remplis de palettes d’un milliard de dollars. C’est grand comme cela. Ah oui, j’oublie un détail important, les palettes sont maintenant empilées en double les unes sur les autres, alors je pense que cela équivaut plutôt à 10 terrains de football remplis de palettes d’un milliard de dollars.

La dette du Canada s’élève à 1,2 billion de dollars et elle ne cesse de croître. Alors quand vous entendez les défenseurs du gouvernement lancer des statistiques comme le ratio revenu-dette pour nous réconforter et nous rassurer, ils détournent notre attention. Ils ferment volontairement les yeux sur la position financière précaire dans laquelle nous nous trouvons à cause de la mauvaise gestion flagrante de l’économie canadienne par le gouvernement actuel. Comme le gouvernement et la Banque du Canada ont fait imprimer trop d’argent et ont dépensé de manière irresponsable l’argent des Canadiens, nous sommes pris dans une spirale inflationniste qui entraîne des hausses marquées des taux d’intérêt. Cela ne fera qu’accroître les coûts d’emprunt de notre dette, tout comme celui de la dette personnelle de tous les Canadiens.

En raison de cette dette, le gouvernement fédéral paiera 35 milliards de dollars pour les frais de service de la dette seulement pendant l’exercice 2022-2023. C’est 29 milliards de dollars de plus que les prestations pour la garde d’enfants et 24 milliards de dollars de plus que les prestations d’assurance-emploi.

En résumé, le programme le plus coûteux du gouvernement du Canada aujourd’hui est le service de la dette.

Le directeur parlementaire du budget a informé les Canadiens que le coût du service de la dette publique atteindra 46 milliards de dollars d’ici 2027-2028, sans qu’aucun retour à l’équilibre budgétaire ne soit prévu.

Notre dette augmente de plus de 6 millions de dollars toutes les heures, soit de plus de 144 millions de dollars par jour. Quel gaspillage inutile, inacceptable et, en somme, immoral d’argent public et de possibilités. Quel terrible fardeau pour nos enfants et nos petits-enfants!

Imaginez ce que l’on pourrait faire rien que pour le logement avec 144 millions de dollars par jour. Imaginez également ce que 45 milliards de dollars par an pourraient apporter au système de santé au Canada.

D’après les témoignages que j’ai lus et la situation précaire des finances nationales, je ne peux pas, en toute conscience, appuyer un projet de loi visant à charger le gouvernement de créer un cadre de réforme complète de notre régime fiscal et de nos prestations sociales. Nous ferions mieux d’adopter une mesure législative interdisant au gouvernement actuel de faire quoi que ce soit en matière de politique financière ou monétaire.

En 2015, lorsque le gouvernement a été élu, le Canada était sorti de la pire récession qu’il avait connue depuis la Grande Dépression avec un budget équilibré et des indicateurs économiques solides. Aujourd’hui, on nous annonce un déficit sans précédent de 354 milliards de dollars en 2021, de plus de 90 milliards de dollars en 2022, et on prévoit d’importants déficits dans un avenir prévisible, sachant que si nous continuons sur cette même trajectoire budgétaire, il faudra des décennies pour équilibrer le budget.

Cependant, tout espoir n’est pas perdu. Même s’il est évident que les recettes et les dépenses annuelles du Canada ne lui permettent pas de penser à offrir un revenu de base garanti — sans parler du fait que le fardeau fiscal des particuliers et des entreprises devrait préférablement être réduit et non augmenté —, que pourrions-nous faire pour placer le Canada dans une position qui lui permettrait d’envisager de façon réaliste le versement d’un revenu annuel garanti? La solution potentielle est, évidemment, la création de richesse.

La création de richesse devrait être une obsession pour tous les pouvoirs publics au Canada, qu’ils soient au niveau municipal, territorial, tribal, provincial ou fédéral.

En près de 30 années en tant qu’entrepreneur et employeur à Cap-Breton, il y a toujours eu quelqu’un pour me dire comment et où dépenser mon argent. Cela ressemblait beaucoup à ce qui se passe à Ottawa. Par contre, les personnes qui me conseillaient sur la façon d’accroître les revenus et de créer de la richesse étaient une denrée rare.

Le Canada est le deuxième pays du monde en ce qui a trait à la superficie et il regorge de ressources naturelles presque illimitées : des terres rares, du bois d’œuvre, des minéraux, de l’eau douce et d’autres avantages dont la plupart des autres pays ne jouissent pas.

L’économie canadienne est plus diversifiée que jamais. Le Canada a toujours été un pays qui devait exploiter ses ressources naturelles pour maximiser son potentiel de richesse et cette réalité n’est pas appelée à changer.

De plus, aucun avantage naturel n’a créé plus de richesse au Canada au cours de ma vie que le secteur pétrolier. En fait, c’est un énorme catalyseur financier pour le Canada de l’après-guerre, depuis maintenant plus de 75 ans.

Nos ressources naturelles ont montré maintes fois leur valeur et leur importance pour notre prospérité collective. Ainsi, je trouve paradoxal que, lorsqu’on leur a demandé de se prononcer sur le projet de loi C-48 et le projet de loi C-69, les tenants les plus favorables du projet de loi S-233 ont acquiescé sans broncher au programme du gouvernement. Les niveaux de revenus et de dépenses actuels du Canada font du revenu de base garanti une initiative inconcevable. Pourtant, de nombreux sénateurs ont consciencieusement voté pour entraver la capacité de ce pays à créer de la richesse et ont soigneusement fermé les yeux sur les effets à long terme de ces mesures inappropriées qui manquaient terriblement de vision. Qu’il se produise le jour du scrutin ou dans la salle du Sénat, un vote a des conséquences.

(2240)

Oui, nous aimerions tous avoir ce qu’il y a de meilleur. Je conduis une Murano de Nissan qui date de 2020 ainsi qu’une Elantra de Hyundai qui date de 2013, même si je préfèrerais honnêtement conduire une Bentley et une Maserati. Théoriquement, je le pourrais. Tout ce qu’il me faut, c’est l’argent pour me les payer. Il en va de même pour les programmes sociaux au Canada. Nous pouvons avoir tout ce que nous désirons au Canada. Il suffit d’avoir l’argent pour se le payer. Or, pour cela, il faut créer de nouvelles richesses, un objectif qui semble dépasser l’entendement du gouvernement, de ses soldats et de ces partisans.

En conclusion, nous reconnaissons tous qu’il faut lutter contre la pauvreté. Pour l’instant, concentrons-nous plutôt sur des solutions ciblées et pragmatiques, des solutions qui font valoir la formation, l’éducation et les programmes communautaires et qui en assurent la prestation. Nous devons veiller à ce que ceux qui ont besoin d’aide en obtiennent. Nous devons recommander des politiques logiques et ciblées qui favorisent le travail, qui multiplient les possibilités de travail au profit de tous les Canadiens et qui contribuent à lutter contre la pauvreté.

J’espère que nous pourrons arriver à une époque ou le Canada sera suffisamment riche pour envisager sérieusement de remplacer la structure actuelle d’État-providence par un système de revenu de base garanti. Cependant, le Canada doit d’abord mettre de l’ordre dans ses finances. Cela exigera un gouvernement conservateur puisque la coalition Singh-Trudeau a failli à son devoir envers les Canadiens sur le plan économique. Une fois qu’un nouveau gouvernement conservateur aura été élu au Canada, cela libérera le potentiel de notre pays et fera du Canada ce qu’il devrait être, à savoir le meilleur pays au monde, ainsi que le plus riche et généreux.

Le sénateur Housakos : Et le plus libre.

Le sénateur MacDonald : Honorables sénateurs, je sais que j’exprime le point de vue de mes collègues conservateurs sur ce projet de loi parce que je sais qu’il ne bénéficie d’aucun appui de la part de notre caucus. Cependant, tous les projets de loi méritent de pouvoir être étudiés en comité. Je pense qu’une telle étude révélera les lacunes de cette mesure législative. Je suggère donc que le Sénat la renvoie au comité. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Pate, avec l’appui de l’honorable sénateur Dean, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Pate, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

La Loi sur la radiocommunication

Projet de loi modificatif—Adoption du quatrième rapport du Comité des transports et des communications

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, rapports de comités, article no 1 :

Le Sénat passe à l’étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la radiocommunication, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 30 mars 2023.

L’honorable Leo Housakos Honorables sénateurs, avant que je ne propose l’adoption du rapport, j’ai appris qu’il y avait eu un problème technique pendant la préparation du rapport, ce qui fait en sorte que tel qu’il a été présenté, ce rapport ne reflète pas exactement les décisions du comité.

On m’a dit que ce problème technique a été résolu et qu’on procède à des contrôles de la qualité à l’interne afin de réduire les risques que des erreurs semblables se reproduisent et que le Sénat dispose d’un document qui reflète correctement la décision du comité.

Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :

Que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit modifié à l’amendement no 1 par suppression du paragraphe (1.12) et par le changement de la désignation numérique du paragraphe (1.13) à celle de paragraphe (1.12).

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Leo Housakos propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications.

Le projet de loi vise à modifier la Loi sur la radiocommunication afin de prévoir l’obligation pour les titulaires de licences de spectre de déployer le spectre à au moins 50 % de la population dans la zone géographique couverte par la licence de spectre.

Le comité sénatorial a proposé six amendements au projet de loi. Le premier modifie l’article 1, à la page 1, en remplaçant les lignes 8 à 17 pour garantir que les titulaires de licences pour des zones de service de niveau 1 à 4 ne puissent pas respecter les conditions de déploiement prévues dans la loi simplement en fournissant des services dans les régions urbaines plus imposantes. Ils seraient tenus de desservir également les régions petites, rurales et éloignées se trouvant dans la zone.

Il jette aussi les bases pour d’autres amendements axés sur un régime de partage du spectre inutilisé. De plus, il permet au ministre de révoquer carrément la licence ou de réattribuer les zones de service de niveau 5 couvertes par la licence à d’autres fournisseurs qui sont prêts à fournir des services aux régions mal desservies.

Le deuxième amendement modifie l’article 1, à la page 1 en ajoutant un libellé qui préciserait l’intention d’empêcher les titulaires de licences de vendre les licences dans une période de trois ans moins un jour dans le but d’éviter les pénalités découlant du non-respect des conditions de licence.

Le troisième amendement, qui porte sur l’article 1, à la page 2, vise à remplacer et ajouter du texte en fonction de l’amendement précédent afin d’accorder la marge de manœuvre nécessaire à l’égard de la délivrance de licences subordonnées ou du processus d’adjudication pour la réattribution d’une licence.

Le quatrième amendement, qui porte sur l’article 1, à la page 2, ajoute que le ministre doit lancer un processus d’adjudication dans les 60 jours non seulement après la révocation d’une licence de spectre, mais aussi à partir du moment où le titulaire a volontairement renoncé à sa licence parce qu’il n’est pas en mesure de remplir les obligations qui s’y rattachent.

Le cinquième amendement, qui porte sur l’article 1, à la page 2, vise à remplacer la ligne 34 pour répondre à des préoccupations concernant la capacité des petits promoteurs à réunir les capitaux nécessaires pour participer au processus d’adjudication, afin de donner au ministre la marge de manœuvre requise pour recourir à un processus d’adjudication ou à d’autres processus de réattribution pouvant notamment se fonder sur le modèle du premier arrivé, premier servi, lorsqu’une licence est révoquée ou qu’on y renonce.

Le dernier amendement, qui porte sur l’article 1, à la page 2, ajoute du nouveau texte après la ligne 35 pour qu’une entreprise ne puisse pas réattribuer une licence de spectre à répétition afin de limiter la concurrence ou d’empêcher d’autres intervenants d’attribuer une licence de spectre dans une région géographique donnée.

L’amendement ajoute aussi des dispositions pour empêcher l’entreprise de soumissionner de nouveau sous un autre nom.

Des observations ont aussi été soumises par trois membres du comité, avec l’appui du comité, et en voici la teneur :

La sénatrice Clement a souligné l’importance de ce projet de loi pour sensibiliser la population au problème majeur de la connectivité au Canada et aux graves conséquences pour les collectivités qui n’ont pas de connectivité, comme certaines collectivités autochtones, ainsi qu’aux répercussions de cette situation sur le processus de réconciliation au Canada.

La sénatrice Clement a également fait remarquer que cette question a été négligée et que ce projet de loi représente une bonne contribution à un débat nécessaire, mais qu’il ne s’agit que d’une petite pièce du casse-tête, alors que de nombreuses suggestions valables émanant de témoins n’entrent pas dans le champ d’application de ce projet de loi.

La sénatrice Clement a fait remarquer qu’en reconnaissance du travail effectué par notre comité, nous demandons au gouvernement du Canada d’entreprendre un examen exhaustif de la politique du spectre au Canada.

Les observations du sénateur Dennis Patterson abondent dans le sens de beaucoup de celles de la sénatrice Clement, notamment en ce qui concerne la nécessité d’améliorer la connectivité dans les régions rurales et isolées, et les graves conséquences d’un tel manquement pour les services vitaux comme la santé et l’éducation, ainsi que pour l’amélioration de la langue et de la culture dans les communautés autochtones isolées.

Le sénateur Patterson a également fait remarquer que le gouvernement devrait mettre en place des mesures d’incitation et des politiques qui favorisent la concurrence et facilitent l’entrée des promoteurs autochtones.

C’est ici que je ferai ce que je considère comme une observation opportune en tant que président.

Chers collègues, tout au long d’une étude précédente de notre comité, nous avons entendu des témoins dire que le projet de loi favoriserait et amplifierait les voix des Autochtones. Cependant, les créateurs autochtones eux-mêmes nous ont dit que le plus grand obstacle à l’expression de leurs voix sur Internet n’est ni la définition de contenu canadien, ni un quelconque algorithme, mais bien l’incapacité d’accéder à Internet en raison d’un manque de connectivité.

(2250)

Enfin, le sénateur Cormier a fait remarquer qu’il n’existe actuellement aucune base de données officielle de tout le spectre non déployé au Canada, que le Canada n’a pas de système pour assurer la transparence du marché secondaire des licences, et que, selon l’un des témoins que nous avons entendus, le système de gestion du spectre par enchères basé sur un système de concurrence n’est pas bien adapté à la réalité géographique et économique du Canada.

Je tiens à remercier le sénateur Patterson, du Nunavut, d’avoir présenté ce projet de loi. Ce fut une expérience très enrichissante pour tous les membres du comité. Nous avons pris connaissance d’un certain nombre de préoccupations. Il n’y a pas si longtemps, le Canada était un chef de file en matière de communications, mais maintenant, nous prenons du retard. Évidemment, nous observons maintenant de profondes inégalités entre le Canada rural et le Canada urbain.

Je ne crois pas que ce projet de loi soit la solution magique qui résoudra le problème du jour au lendemain. Le problème est trop profond et trop grave. De toute évidence, nous avons de grands défis à relever et, bien entendu, des difficultés liées à l’économie d’échelle. Je ne crois pas qu’il existe une solution rapide, mais le comité estime que le projet de loi représente un premier pas positif pour remédier au problème. Espérons qu’il encouragera les gouvernements à travailler en collaboration avec les parties intéressées et les collectivités pour trouver une meilleure solution. Merci, chers collègues.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport, tel que modifié, est adopté.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Patterson (Nunavut), la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi).

L’honorable Leo Housakos : Je voudrais ajourner le débat à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénateur Housakos, avec l’appui de l’honorable sénatrice Martin, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boyer, appuyée par l’honorable sénateur Marwah, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).

L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, au nom du gouvernement, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation). Je suis très honorée d’appuyer l’important travail de la sénatrice Boyer et de transmettre le message que le gouvernement se réjouit du dépôt de cette importante mesure législative et qu’il appuie en principe le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture.

Comme vous le savez, la sénatrice Boyer a travaillé sans relâche pour sensibiliser le public à l’horrible pratique de la stérilisation forcée et contrainte. À plusieurs reprises, elle a informé le Sénat de cette violation des droits de la personne et de ce manquement grave à l’éthique médicale dans l’histoire de notre pays. En outre, elle a expliqué que cette pratique ignoble se poursuit encore aujourd’hui. Grâce à son action, la sénatrice Boyer a contribué à ce que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne examine de plus près la stérilisation forcée et contrainte. Cet examen a abouti au rapport intitulé Les cicatrices que nous portons : La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada — Partie II, qui a été déposé l’été dernier.

Comme c’est bien trop souvent le cas, le comité a trouvé que ce sont les gens les plus vulnérables qui ont été les plus touchés par la stérilisation forcée. Par le passé, les politiques gouvernementales cherchaient explicitement à contrôler et à réduire le taux de naissances des communautés métisses, inuites et autochtones, ainsi que des communautés noires — les Canadiens à faible revenu, racisés et handicapés ont aussi été ciblés. Même si ces politiques explicites n’existent plus, des attitudes racistes et discriminatoires perdurent encore aujourd’hui dans certains milieux médicaux. Ce sont les mêmes communautés vulnérables qui sont la cible de ces pratiques répréhensibles. Voilà pourquoi le projet de loi de la sénatrice Boyer est tellement important. Il fait la lumière sur un autre coin sombre où se tapissent encore le racisme et la discrimination au Canada.

Chers collègues, le projet de loi S-250 est une réponse à la longue histoire de colonisation du Canada et aux politiques coloniales qui ont touché de manière disproportionnée la santé et le bien-être des personnes autochtones et des Canadiens racisés. Empêcher la contraception et nuire à la capacité de se reproduire constituent des attaques contre l’humanité, le bien-être et l’avenir même d’une personne, ainsi que contre l’avenir de sa collectivité.

En ajoutant une mention claire de la stérilisation sans consentement dans le Code criminel, ce projet de loi ferait en sorte que cette pratique soit explicitement et spécifiquement illégale sous la loi canadienne. Ainsi, les personnes les plus vulnérables au Canada seraient protégées des médecins qui ont une attitude discriminatoire et qui violent l’éthique de leur profession. Autrement dit, des médecins responsables d’un crime violent. Peu importe la race, l’origine ethnique, la classe socioéconomique ou le handicap, chaque patient dans notre pays doit recevoir des soins équitables, professionnels et consciencieux. Chaque Canadien mérite cette qualité de soins, point final.

Le projet de loi S-250 indiquerait clairement dans le Code criminel que le consentement préalable donné en connaissance de cause du patient est primordial pour toute procédure de stérilisation médicale.

Conformément à ce projet de loi, un médecin devra recevoir le consentement du patient et lui indiquer clairement que ce consentement peut être révoqué à tout moment, y compris immédiatement avant la procédure. Le médecin devra aussi être certain que le patient ne subit aucune pression ou coercition, et l’informer des autres méthodes de contraception.

Chers collègues, il est important que nous prenions un moment pour imaginer une discussion sur la stérilisation entre un médecin et un patient. Il peut y avoir un déséquilibre de pouvoir considérable dans la relation et par conséquent un risque qu’on abuse de ce pouvoir. C’est pour cette raison que le projet de loi S-250 prévoit des mesures de sauvegarde. On juge qu’il n’y a pas de consentement si la personne est âgée de moins de 18 ans; qu’elle est pour une raison quelconque incapable de donner son consentement à l’acte de stérilisation; ou bien qu’elle n’a pas enclenché une demande de stérilisation de manière volontaire. Autrement dit, le médecin doit s’assurer que le patient qui prend une décision aussi lourde de conséquences et qui peut changer sa vie est prêt, consentant et parfaitement informé.

Bien entendu, une personne peut choisir de subir un acte de stérilisation avec l’aide de son médecin. Cela peut être la bonne décision pour certaines personnes. Le projet de loi S-250 est une façon d’empêcher que les gens soient manipulés ou tout simplement forcés de se soumettre à un acte de stérilisation par des médecins sans scrupules. Il ne punira pas les fournisseurs de soins de santé qui respectent leur code de déontologie.

Le 3 mars dernier, le gouvernement a fourni une réponse à l’étude du Comité des droits de la personne portant sur la stérilisation forcée. Le ministre Duclos y déclare que le gouvernement reconnaît les préjudices causés par la stérilisation forcée et l’urgente nécessité de mettre fin à cette pratique partout au Canada. Selon le ministre, le gouvernement collabore avec ses partenaires provinciaux et territoriaux afin que les services de santé soient exempts de préjugés systémiques et de discrimination. Bien que les soins de santé relèvent principalement des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral joue un rôle dans ce secteur en veillant à ce que les services de santé soient fournis par des moyens adaptés à la culture — tout en luttant contre le racisme et la discrimination dans le secteur médical. Il reste beaucoup de travail à faire, chers collègues, mais ce projet de loi est un pas important dans la bonne direction.

Je crois savoir que le ministre de la Justice a rencontré la sénatrice Boyer, marraine du projet de loi, et qu’il s’est engagé à travailler avec elle et son équipe sur les modifications possibles afin de faire avancer le projet de loi tout en tenant compte de l’importance de son objet. J’ai hâte de voir ce projet progresser et j’espère qu’il sera renvoyé en comité dès que possible.

Encore une fois, je tiens à exprimer ma profonde gratitude à la sénatrice Boyer pour sa persévérance. J’appuie cette initiative et je suis heureuse que le gouvernement l’appuie également. La stérilisation forcée et contrainte est une pratique horrible qui blesse trop de femmes, de familles et de communautés depuis trop longtemps. Le projet de loi S-250 contribuera à mettre fin à cette pratique. Merci. Hiy hiy.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, ce matin, lorsque notre groupe s’est réuni, j’ai dit à mes collègues que je prendrais probablement la parole avant minuit. C’est ce qui est malheureusement arrivé, mais je suis heureux qu’il reste encore des gens pour m’écouter. Je l’apprécie et j’essaierai d’être intéressant.

(2300)

Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le projet de loi S-250, parrainé par la sénatrice Boyer. Comme nous le savons tous, depuis 2017, la sénatrice Boyer est, avec l’aide de nombreux chercheurs, la porte-parole des femmes autochtones victimes de stérilisation forcée, d’abord en Saskatchewan, puis dans l’ensemble du Canada.

Son projet de loi propose d’ajouter aux dispositions du Code criminel relatives aux voies de fait une nouvelle infraction visant à empêcher la stérilisation forcée ou contrainte de personnes au Canada en exposant le contrevenant à une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 14 ans. Cette nouvelle infraction est axée sur le consentement et exige que les personnes qui pratiquent un acte médical qui entraînera ou vise à entraîner la stérilisation d’une personne obtiennent un consentement véritablement éclairé et respectent des mesures de sauvegarde précises.

Aujourd’hui, je n’entrerai pas dans les détails de la modification proposée, car cela devrait être fait au comité. Je me concentrerai plutôt sur l’objectif du projet de loi, qui consiste à ériger en infraction criminelle la stérilisation forcée.

Ceux d’entre vous qui ont une formation juridique diront peut-être que la stérilisation forcée ou contrainte est déjà un crime au Canada en vertu des dispositions sur les infractions de voies de fait graves. C’est vrai, comme l’ont souligné certains témoins devant le Comité des droits de la personne, notamment l’ancienne commissaire de la GRC, Mme Lucki.

Cependant, force est de constater que des accusations de voies de fait graves n’ont jamais été portées en relation avec la stérilisation forcée au Canada, même si le bureau de la sénatrice Boyer a documenté des milliers de femmes autochtones au Canada qui ont subi une stérilisation forcée entre 1971 et 2018.

D’autres personnes pourraient ajouter que toutes les provinces et tous les territoires disposent de lois qui exigent le consentement éclairé pour des soins et des traitements médicaux et que la jurisprudence regorge de jugements qui accordent des dommages-intérêts aux patients blessés par une procédure médicale à laquelle ils n’ont pas consenti de manière éclairée.

D’ailleurs, des recours collectifs liés à la stérilisation forcée de femmes autochtones sont actuellement en instance devant les tribunaux de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. Les plaignantes demandent une indemnisation que les tribunaux pourraient finir par leur accorder.

Enfin, quelques autres personnes pourraient faire valoir que la stérilisation forcée est une autre manifestation du racisme systémique à l’égard des femmes autochtones. Par conséquent, une stratégie globale pourrait être requise pour lutter contre un tel racisme, y compris une formation adéquate des étudiants en médecine et en soins infirmiers pour contrer ce racisme en relation avec les questions de santé autochtone et une augmentation du nombre de professionnels autochtones, conformément aux recommandations énoncées dans les appels à l’action nos 19, 23 et 24 de la Commission de vérité et de réconciliation. Je conviens qu’une stratégie globale est nécessaire pour protéger les femmes, en particulier les femmes autochtones.

Toutefois, avec tout le respect que je vous dois, je ne conviens pas que ces faits devraient nous empêcher de terminer le débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-250 et de renvoyer la mesure législative au comité aux fins d’examen et d’analyse détaillée.

À l’instar de notre Comité des droits de la personne, dans son rapport intitulé Les cicatrices que nous portons : La stérilisation forcée et contrainte de personnes au Canada — Partie II, publié en juillet 2022, je pense que l’ajout d’une infraction spécifique au Code criminel contribuera grandement à mettre un terme, une fois pour toutes, à la stérilisation forcée.

Premièrement, avec l’ajout, après l’article sur les voies de fait graves, d’une disposition spécifique sur la stérilisation forcée, le Parlement enverra un message fort à la société, y compris aux victimes, aux policiers, aux procureurs de la Couronne et aux juges : la stérilisation forcée ne peut plus être ignorée par le système de justice pénale.

Deuxièmement, l’effet dissuasif d’une telle disposition sur les médecins et leurs organismes de réglementation sera immédiat. Elle aura un effet dissuasif sur les médecins qui croient encore à l’eugénisme racial et qui sont prêts à pratiquer une procédure de stérilisation sans un consentement véritablement libre et éclairé.

Troisièmement, nous mettrons en œuvre une mesure recommandée non seulement par le Comité des droits de la personne, mais aussi par la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, ratifiée par 37 pays. L’article 39 de cette convention prévoit que les États doivent faire en sorte que soit érigée en infraction pénale l’intervention chirurgicale visant à mettre fin à la capacité de reproduction d’une femme sans son consentement préalable et éclairé.

À ce jour, Malte, la Belgique, la France et l’Italie ont agi en ce sens. En modifiant son Code criminel, le Canada montrera au reste du monde qu’il est convaincu de l’importance de la prévention de la violence à l’égard des femmes.

Comme vous le savez peut-être, le Canada a été critiqué par la communauté internationale relativement à cette question. En effet, en 2018, le Comité des Nations unies contre la torture a exprimé des préoccupations au sujet d’information faisant état de la stérilisation forcée à grande échelle de femmes et de filles autochtones. Puis, en 2019, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et un rapporteur spécial des Nations unies ont demandé au Canada de prendre des mesures concrètes à cet égard.

Enfin, la stérilisation forcée, l’une des politiques génocidaires du Canada contre les Premières Nations, se poursuit, alors qu’elle devrait être chose du passé.

Dans le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, publié en 2019, on souligne des exemples de programmes au Canada visant à asservir ou à éliminer les Autochtones, y compris la stérilisation forcée.

En mars 2021, la sénatrice Boyer nous a dit ceci :

Tragiquement, [ce problème] se produit toujours à l’heure où l’on se parle, des cas [de stérilisation forcée] ayant été rapportés publiquement en 2018.

[Français]

Dans son deuxième rapport sur la stérilisation forcée, qui a été rendu public en juillet 2021, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a conclu lui aussi que cette forme de violence contre les femmes avait toujours cours au Canada.

Entre-temps, soit en 2019, à la suite d’une recommandation que contenait le premier rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, le gouvernement fédéral a mis sur pied un comité consultatif indépendant pour étudier l’ampleur du phénomène de la stérilisation forcée au Canada.

Le gouvernement du Québec a refusé d’y participer, en invoquant qu’il n’y avait jamais eu de politique de stérilisation au Québec, que cette pratique n’y existait pas et que le secteur de la santé est de compétence provinciale. Le premier motif semble tout à fait justifié. En effet, contrairement à l’Alberta et à la Colombie-Britannique, le Québec n’a jamais adopté de politiques ou de lois encourageant l’eugénisme. En réalité, l’Église catholique, qui était dominante au Québec au début du XXe siècle, prêchait pour une politique nataliste.

Le troisième motif tient du positionnement politique et ignore que la mission du comité n’était pas de proposer des normes pancanadiennes, mais bien de dresser un portrait de la situation partout au pays, afin d’apporter un éclairage sur les actions requises par tous les ordres de gouvernement.

Cependant, au cœur de cette réponse se trouvait une fausse prémisse, à savoir que la stérilisation forcée n’existait pas au Québec, contrairement au reste du Canada. Heureusement, deux membres du Laboratoire de recherche sur les enjeux relatifs aux femmes autochtones de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue ont dressé un portrait de la situation au Québec. Il s’agit de la professeure Suzy Basile et de la doctorante Patricia Bouchard, qui ont produit cette étude en partenariat avec la Commission de la santé et des services sociaux des Premières Nations du Québec et du Labrador et l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Entre mai 2021 et juin 2022, l’équipe de recherche a recueilli 105 témoignages provenant de 35 personnes autochtones qui ont choisi de se manifester, à la suite d’une expérience de stérilisation imposée ou de violence obstétricale qu’elles avaient vécue comme victimes ou comme témoins, soit 14 Atikamekws, 10 Innues, 5 Anishinabes, 4 Eeyous et 2 Inuites.

(2310)

En raison de la pandémie, l’équipe de recherche n’a pu se rendre chez 20 autres personnes pour recueillir leurs témoignages. Neuf participantes ont rapporté avoir subi une stérilisation imposée et treize ont rapporté avoir été victimes en plus d’autres formes de violence obstétricale. Au total, ce sont 22 femmes qui ont été victimes d’une stérilisation imposée. Elles étaient âgées de 15 à 46 ans au moment des interventions, qui ont eu lieu entre 1980 et 2019. La femme la plus jeune à avoir subi une stérilisation imposée était âgée de 17 ans. À l’opposé, la femme qui a subi cette opération le plus tardivement, de manière non consentie, était âgée de 46 ans.

De plus, trois autres femmes ont été victimes d’un ou plusieurs avortements imposés. Enfin, six autres femmes ont subi de la violence obstétricale, ce qui signifie qu’elles ont été victimes de gestes, d’attitudes et de propos discriminatoires de la part du personnel de la santé. Il faut aussi noter que ces actes de violence ont eu lieu essentiellement dans des centres hospitaliers situés dans des villes servant des communautés autochtones, soit à Roberval, La Tuque, Val-d’Or, Joliette et Sept-Îles.

Le rapport de cette équipe de recherche a été rendu public le 24 novembre 2022. Il concluait que, dans beaucoup de cas, il y avait eu absence de consentement et que, dans d’autres cas, celui-ci avait été obtenu de façon expéditive et précipitée, peu avant l’accouchement, pendant celui-ci ou peu après. De plus, dans plusieurs cas, le consentement avait été obtenu à la suite de fausses représentations concernant le caractère réversible de l’intervention, qui avait été décrite comme une mesure de contraception.

En somme, le rapport mettait en évidence 22 stérilisations où il y avait eu absence de consentement libre et informé. Ce qui est aussi fort troublant, c’est que, dans plusieurs cas, des arguments racistes ont été utilisés pour justifier l’intervention. Par exemple, un médecin aurait dit ceci :

C’est assez, faut que ça arrête, ça. Tous les enfants que vous avez mis au monde vont tous vivre dans la misère.

Le rapport concluait à la présence de racisme systémique et contenait 31 recommandations, y compris une invitation au gouvernement du Québec pour qu’il mette fin à sa réticence à reconnaître la réalité de la discrimination systémique. Cet appel n’a pas encore été entendu.

Les médias ont largement parlé du contenu du rapport et d’autres femmes se sont manifestées auprès des chercheuses. L’une de ces femmes a déclaré avoir fait l’objet d’une stérilisation en 2020, alors qu’elle n’avait que 15 ans. Je souligne au passage que les chercheuses, avec l’appui de leurs partenaires autochtones, ont entrepris une deuxième phase à leur étude pour rencontrer les femmes qu’elles n’avaient pas pu voir au cours de la première phase et toutes les nouvelles victimes souhaitant se manifester.

Quant au Collège des médecins du Québec, il a reconnu que le nombre de victimes est possiblement plus important et que la stérilisation forcée existe probablement encore. Il a ajouté qu’il avait l’intention de faire prendre conscience à ses membres du principe fondamental du consentement éclairé. Il a également invité les membres du personnel médical qui auraient été témoins d’actes de cette nature à les dénoncer auprès du collège.

En conclusion, le projet de loi S-250 s’attaque à des manifestations de violence obstétricale qui sont toujours présentes dans notre système de soins de santé, au Québec comme ailleurs au Canada. Je vous invite, comme le sénateur Wells, le porte-parole du projet de loi, l’a fait et comme vient de le faire la sénatrice LaBoucane-Benson, à le renvoyer sans plus tarder à un comité. Chers collègues, je vous remercie de votre attention malgré l’heure tardive. Cette question mérite toute notre attention, même à cette heure. Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que le sénateur Dalphond accepterait de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Il nous reste 20 secondes.

Le sénateur Dalphond : Voulez-vous que je demande cinq minutes de plus, malgré l’heure tardive?

Son Honneur la Présidente intérimaire : C’est votre décision.

Le sénateur Dalphond : Je peux le faire si mes collègues sont d’accord.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils d’accord pour accorder cinq minutes de plus?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée. Vous avez dit « non », sénatrice Martin?

[Français]

La sénatrice Martin : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Nous n’avons pas le consentement, sénatrice Dupuis. Je suis désolée.

La sénatrice Dupuis : J’avais 20 secondes pour poser ma question, si j’ai bien compris ce que vous aviez dit?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Oui, vous avez 20 secondes; vous pouvez poser votre question.

La sénatrice Dupuis : Sénateur Dalphond, merci pour votre discours. Ma question porte sur le préambule de ce projet de loi, qui renvoie au fait que la stérilisation des personnes sans leur consentement est une conséquence de la discrimination systémique. Pourriez-vous inviter les membres du comité qui vont étudier le projet de loi à examiner de façon concrète comment l’aspect systémique de cette discrimination sera pris en compte, parce qu’on parle d’interventions individuelles de médecins...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Merci, sénatrice Dupuis.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur l’Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Percy E. Downe que le projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, vous remarquerez que je présente pour la troisième fois le même projet de loi d’initiative parlementaire, la loi sur l’équité pour les contribuables canadiens, qui exigerait que le gouvernement du Canada fasse état de toutes les condamnations pour évasion fiscale à l’étranger et qu’il évalue le manque à gagner fiscal, c’est-à-dire la différence entre le montant qui aurait dû être prélevé et le montant réel des impôts perçus. Il exigerait également que l’Agence du revenu du Canada fournisse au directeur parlementaire du budget les données sur le manque à gagner fiscal qu’elle a recueillies, ainsi que les données supplémentaires que le directeur parlementaire du budget juge pertinentes pour effectuer sa propre analyse du manque à gagner fiscal.

Lors de la dernière tentative — la deuxième —, le projet de loi a été adopté au Sénat, mais pas à la Chambre des communes. Espérons que la troisième fois sera la bonne.

Permettez-moi d’abord de faire une mise en garde, comme je le fais toujours : il n’est pas illégal d’avoir un compte bancaire à l’étranger. Il est toutefois illégal de ne pas déclarer les produits de ces comptes à l’Agence du revenu du Canada. Chers collègues, il fut un temps où l’Agence du revenu du Canada n’attirait pas beaucoup l’attention, que ce soit de la part du public ou du gouvernement. En tant que seule organisation gouvernementale sur laquelle on peut compter pour atteindre le seuil de rentabilité, on a toujours été tenté de la laisser faire — tant que tout fonctionne, on ne touche à rien.

Cependant, cette confiance s’est érodée, car nous avons vu de nombreux cas d’évasion fiscale à l’étranger qui ne sont pas punis et pour lesquels on ne peut malheureusement récupérer que peu d’argent, voire rien du tout. Ajoutons à cela les réponses de l’Agence du revenu du Canada chaque fois qu’un cas est divulgué publiquement. Elle nous dit, par exemple, qu’elle travaille fort pour épingler ceux qui fraudent le fisc à l’étranger, qu’elle prend ce problème très au sérieux, qu’elle a déterminé que tel montant est à percevoir, au lieu de nous dire qu’elle l’a perçu. Malheureusement, ces commentaires de l’Agence du revenu du Canada trahissent le fait que les efforts déployés et les résultats obtenus sont extrêmement décevants.

Parmi les nombreux exemples, citons les Panama Papers, publiés en 2016. Dans les sept ans qui ont suivi la publication de ces données, qui révèlent notamment que des centaines de Canadiens détiennent des comptes gérés par un cabinet d’avocats au Panama, d’autres pays ont réussi à percevoir plus de 1,3 milliard de dollars en impôts auprès de citoyens qui, selon les documents publiés, détenaient des comptes cachés au Panama.

En 2021, soit l’année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles, l’Australie avait recouvré 138 millions de dollars, l’Équateur, 84 millions de dollars, et l’Espagne, 166 millions de dollars. Même l’Islande, un pays de 340 000 habitants, a recouvré 25 millions de dollars. Or, malgré les centaines de comptes et les dizaines de vérifications, le Canada n’a pas annoncé le moindre recouvrement de fonds. Pas un sou n’a été recouvré.

(2320)

L’Agence du revenu du Canada a déclaré avoir établi des montants totalisant plus de 16 millions de dollars, mais, comme je l’ai dit, ce qui est établi n’est pas perçu, et aucune personne n’a été accusée, et encore moins condamnée, pour évasion fiscale à l’étranger. Dans d’autres pays, des gens ont été inculpés et condamnés, en plus de devoir rembourser les fonds.

En octobre 2012, il y a presque 11 ans, j’ai écrit au directeur parlementaire du budget de l’époque pour lui demander d’enquêter sur l’impact économique de l’évasion fiscale à l’étranger. À sa suggestion, cette enquête s’est transformée en un effort pour déterminer l’écart fiscal, c’est-à-dire la différence entre ce que l’Agence du revenu devrait percevoir et ce qu’elle perçoit réellement. Le directeur a déterminé qu’il était effectivement possible de fournir une estimation de cet écart, d’autant plus que beaucoup d’autres pays le font. Par la suite, il a communiqué avec l’Agence du revenu pour s’assurer de sa coopération dans cette démarche.

Chers collègues, l’agence a refusé de coopérer. On sait pourquoi lorsqu’on réalise que l’écart fiscal ne mesure pas seulement ce qui devrait être perçu, mais aussi l’efficacité — ou, dans ce cas, l’inefficacité — de l’Agence nationale du revenu relativement à son devoir et à sa responsabilité de percevoir les sommes dues au gouvernement du Canada. Je suis certain que la mise en évidence, par une analyse de l’écart fiscal, du travail totalement inadéquat de l’Agence du revenu du Canada dans la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger a été un facteur majeur dans son refus de coopérer avec le directeur parlementaire du budget.

Même sans la coopération de l’ARC, le directeur parlementaire du budget a été en mesure de tirer ses propres conclusions à propos du manque à gagner fiscal. Devant un comité sénatorial, il a déclaré ce qui suis en mars 2020, en se fondant sur sa propre analyse :

[P]our avoir travaillé à l’ARC et pour avoir été directeur parlementaire du budget depuis maintenant un an et demi, je suis convaincu qu’il y a des centaines de millions ou même des milliards de dollars en impôts non déclarés qui échappent aux autorités fiscales du Canada, probablement chaque année, en raison des transactions internationales.

De son côté, le très respecté Conference Board of Canada a publié il y a six ans un rapport intitulé Canadian Tax Avoidance and Examining the Potential Tax Gap — un rapport sur l’évasion et le manque à gagner fiscal. L’organisation a conclu que des recettes fiscales pouvant s’élever jusqu’à 47 milliards de dollars ne sont pas perçues par le gouvernement du Canada.

Sur son site Web, l’ARC affiche une liste des communiqués sur les Canadiens reconnus coupables d’infractions liées à l’évitement fiscal. Dans ses propres mots, l’ARC vise ainsi :

[...] à maintenir la confiance en l’intégrité du système d’autocotisation et à accroître l’observation de la loi grâce à l’effet dissuasif de cette publicité.

Si vous parcourez la liste, comme je l’ai fait récemment, vous verrez les noms d’un large éventail de personnes d’un océan à l’autre, toutes arrêtées et punies, presque toutes pour évasion fiscale au Canada. Si vous cachez votre argent à l’étranger, vos chances de vous faire prendre sont très faibles, alors que si vous trichez sur votre déclaration de revenus au Canada, vous risquez de vous faire prendre, de recevoir une amende et d’être emprisonné dans certains cas. À cette fin, sur tous les avis — et il y en avait 105 lorsque j’ai regardé — remontant à 2017, seulement trois étaient des condamnations pour ce que l’on pourrait appeler l’évasion fiscale à l’étranger et aucune ne portait sur des montants particulièrement élevés. La plupart de ces condamnations ont été prononcées à la suite d’une action appropriée de l’assurance.

Je dois souligner que les dernières années ont été marquées par un certain nombre de réussites. Le programme électoral de 2015 du Parti libéral contenait un engagement à :

Demander à l’ARC de procéder immédiatement à une analyse de la fraude fiscale, ou de ce que l’OCDE appelle « l’écart fiscal ».

L’agence, malgré toute sa réticence passée, a été contrainte, en raison de cette promesse, de commencer à publier une série de rapports sur l’écart fiscal à partir de 2016, le plus récent remontant à l’été dernier et faisant référence au passage à l’évasion fiscale à l’étranger.

Cependant, le Canada doit effectuer une série d’études au fil du temps pour évaluer l’efficacité de l’Agence du revenu du Canada afin de voir ce qui fonctionne bien et ce qui a besoin d’être amélioré. La décision d’entreprendre ces études ne doit pas revenir uniquement à l’Agence. Vu son refus de coopérer avec le directeur parlementaire du budget, elle devrait y être contrainte par la loi, ce que le projet de loi permettra d’accomplir.

Je tiens à souligner qu’exiger que l’Agence du revenu du Canada fasse rapport sur l’évasion fiscale à l’étranger et sur le manque à gagner fiscal en général n’est pas le résultat d’une simple curiosité. D’autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Turquie, la Suède, et même l’État de la Californie mesurent leur manque à gagner fiscal. Ils ont constaté qu’il s’agit d’un outil très utile pour élaborer des politiques. Ils conviennent tous que l’argent caché à l’étranger doit être rapatrié, et ils ont besoin de renseignements à jour sur le manque à gagner fiscal afin d’identifier les sommes concernées et d’aider à rapatrier l’argent.

Comme je l’ai dit, au Canada, il n’y a aucun danger à cacher son argent à l’étranger, puisque les chances d’être accusé, sans parler l’être condamné, sont pratiquement nulles. Les centaines de millions de dollars, voire les milliards de dollars calculés par le directeur parlementaire du budget ne résoudront pas, comme par magie, nos problèmes financiers, mais si nous en récupérions ne serait-ce qu’une portion, nous pourrions réduire le déficit et financer divers programmes. Nous savons tous que chaque fois qu’une nouvelle politique est suggérée au Canada, la question qui revient est « Où prendra-t-on l’argent pour la financer? » Voilà donc un moyen formidable de financer des politiques. Les milliards de dollars cachés à l’étranger pourraient être la solution.

On pourrait également réduire divers impôts.

Il est indéniable que le pays perd une somme d’argent considérable en raison de l’évasion fiscale à l’étranger, mais au-delà de cette réalité, il y a le simple fait que c’est grossièrement injuste. Ceux d’entre nous qui respectent les règles et paient leurs impôts se font duper par d’autres Canadiens qui contournent le système et cachent leur argent à l’étranger.

En ne percevant pas l’impôt qui est dû, on mine l’assurance que tous sont traités également. Si nous sommes tous dans la même situation, alors nous payons tous des impôts. Autrement, certains Canadiens qui disposent de moyens pour cacher leur argent bénéficient d’un traitement spécial, tandis que les autres doivent payer pour combler le manque à gagner.

Chers collègues, avant de conclure, je tiens à remercier les sénateurs qui sont intervenus en faveur de ce projet de loi lorsque je l’ai présenté pour la dernière fois. Le projet de loi dont le Sénat est saisi aujourd’hui est identique au projet de loi précédent. J’ai particulièrement apprécié le soutien du sénateur Paul MacIntyre, qui a pris sa retraite depuis, de la sénatrice Bovey, de la sénatrice Galvez et de la sénatrice McPhedran. Je les en remercie. Je remercie d’ailleurs tous les sénateurs qui ont voté en faveur de ce projet de loi la dernière fois. Nous espérons que la Chambre des communes fera preuve de bon sens cette fois-ci et qu’elle l’adoptera également.

Je vous remercie, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi relative au cadre national sur les cancers liés à la lutte contre les incendies

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Hassan Yussuff propose que le projet de loi C-224, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je ne prendrai pas la parole aujourd’hui; c’est mon bon ami le sénateur Wells, le porte-parole au sujet de ce projet de loi, qui le fera.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir au sujet du projet de loi C-224, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur la prévention et le traitement de cancers liés à la lutte contre les incendies.

Pour des milliers d’hommes et de femmes, être pompiers est plus qu’une profession. Les pompiers courent tous les jours des risques pour protéger les autres. Ils risquent leur vie pour leur communauté, leurs concitoyens et leurs collègues. Il est bien connu que les pompiers sont exposés quotidiennement à des substances cancérigènes et toxiques.

Initialement, on croyait que l’exposition survenait lorsqu’on respirait des produits chimiques libérés durant des incendies, ainsi que de la fumée, de la suie et de l’amiante. Or, des recherches plus poussées ont confirmé que ces toxines peuvent également être ingérées et absorbées par la peau. En juillet 2022, le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que les pompiers étaient exposés à des agents cancérogènes du groupe 1, le groupe associé aux plus grands risques de cancer.

À cause d’années d’exposition à des produits toxiques, les pompiers sont presque quatre fois plus susceptibles de contracter le cancer que la population générale. Dans l’ensemble, pour le Canadien moyen, le risque de développer un cancer au cours de sa vie est de 44 %. Ce chiffre grimpe à 53 % pour les pompiers. Alors que les risques de mourir d’un cancer sont de 30 % chez les autres personnes, ce taux de mortalité chez les pompiers est de 44 %.

(2330)

Pour mettre ces chiffres en perspective, l’année dernière, 95 % des décès chez les pompiers canadiens étaient attribuables au cancer. En conséquence, les pratiques de lutte contre les incendies mettent de plus en plus l’accent sur l’utilisation correcte de l’équipement de protection individuelle, les protocoles de décontamination et d’autres mesures comme les zones de lavage dans les casernes de pompiers, afin de réduire au minimum l’exposition aux agents cancérogènes.

Cependant, en dépit de ces efforts, un nombre croissant de recherches montrent que les pompiers sont davantage exposés à des produits chimiques mortels par la voie de l’équipement même qui est censé les protéger.

Les vestes et les pantalons de pompiers, qui font partie de l’équipement collectif, contiennent des concentrations élevées de substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques, aussi appelées SPFA, soit une classe de plus de 12 000 produits chimiques synthétiques utilisés principalement comme traitement de surface pour repousser l’eau et l’huile. Leurs liaisons carbone-fluor fortes et durables font que nombre d’entre eux ne se dégradent pas dans l’environnement et qu’ils sont difficiles à sécréter par l’organisme. C’est pour cette raison qu’on les appelle aussi les « produits chimiques éternels ».

Les substances perfluoroalkyliques et polyfluoroalkyliques ne sont pas utilisées exclusivement dans les vêtements à haut rendement. En fait, on retrouve ces produits chimiques dans des articles de maison tels que les produits de nettoyage, les imperméables, les parapluies, les tentes et les batteries de cuisine antiadhésives, ainsi que dans les traitements antitaches appliqués sur des tapis, des meubles capitonnés et d’autres tissus tels que ceux des vêtements de sport. On en retrouve même dans les produits de soins personnels comme le shampoing, la soie dentaire, le vernis à ongles et le maquillage.

Si j’énumère tous ces produits, chers collègues, c’est pour démontrer à quel point ces substances sont intégrées à nos vies. Diverses études toxicologiques ont démontré que celles-ci affectent le développement comportemental et le métabolisme, ainsi que les systèmes cardiovasculaire, immunitaire et endocrinien. Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis soulignent que ces substances ont une série d’effets sur la santé qui vont au-delà du cancer. Ils causent notamment des dommages au foie, provoquent une baisse de la fertilité et augmentent les risques d’asthme et de troubles thyroïdiens.

Imaginez maintenant devoir porter chaque jour des vêtements de travail pesant 45 livres recouverts de ces substances.

Il est également important de tenir compte du fait que les niveaux élevés de chaleur auxquels les pompiers sont exposés lorsqu’ils luttent contre des incendies contribuent à libérer ces toxines des vêtements, ce qui fait qu’elles s’insinuent régulièrement dans la peau, qu’elles sont respirées ou qu’elles pénètrent inévitablement dans le corps par le toucher.

De nouveaux résultats de recherche ont obligé les pompiers à reconnaître que ce qu’il devrait redouter le plus, ce ne sont pas les flammes, mais le cancer. Nous devons donc revoir les normes mondiales visant l’équipement que les pompiers doivent porter. Honorables collègues, je vous rappelle que ce projet de loi vise à créer un cadre national pour sensibiliser le public aux cancers liés à la lutte contre les incendies, dans le but d’aider les pompiers à avoir accès à des mesures de prévention et de traitement du cancer. En tant que porte-parole pour ce projet de loi, je me demande en quoi l’élaboration d’un cadre peut être une solution.

Il est certain que nous devrions avoir des conversations sur les bienfaits de la sensibilisation. Cependant, pour apporter des changements concrets, il faut des mesures curatives plutôt que des solutions palliatives. Si le but est de lutter contre les cancers qui touchent les pompiers, alors nous devons en trouver les causes et apporter des ajustements en conséquence. Nous ne pouvons pas faire grand-chose pour prévenir la libération de produits chimiques lors d’un incendie, mais il y a une solution concrète et évidente qui consiste tout simplement à remplacer l’équipement que portent les pompiers par quelque chose de plus sécuritaire.

À l’heure actuelle, l’équipement protecteur des pompiers contient des substances perfluoroalkylées qui repoussent l’eau et les hydrocarbures. Or, comme je l’ai mentionné plus tôt, des données scientifiques bien établies révèlent que les dangers associés à ces substances dépassent largement leurs bienfaits. Heureusement, il existe des solutions de remplacement, et bien d’autres projets sont en cours pour se défaire de ces produits chimiques éternels.

Selon un rapport de recherche danois intitulé Chimie hydrofuge et antisalissure durable dans l’industrie textile, il existe sur le marché un certain nombre de produits substituts offrant une imperméabilité durable à l’eau et à l’huile. La composition chimique générale de ces produits a été modifiée, ce qui a un effet sur leur risque cancérigène. Cinq d’entre eux sont mentionnés en détail dans le rapport : les produits chimiques répulsifs à base de paraffine, les produits chimiques répulsifs à base d’acide stéarique et de mélamine, les produits chimiques répulsifs à base de silicone, les produits chimiques répulsifs à base de dendrimère et les produits chimiques répulsifs à base de nanomatériaux. Tous ces substituts ont une composition chimique qui ne répond pas à la définition d’une substance perfluoroalkylée. En d’autres termes, ils peuvent être considérés comme des substituts plus sûrs au produit chimique préoccupant lors de la mise au point d’équipements innovants de lutte contre les incendies.

La recherche étant en cours, j’encourage le gouvernement fédéral à prendre en considération cette question cruciale lors de l’élaboration du cadre national. Les préoccupations que j’ai soulevées relèvent largement du champ d’application du projet de loi, compte tenu de leur lien direct avec le cancer.

Ce n’est qu’une des mesures que le gouvernement fédéral peut et doit prendre pour réduire les risques pour les pompiers et répondre à leurs préoccupations légitimes en matière de santé et de sécurité. J’aimerais prendre un moment dans mon intervention pour exprimer mon soutien total au projet de loi. Comme je prends mon rôle de porte-parole au sérieux, je souligne les préoccupations liées à l’équipement de lutte contre les incendies pour mettre en lumière la nécessité du projet de loi et recommander un moyen de le renforcer dans le cadre de la portée existante du projet de loi.

La seule réserve que j’ai à l’égard de ce projet de loi est que sa version initiale, le projet de loi C-224, comprenait la disposition suivante : « permettre aux pompiers à l’échelle du Canada de se soumettre au dépistage périodique de cancers liés à la lutte contre les incendies ». C’était, à mon avis, un élément très important. Plus tard, cet élément a été édulcoré pour devenir : « émettre des recommandations quant au dépistage périodique de cancers liés à la lutte contre les incendies ». On est passés d’une exigence à une recommandation. Accordant moi-même une grande importance à la séparation des compétences fédérales et provinciales — et c’est à la lumière de cela que cette modification a été apportée —, je comprends pourquoi elle a été faite. Cependant, je continue à penser que cette mesure n’est pas aussi rigoureuse qu’elle l’était dans la version initiale du projet de loi. Lorsqu’il s’agit de protéger les pompiers des maladies professionnelles, le temps presse. Plus le dépistage des cancers est précoce, meilleurs sont les résultats, ce qui est fondamental, compte tenu des objectifs et du bien-fondé de ce projet de loi. Quoi qu’il en soit, je suis fier de participer à l’élaboration d’un projet de loi d’une telle importance.

Les pompiers risquent leur vie tous les jours pour protéger nos collectivités, nos foyers et nos vies. Nous devons les protéger, tout comme ils nous protègent. Ce projet de loi est un moyen de le faire, car il reconnaît les risques à long terme pour la santé des pompiers et établit des cadres pour mieux les protéger dans l’exercice de leurs fonctions. Ce projet de loi ne concerne pas que les pompiers. Il concerne également leurs familles et le tissu de nos communautés. Chers collègues, ce projet de loi peut sauver des vies.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Yussuff, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Mary Jane McCallum propose que le projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que marraine au Sénat du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

J’aimerais remercier la députée Elizabeth May pour son travail et son leadership dans ce dossier essentiel. Je tiens aussi à remercier l’ancienne députée Lenore Zann, qui avait initialement présenté ce projet de loi à la deuxième session de la 43e législature dans l’autre endroit, quand le projet de loi était connu sous le nom de projet de loi C-230.

Chers collègues, comme vous le savez, nous avons récemment adopté dans cette enceinte une motion d’excuses adressées aux anciens élèves des pensionnats autochtones et à leurs familles, toutes générations confondues. La motion reconnaît le racisme systémique sur lequel notre pays a été bâti, quand les représentants du gouvernement fédéral et de l’Église se sont octroyé le pouvoir unilatéral de retirer les enfants des collectivités des Premières Nations et inuites en les enlevant à leur famille et à leur collectivité.

(2340)

Je le signale pour rappeler aux sénateurs que le racisme environnemental est un aspect très grave du contexte plus vaste du racisme systémique qui existe au Canada, qu’il s’agisse du racisme systémique au sein du Parlement, du milieu universitaire, du système correctionnel, des services policiers, des institutions de soins de santé ou des organes gouvernementaux d’un bout à l’autre du pays. Le racisme systémique permet à d’autres formes de racisme de prospérer dans ces différents milieux sans qu’aucune question ne se pose parce que le racisme systémique a été normalisé, ce qui a grandement désensibilisé la population générale à son existence et à ses répercussions. Autrement dit, le racisme environnemental n’est pas vécu indépendamment d’autres contextes, et il n’est pas involontaire. Il s’agit de décisions délibérées qui, dans bien des cas, reflètent la création de « zones sacrifiées » — des collectivités qui sont hors de la vue et donc hors de l’esprit du grand public, ce qui semble légitimer, d’une façon ou d’une autre, leur dévastation. C’est ce qu’on appelle le racisme géographique.

La présentation d’excuses n’est que le premier pas vers la conciliation ou la réconciliation en vue de l’établissement d’une nouvelle relation. Il faut plus que des mots pour établir une nouvelle relation significative et transformatrice. Autrement dit, il faut comprendre et relever les problèmes graves de racisme environnemental et y répondre, ce qu’entend accomplir le projet de loi à l’étude. Nous devons d’abord tous examiner ce que nous devons faire individuellement et collectivement pour soutenir cette relation, pour remplir notre rôle de sénateurs et notre rôle de défenseurs de ceux qui ne sont pas représentés à l’autre endroit et des personnes qui sont sans voix et sans pouvoir dans leur propre pays.

Honorables sénateurs, je veux vous parler de l’offrande que nous apportons au Sénat en tant que sénateurs de descendance des Premières Nations, métisse ou inuite non inscrits : l’expérience que nous avons vécue du racisme, de l’exclusion, de l’assimilation, du génocide, de l’iniquité et de l’inégalité, mais aussi nos forces, notre capacité d’accéder à la fois aux connaissances autochtones et occidentales, aux liens d’affinité et de culture entre les communautés, à la propension de nos ancêtres pour les seconds examens objectifs et à la sagesse qui découle d’une vie entière sous l’oppression.

Il convient ici de mentionner tout particulièrement les femmes. Les modes de connaissance et d’existence des femmes autochtones ont été largement sacrifiés, et la violence à l’égard des femmes existe dans tout le pays. Cette situation est en grande partie liée aux causes profondes du racisme environnemental. Il s’agit notamment de la dépossession des terres, de la gouvernance, de la santé, de l’économie et de l’autodétermination. Parallèlement, l’insécurité concernant l’approvisionnement en aliments et en eau potable, l’insuffisance des infrastructures de logement, la violence entre partenaires intimes, les toxicomanies, les violations des droits de la personne, la perte de la biodiversité et la contamination de la terre, de l’eau, de l’air et de nos autres relations ont eu des répercussions négatives sur les femmes et ont augmenté les charges qu’elles doivent assumer.

À ce titre, nous partageons avec vous nos expériences uniques, qui doivent être prises en compte chaque fois que nous prenons la parole. Notre parole découle de notre expérience. J’ai travaillé dans des communautés pendant plus de 40 ans. J’ai vécu avec les populations. J’ai vu la situation de détresse dans laquelle elles vivent, et c’est ce que nous apportons à la discussion. En tant que sénateurs autochtones, lorsque nous partageons notre point de vue sur nos modes d’existence, nos connaissances et notre expérience, nous vous offrons un cadeau. Nous vous disons que le système législatif n’a jamais permis de remédier aux problèmes engendrés dans nos vies et nos communautés par les lois et les politiques coloniales. Pourquoi pensez-vous qu’il y a tant de problèmes dans les communautés autochtones et qu’il y a de plus en plus de procès? Parce que les Autochtones n’ont nulle part où aller. Cette insatisfaction vient de quelque part, et elle vient en grande partie de la législation.

En tant que femmes autochtones, nous devons aussi subir la violence issue de nos dirigeants patriarcaux et coloniaux dans nos communautés. Souvent, nos hommes ont acquis des mentalités leur ayant été inculquées par la colonisation, et on leur fait tenir des propos contredisant la position que nous défendons ici. Les sans voix sont incapables de rivaliser avec les gens instruits, qui ont les privilèges que la classe populaire n’a pas. Nous sommes les défenseurs des sans voix dans cette enceinte, et c’est pour eux que nous travaillons.

Honorables sénateurs, veuillez prendre le temps de comprendre et d’accepter que nous sommes différents de vous par la façon dont nous avons vécu le génocide sur nos terres, dans ce pays, ainsi que par la manière dont nous continuons de vivre selon des « régimes laissés en plan », pour reprendre les mots de l’organisme Manitoba Keewatinowi Okimakanak, ou MKO. Il s’agit de régimes imposés par la voie législative, parfois par le Sénat.

Honorables sénateurs, j’aimerais maintenant parler du racisme environnemental, de la façon dont on peut le mettre en évidence et de la façon dont on peut le combattre. C’est le défenseur des droits civils afro-américain Benjamin Chavis qui a inventé le terme « racisme environnemental » en 1982. Voici la description qu’il en a fait :

[...] la discrimination raciale dans les politiques environnementales, l’application des lois et des règlements, le ciblage délibéré des communautés de couleur pour l’implantation d’installations de gestion des déchets toxiques, l’approbation officielle de la présence de poisons et de polluants mortels dans nos communautés, et l’exclusion historique des personnes de couleur dans les hautes sphères des mouvements écologiques.

Lorsque je donnerai des exemples, réfléchissez à la façon d’adopter un processus de réconciliation digne de ce nom qui contribuera à régler ces problèmes.

Chers collègues, j’ai récemment tenté d’inclure cet aspect dans un autre projet de loi, mais le ministre a rejeté l’amendement en faisant valoir que la notion n’avait aucun précédent dans des lois en vigueur et qu’il s’agissait de nouveaux mots. Le racisme environnemental n’est pourtant pas un nouveau concept. Il existe depuis longtemps et il touche de façon disproportionnée les communautés et les peuples des Premières Nations partout au Canada. J’en ai été témoin. Vous êtes nombreux à savoir que j’ai parlé à maintes reprises du racisme environnemental dans l’industrie de l’extraction des ressources naturelles.

Honorables sénateurs, comment la race joue-t-elle un rôle déterminant dans l’exposition aux dangers environnementaux et l’utilisation des terres au sein d’une communauté? Comment l’explique-t-on? Les infrastructures déficientes et de piètre qualité comme c’est le cas dans le domaine du logement, de l’approvisionnement en eau potable, des usines de traitement des eaux usées, des canalisations d’égout et des services d’incendie ainsi que l’impuissance des autorités autochtones à faire respecter les règlements qu’elles adoptent sont autant de problèmes qui contribuent au racisme environnemental.

De plus, ces problèmes ont été étudiés et documentés par des comités du Sénat et de la Chambre des communes. Les deux Chambres en reconnaissent l’existence dans les communautés des Premières Nations au Canada. L’histoire du racisme environnemental au Canada inclut d’autres cas où les gouvernements fédéraux et provinciaux, les municipalités et les grandes entreprises n’ont pas protégé les communautés les plus vulnérables. Comment ces communautés deviennent-elles vulnérables et pourquoi sont-elles maintenues dans cet état? Pourquoi sont-elles réduites à l’impuissance?

Peut-on cerner quelques-unes des causes profondes du racisme environnemental? Les mauvaises décisions stratégiques, intentionnelles ou non, qui touchent de manière injuste ceux qui sont sans voix; les lois qui ne tiennent pas compte des personnes marginalisées au moyen de mesures comme l’analyse comparative entre les sexes plus; les vides en matière de compétence liés à des questions comme les ressources naturelles, l’eau, la santé et les services de garde d’enfants; le manque de ressources humaines et financières pour contester les décisions d’un gouvernement ou d’une entreprise; la pauvreté; la sujétion au gouvernement par la voie de la Loi sur les Indiens; le non-respect des traités; l’établissement d’activités liées à l’extraction de ressources ou de décharges de déchets toxiques sur des terres peu coûteuses, sans égard pour les populations qui y vivent, créant ainsi des zones sacrifiées.

(2350)

Honorables sénateurs, maintenant que j’ai nommé quelques-unes des causes profondes, je vais fournir des exemples concrets de racisme environnemental.

La contamination des eaux a une incidence disproportionnée sur les communautés de couleur à faible revenu. Nous sommes tous au courant que des communautés minoritaires n’ont pas d’eau potable. Les eaux contaminées peuvent ruiner la santé d’une collectivité, causant des maladies allant de maladies hydriques au cancer, et empêchant les gens d’assurer leurs soins personnels, comme se laver. Ces gens vivent de l’eau embouteillée que le gouvernement leur fait parvenir. Comment peut-on se laver, cuisiner et nettoyer son espace avec de l’eau embouteillée?

Les problèmes de contamination de l’eau peuvent avoir des conséquences à long terme. Au Manitoba, par exemple, la communauté isolée de la nation crie d’Opaskwayak subit des inondations dues à un barrage hydroélectrique situé sur son territoire, qui met en péril la population d’esturgeons, ainsi qu’au déversement d’eaux usées en amont, jusqu’à Winnipeg, qui a entraîné la prolifération de cyanobactéries, causée par les herbicides et les pesticides. Or, ces cyanobactéries provoquent des éruptions cutanées chez les enfants, la mort de poissons et d’élans dont la population dépend pour sa subsistance, ainsi que l’impossibilité d’avoir un approvisionnement stable en eau potable.

Les cyanobactéries dans les Grands Lacs et dans d’autres lacs de l’Ontario ont été éliminées grâce à des règlements empêchant l’utilisation d’herbicides et de pesticides, ce qui a permis de nettoyer les lacs. Cette situation est toutefois différente, parce qu’on permet à ces algues de se développer. C’est du racisme environnemental.

Un autre exemple est celui des bassins de décantation, qui ont augmenté de 300 % en 20 ans en dépit de la législation qui aurait dû empêcher ce fléau. Nous savons maintenant que ces bassins de décantation fuient, ce qui nuit encore plus à la salubrité de l’eau, à la biodiversité et à la santé des animaux. Les Premières Nations de la région d’Athabasca, en Alberta, luttent activement contre la dévastation de leurs terres par les bassins de décantation. Or, la résolution des problèmes de contamination de l’eau nécessite l’intervention du gouvernement, qui ne s’est pas manifestée.

Le racisme environnemental est également lié à la protection des espèces aquatiques. Nous avons abordé cette question au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. C’est une question qui a d’ailleurs été soulevée à maintes reprises.

Nous constatons également que certaines communautés présentent des taux de pollution atmosphérique extrêmement élevés, comme la zone connue sous le nom de « vallée des produits chimiques » en Ontario, où les données sur la pollution atmosphérique de la Première Nation Aamjiwnaang prévoient des taux de polluants atmosphériques étrangers liés au cancer jusqu’à 44 fois plus élevés que le niveau annuel recommandé. Selon l’Organisation mondiale de la santé, une pollution atmosphérique élevée contribue à de nombreuses maladies graves, notamment le cancer du poumon, les infections respiratoires, les accidents vasculaires cérébraux, les maladies pulmonaires et d’autres encore.

L’empoisonnement au plomb est un autre problème que nous constatons. Par exemple, la Première Nation de Grassy Narrows, en Ontario, est aux prises avec l’empoisonnement au mercure de son eau depuis trois générations, résultat de la pollution industrielle des années 1960 et 1970. Ce problème n’est toujours pas résolu aujourd’hui.

Chers collègues, il existe au Canada de nombreuses situations et de nombreux incidents environnementaux uniques qui correspondent au racisme environnemental, notamment le manque d’eau courante, car il y a dans certaines communautés des Premières Nations dans le Nord de l’Ontario des jeunes d’une vingtaine d’années qui n’ont jamais eu le privilège d’avoir l’eau courante de toute leur vie.

Un autre exemple est celui des puits de pétrole abandonnés et de leur menace permanente de pollution, un problème qui n’a toujours pas été traité de manière adéquate malgré la reconnaissance de ses effets délétères.

L’agriculture intensive est un autre exemple. La Première Nation de Swan Lake, au Manitoba, est principalement victime de l’agriculture intensive et de la monoculture. Le lac de la communauté est considéré comme mort et ne constitue plus une source de nourriture viable. La fragmentation et l’utilisation des terres environnantes ont également contribué au déclin de la flore, y compris des plantes médicinales.

Les lois ont fragmenté les populations, chassant des gens d’une partie de leur territoire. Les exemples de racisme environnemental dans le Nord comprennent les communautés et les territoires visés par des inondations prévues et des déplacements forcés, l’accès déficient à l’eau potable, le manque de consultation concernant la manipulation du niveau d’eau des barrages hydroélectriques, les chantiers de construction et sites d’extraction minière désaffectés, la violence résultant des camps de travail et des accords de partenariat sur l’eau insuffisants, les revendications territoriales non résolues, la pénurie de services Internet, le repeuplement, la fusion forcée des Premières Nations en bandes, le manque d’accès aux soins de santé ainsi que la consultation systématiquement inadéquate ou inexistante dans tout ce qui nous touche.

J’aimerais également citer l’exemple de Rooster Town, au Manitoba, où vivaient des Métis ruraux qui s’y étaient établis pour trouver du travail dans l’économie urbaine et construire leur maison tout en gardant la culture et la communauté métisses au cœur de leur vie.

Rooster Town s’est développée, sans services municipaux, à Winnipeg. En 1951, la Ville de Winnipeg a commencé à encourager le développement de la banlieue dans ce secteur, qui s’appelle aujourd’hui Grant Park. Pour expulser les familles de Rooster Town, la Ville et les médias ont rapporté des faussetés ancrées dans des stéréotypes racistes, nuisibles et humiliants à l’endroit de la communauté métisse. En 1960, les dernières maisons de Rooster Town ont été détruites au bulldozer.

Honorables sénateurs, il existe d’innombrables autres exemples de racisme environnemental au Canada. Je sais que certains de nos collègues en parleront.

Honorables sénateurs, vous constaterez que, dans le projet de loi C-226, il n’y a pas de définition du terme « racisme environnemental ». Même si la définition originale a été donnée au début de mon intervention, la situation au Canada est unique en raison de l’histoire des traités, de la population autochtone hétérogène du pays, de l’adoption de la Loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, ainsi que de l’obligation de consultation et d’accommodement. Par conséquent, même si une définition n’est pas requise, comme nous l’avons vu lors de l’adoption du projet de loi par la Chambre des communes, toute définition devrait refléter l’expérience canadienne.

La stratégie nationale au cœur de ce projet de loi est essentielle pour promouvoir des changements efficaces qui permettront de faire respecter la justice environnementale, non seulement pour les Premières Nations, les Métis, les Inuits et les Autochtones non inscrits, mais aussi pour tous les Canadiens qui souffrent de ce problème insidieux.

Honorables sénateurs, choisissons la voie honorable afin de mettre fin à la morbidité et à la mortalité prématurées qu’on continue d’observer chez les Autochtones du Canada à cause du racisme environnemental. Ceux qui ont le moins contribué à la dégradation de l’environnement sont souvent ceux qui sont le plus susceptibles d’en ressentir le plus durement les effets.

Comme l’a déclaré la sous-secrétaire générale Ilze Brands Kehris du Haut-Commissariat aux droits de l’homme :

Malheureusement, des pratiques néfastes persistantes, des mesures insuffisantes et l’inaction des gouvernements et d’autres détenteurs d’obligation en matière de protection de l’environnement menacent les progrès nécessaires à la protection de l’environnement pour tous.

Chers collègues, l’élimination du racisme environnemental protégera les personnes vulnérables, les environnements vulnérables et les générations à venir. Nous avons tous le droit à un environnement sain. Employons-nous à faire respecter ce droit en appuyant le projet de loi C-226. Kinanâskomitin. Merci.

(À minuit, conformément à l’article 3-4 du Règlement, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures, plus tard aujourd’hui.)

Annexe - Liste des sénateurs

Haut de page